Prolongée de 15 jours en vertu de la nouvelle loi sur le logement, la trêve hivernale s'étend désormais jusqu'au 31 mars. Les expulsions locatives peuvent donc reprendre et avec elles, le risque pour les personnes concernées de se retrouver à la rue.
Le répit s'achevait hier à 6H00 pour des milliers de familles poursuivies pour impayés de loyers, qui ont de nouveau "la peur au ventre" d'être expulsées de leur logement avec la fin de la trêve hivernale.Parallèlement, commence un mouvement de remise à la rue de SDF qui ont été abrités pendant l'hiver dans des places d'hébergement temporaires, qui vont fermer progressivement avec les beaux jours.
1er avril "synonyme de peur au ventre" :
La trêve hivernale, qui interdit les expulsions locatives, a débuté le 1er novembre et s'est achevée lundi soir.Elle interdit également pendant la même période les coupures d'énergie. Hier matin, le collectif des "Robins des bois de l'énergie" a bloqué l'entrée d'une agence ErDF de Seine-Saint-Denis pour empêcher la reprise des coupures de courant chez des familles en situation d'impayés.
Le 1er avril est "synonyme de peur au ventre" pour des milliers de personnes, a dénoncé un collectif de 34 associations (Fondation Abbé Pierre, Croix-Rouge, Armée du Salut, etc.).
Les expulsions concernent majoritairement des familles aux revenus modestes, retraités, travailleurs pauvres, touchés par un accident de la vie (perte d'emploi, maladie, séparation), qui les met en difficulté pour payer leur loyer.
Ces impayés ne concernent que 2,5% des loyers. Ils sont la conséquence "des loyers trop chers et de la pénurie de logements", affirme la Confédération nationale du Logement, qui réclame plus de logements accessibles aux plus démunis.
Selon la Fondation Abbé Pierre, les décisions judiciaires d'expulsions pour impayés ont augmenté de 37% depuis dix ans pour s'établir à 115.000 en 2012. Et les expulsions effectives par la force publique ont doublé, pour atteindre près de 13.000 cas.
"Terreur intolérable" :
Mais comme de nombreux ménages n'attendent pas l'intervention des forces de l'ordre pour quitter les lieux, souvent en catimini, c'est "plutôt 40 à 45.000 familles qui sont touchées par une expulsion", affirme Christophe Robert (Fondation Abbé Pierre), "soit l'équivalent d'une ville comme Chartres, Melun, Gap ou Nevers".La menace d'une expulsion "met les gens dans une terreur intolérable", déplore Benoit Filippi de l'Association des comités de défense des locataires. Et même des ménages reconnus prioritaires Dalo (Droit au logement opposable), qui doivent normalement être protégés s'ils n'ont pas de solution de relogement, continuent d'être expulsables en dépit d'une circulaire gouvernementale, dit-il.
Les associations demandent "un moratoire" des expulsions pour mettre en place "une vraie politique de prévention", tout en dédommageant les propriétaires.
Mais l'Union nationale de la propriété immobilière réclame au contraire la suppression de la trêve, qui met selon elle les propriétaires en difficulté financière.
En première ligne en cas d'expulsion, les huissiers de justice insistent pour que les personnes menacées prennent contact avec eux le plus tôt possible pour trouver des solutions d'échelonnement de la dette, par exemple. "Quand un huissier arrive à l'expulsion, c'est un échec", affirme Patrick Sannino, président de leur Chambre nationale.
D'autant que "si une personne se retrouve à la rue, c'est foutu", affirme Jean-Baptiste Eyraud (Droit au Logement) "car le droit à l'hébergement n'est pas respecté non plus. De plus en plus de sans abri n'arrivent pas à obtenir de places en centre d'hébergement."
Les associations se disent "enfumées" par le gouvernement, qui avait promis de mettre fin à "la gestion au thermomètre" de l'hébergement d'urgence. Après avoir ouvert 16.000 places d'urgence pendant l'hiver, il va les fermer "massivement" dans les prochains mois, dénoncent-elles.
Chantal Fazi et Eric Jacquet ont rencontré, à Nice, deux familles qui font part de leur angoisse :
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Reportage : Chantal Fazi, Eric Jacquet, Jimmy Juvigny