Infirmières en colère : "j'ai demandé ma démission, on ne peut pas prendre soin des patients dans ces conditions"

Elles sont infirmières au CHU de Nice et voient leurs conditions de travail se détériorer depuis des années, d’autant plus avec l’épidémie de Covid-19. Climat de peur, "mensonge des chefs", manque de matériel et de personnel... Elles témoignent de leur ras-le-bol.

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Infirmière, Julie travaille depuis 20 ans au CHU de Nice. Durant un mois et demi, elle a été affectée au secteur Covid, plongée au coeur de l’angoisse du moment.

Un service pénible, où le personnel soignant doit porter de nombreuses protections et faire attention au moindre geste pour éviter la propagation du virus. Et puis il y a le climat d’angoisse permanent.

« Les patients étaient tous tétanisés par la peur de mourir. Les visites étaient interdites, alors on devait faire beaucoup de soutien psychologique », raconte Julie.

"Nos patients avaient tellement peur d’aller en réanimation, parce que pour eux ça voulait dire qu’il pouvait y mourir, qu’ils ne nous disaient pas quand ça n’allait pas. Ils disaient qu’ils respiraient bien, mais quand on prenait les mesures on voyait bien que ce n’était pas le cas. "

"On nous a manipulés pour qu'on ne s'arrête pas de travailler"

Pour supporter la charge de travail et le climat angoissant, les infirmières et aides-soignantes du service se serrent les coudes. Mais elles ne font plus confiance à leur hiérarchie. « Au début de l’épidémie, j’ai été en contact avec une dame qui a ensuite été transférée en infectiologie. La cadre de santé nous a dit qu’elle n’était pas porteuse du virus, mais on a découvert ensuite que son scanner thoracique montrait des lésions de Covid ! » s’insurge l’infirmière.

On nous a menti, on a été manipulés pour qu’on ne s’arrête pas de travailler. On aurait pu être contaminés et contaminer nos familles. Moi j’ai deux filles, c’est ma plus grande peur.

Depuis le début de l’épidémie, trois internes et une aide-soignante ont été contaminés par le virus dans le service.
Devant le « manque de considération » du personnel, Julie aimerait quitter cet hôpital, mais pour l’instant c’est impossible. « J’y ai fait carrière. J’ai commencé comme aide-soignante et il y a trois ans, j’ai fait l’école d’infirmière en formation professionnelle au CHU, ce qui implique d’y travailler au moins 5 ans après. Il  me reste encore deux ans à faire ici, sinon je serai déjà partie ».

 

"On nous traite comme des pions" 

Charlotte, elle, va bientôt quitter le CHU. Infirmière dans le service de rhumatologie, elle a posé sa démission il y a 15 jours. « Je devais terminer cette semaine, mais la direction m’a demandé de rester 15 jours de plus. Ils disent qu’ils n’ont trouvé personne pour me remplacer mais c’est juste qu’ils sont très mal organisés et n’ont pas du tout anticipé mon départ » regrette la jeune femme. 

L’infirmière travaille au CHU dans des conditions pénibles depuis deux ans, et l’épidémie de Covid-19 a aggravé la situation. « Depuis la crise du Covid, on est en effectif réduit donc la charge de travail est encore plus lourde.»

Face à l’épidémie, le CHU a déshabillé les autres services pour habiller le service Covid. Et nous les infirmières et aides soignantes, on nous affecte ici ou là, comme des pions.

Ce jeudi 28 mai, avec une trentaine d’autres membres du personnel hospitalier, Charlotte s’est rendue sur la place du Palais de justice de Nice pour expliquer ses revendications à la population.

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Du personnel et du materiel

« On demande tout simplement qu’on réaffecte le personnel initial dans nos services, et on veut plus de matériel, du matériel qui marche. Tous les jours il faut bidouiller un lit cassé, retourner un matelas défoncé … en 2020 en France, c’est pas normal » lâche Charlotte.
Dans son service de rhumatologie, seules une infirmière et une aide-soignante sont présentes pour 14 « patients lourds ». Le travail se fait à un rythme effréné.

On fait tout dans l’urgence et ce sont les patients qui en pâtissent. Ils sont compréhensifs, ils nous disent « ça fait longtemps que j’aurais dû être changé mais je n’ose pas vous déranger, je vois que vous êtes débordée. ». Leur bien-être passe au second plan, c’est pas normal !

Avec la reconnaissance envers le personnel soignant lié à la crise du Covid-19, les infirmières du CHU espèrent se faire entendre du gouvernement. Mais leurs revendications ne sont pas nouvelles et elles attendent désormais des mesures concrètes.

« J’aime profondément mon métier, mais je suis épuisée. Ça fait 20 ans que je travaille à l’hôpital pour 1700 € par mois dans des conditions désastreuses. Ce n’est plus possible » conclut Julie.
 

Le CHU leur répond :
- Une infirmière affirme qu'elle a été en contact avec une personne porteuse du virus (elle dit avoir vu des lésions liées au Covid sur son scanner thoracique) mais la cadre de santé lui aurait assuré qu'elle n'était pas positive, lui a-t-on caché ? 

Réponse CHU : S’agissant d’une situation individuelle, sans connaitre le nom de la personne et le service dans lequel elle était affectée, il est difficile de vous apporter des éléments de réponse. Naturellement le CHU a veillé à ce que tous ses professionnels disposent des équipements de protection adaptés, variables selon la zone de travail et le type de soins effectués (type de masques, surblouses, gants, lunettes…)
 
D’ailleurs le nombre de professionnels testés positifs au covid 19 au CHU de Nice sur la période est de 39 sur plus de 8500 agents soit moins de 0,5% de l’effectif (donc probablement moins que dans la population générale).

- Les aides soignantes et infirmières disent être en effectif réduit et demandent le retour aux équipes complètes dans leur service. Cela est-il prévu ? Certaines dénoncent également le turn-over particulièrement fréquent, selon elles, au CHU.

Concernant les effectifs, le CHU a recruté sur la période 89 personnes supplémentaires pour venir en renfort des équipes en place.
 
Le CHU a dû adapter les effectifs aux besoins de prise en charge de la population en renforçant certains services tout en maintenant une prise en charge hors covid. C’est pourquoi, il est vrai que la mobilité interne a été plus importante que d’habitude pendant cette période exceptionnelle de pandémie. Toutefois les personnels concernés seront de retour dans leur service courant juin.
 
Le turn over au sens strict est quant à lui inférieur au CHU de Nice à la moyenne nationale des CHU.

 
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