La pénalisation des clients de prostituées critiquée

Les députés ont adopté vendredi soir la pénalisation des clients de prostituées, mesure phare de la proposition de loi sur la prostitution qui n'a été réellement combattue que par les écologistes. Un vote critiqué à Nice par les prostituées elles-même et les associations qui les accompagnent.

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Les députés ont voté à main levée la disposition la plus controversée du texte, celle qui punit l'achat d'actes sexuels d'une contravention de 1.500 euros. En cas de récidive, l'infraction deviendra un délit puni d'une peine d'amende de 3.750 euros dans "un souci de pédagogie et de dissuasion, graduelle et progressive", selon un amendement voté.
Alternative à l'amende ou sanction complémentaire, un "stage de sensibilisation à la lutte contre l'achat d'actes sexuels" est prévu.


Abrogation du délit de racolage

En dépit des réticences de deux députés UMP, Marie-Louise Fort et Philippe Goujon, les députés ont abrogé le délit de racolage passif institué par Nicolas Sarkozy qui pénalisait les prostituées.
Ils ont aussi voté des mesures d'accompagnement social pour celles qui veulent quitter la prostitution, qui seront alimentées par un fonds de 20 millions d'euros par an. Les étrangères engagées dans ce "parcours de sortie" chapeauté par une association agréée pourront prétendre à un titre de séjour de six mois, éventuellement renouvelable.
La ministre des Droits des femmes Najat Vallaud-Belkacem a salué dans un communiqué "un débat qui fait honneur à notre démocratie" et "le travail des parlementaires de tout bord".

"Qu'ils le soutiennent ou qu'ils expriment des réserves, chacun a été pleinement concentré sur un objectif commun : répondre aux souffrances qu'expriment les personnes prostituées", a-t-elle poursuivi, se réjouissant que le débat ait "permis de parler de la prostitution telle qu'elle est et pas telle qu'on l'imagine".

Le vote sur l'ensemble du texte interviendra mercredi prochain, dans un hémicycle qui devrait plus fourni, avant d'être examiné plus tard au Sénat. 
Avant le vote des amendements, les partisans du texte avaient démonté un à un les arguments de ceux qui défendent la "liberté" des prostituées et étaient peu représentés dans l'hémicycle.
"Il suffirait qu'une seule prostituée se dise libre pour que l'esclavage des autres soit respectable ? ", a martelé la rapporteure Maud Olivier (PS).

"Entre les fantasmes de certains et la réalité que vivent 90% des personnes prostituées, il y a le monde de la violence et l'argent de la traite", a-t-elle asséné.

"La France n'est pas un pays d'accueil de la prostitution", avait renchéri Mme Vallaud-Belkacem. "Le sujet ça n'est pas la sexualité. Le sujet c'est l'argent qui nourrit le proxénétisme", a-t-elle insisté.
L'un des initiateurs de ce texte transpartisan, l'UMP Guy Geoffroy, s'est défendu d'être "un valet servile de la pudibonderie poussièreuse".
"On parle de la satisfaction des désirs masculins ? Mais que fait-on des désirs féminins ?", s'est-il interrogé en plaçant l'action des députés dans la lignée de celle de Lucien Neuwirth, le père de la pilule décédé cette semaine. 


Manifestation de prostituées

Seuls les écologistes sont vraiment montés au créneau contre le texte. "Cela vous est inconcevable qu'il puisse y avoir consentement dans un acte sexuel tarifé. Vous opposez des femmes toujours victimes, des hommes toujours coupables", a lancé aux partisans du texte Sergio Coronado (EELV) pour qui "éloigner les prostituées des lumières de la rue, c'est les reléguer dans l'obscurité". L'UMP défend l'abstention, "mais chacun pourra voter pour ou contre", a dit Marie-Louise Fort.
Radicaux de gauche et UDI laisseront la "liberté de vote" aux parlementaires. Jean-Louis Borloo a dit "au fond ne pas savoir quelle est la bonne décision" à prendre.

20.000 prostituées en France

On estime à plus de 20.000 le nombre de personnes prostituées en France. Elles viennent notamment d'Europe de l'Est (Bulgarie, Roumanie), d'Afrique (Nigeria, Cameroun), de Chine et d'Amérique du Sud.

Les divisions étaient plus visibles aux abords de l'Assemblée où se tenaient deux rassemblements, l'un d'environ 150 personnes contre la pénalisation du client à l'appel du Syndicat du travail sexuel (Strass), l'autre d'une cinquantaine de personnes à l'appel de certaines associations féministes.

La proposition de loi s'inspire de l'exemple de la Suède où les clients sont pénalisés depuis 1999, ce qui a conduit à une réduction de moitié de la prostitution de rue en dix ans. Elle avait enflammé les esprits avec la pétition "Touche pas à ma pute" lancée par "343 salauds", dont le journaliste Eric Zemmour et l'écrivain Frédéric Beigbeder.

Notre reportage:
Intervenants:
  • Gaby
  • Eric Jouan Directeur général association ALC
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