Journée mondiale contre le cancer. Le combat d'une Niçoise : "Je suis la nana qui ne devrait pas avoir de cancer du poumon"

Le cancer du poumon est le plus meurtrier en France avec 30.000 morts chaque année. Le dépistage ouvre l'espoir d'une réelle amélioration de l'espérance de vie de cette maladie qui ne touche pas que les fumeurs. Témoignage recueilli à Nice à l'occasion de la journée mondiale contre le cancer.

Quand Odile (son prénom a été changé à la demande de la personne) arrive à ma rencontre dans les locaux de la Ligue contre le cancer, à Nice, j’ai une belle femme devant moi. Elle n’est pas très grande. Un maquillage léger qui fait ressortir son bronzage. Son immense pull bleu ciel donne la réplique à la douceur de ses yeux. Son visage tout entier est détendu et de longs cheveux blond cendré l’encadrent négligemment.

Odile a 62 ans. Elle en parait beaucoup moins. Lorsqu’elle commence à me raconter son histoire, sa voix est tranquille, posée, presque souriante.

"Tout a commencé par une douleur à la hanche que j’ai attribuée à ma pratique sportive. J’ai pensé que c’était une tendinite. Le sport c’est mon métier. Je suis prof de gym, de yoga et de danse. Je n’ai jamais fumé de ma vie. Je mange bio. Je suis la nana qui ne devrait pas avoir, normalement, de cancer du poumon."  

"Je n’ai jamais fumé de ma vie"  

Le mot, déjà, fait peur : cancer. Quand on y adjoint "poumon", on songe d’abord au pronostique qui sera redoutable. Tout de suite après, on pense "tabac". Et bien non.

Elle poursuit : "Je l’ai appris le 24 décembre 2020, un très joli cadeau de Noël…  C’est grâce à ma généraliste. Elle a été extraordinaire. En moins d’un mois  elle m’a fait passer plein d’examens. Une échographie a confirmé un problème au niveau de la hanche gauche. Elle n’a pas été satisfaite et m’a envoyé passer radio et scanner. Le dernier examen lui a laissé supposer qu’il y avait vraiment un énorme souci. Le 23 décembre, elle m’a téléphoné pour me dire : "demain matin à 8 h vous êtes à l’hôpital pour faire un pet scan". Vous entendez "oncologie" et là, vous comprenez l’énormité du problème. Le 24 décembre, c’est tombé : cancer du poumon, métastasé, stade 4."

J’ai l’impression que la pièce dans laquelle nous nous trouvons vient brutalement de se rétrécir. Je la regarde. Le silence est lourd. Un sourire léger se dessine sur son visage. Je ne sais quelle attitude adopter. Derrière mon masque, mes yeux plongent dans les siens. Mal à l’aise, ne trouvant rien à dire, je continue mes questions. Vous ne vous doutiez de rien ? "Non. Absolument pas. Aucun symptôme. Rien. J’ai un cardio de dingue. Je traverse une piscine, sous l’eau, sans problème. J’ai une pratique sportive et une hygiène de vie irréprochable".

Le cancer du poumon, le plus meurtrier

Le cancer du poumon est le plus meurtrier en termes de fréquence et d’incidence, en France et dans le monde.

Le professeur Paul Hofman, oncologue au CHU de Nice et chercheur explique : "C’est un cancer qui est très longtemps indolent, c’est-à-dire qui n’entraine pas de douleur et, quand on a mal, c’est que le stade est trop tardif pour se faire opérer. A ce moment-là, les chances de survie sont diminuées." 

Odile fait partie des 15% de personnes dont le cancer du poumon n’a aucun lien avec le tabac.

"C’est très méconnu", poursuit-il. "Le grand public ignore qu’il y a d’autres causes. D’abord, l’exposition au radon. C’est un gaz radioactif d’origine naturelle qui se trouve dans les sols. Il y a des régions beaucoup plus exposées que d’autres comme la Corse du Sud et le Massif central. En Europe aussi, il y a des pays où il y a plus d’exposition au radon. Or, c’est la deuxième cause de cancer du poumon. Ensuite, il y a aussi les expositions professionnelles comme l’amiante et la silice pour ceux qui travaillent dans les carrières et qui se protègent mal. Il faut vraiment faire de la prévention. Enfin, il y a, et ça commence être bien connu même si c’est plus rare, une préposition génétique familiale."  

Les fumeurs et les anciens fumeurs stigmatisés

Le professeur Hofman fait partie d’un collectif de professionnels de santé et d’associations de malades qui œuvrent à améliorer les connaissances sur le cancer du poumon.

Le but est d’en parler davantage afin de mieux le dépister et de le prendre en charge de manière plus précoce. Leur slogan : Ensemble Nous Poumons !

Paul Hofman insiste d’abord sur le serment d’Hippocrate qu’il a prêté en devenant médecin. "On stigmatise à tort les fumeurs et les anciens fumeurs. Personne ne devrait faire cela. L’incidence du cancer du poumon dans la population globale française est en train de se stabiliser." 

Plus d’augmentation progressive donc. La nouvelle est plutôt bonne concernant une forme de cancer qui est la troisième la plus fréquente en France derrière les cancers du sein et du colon-rectum. "Un patient qui va être opéré a 90% de chance de survivre et donc de guérir. Un patient qui n’est pas opéré voit ses chances de survie tomber à 10% sur 5 ans", explique le professeur Hofman. "Ce qui est inquiétant, c’est que, chez les femmes, le nombre de cancer du poumon augmente toujours. Elles fument de plus en plus jeunes et l’impact fait qu’on a une sorte d’épidémie du cancer du poumon dans cette population." 

L’espoir d’un dépistage massif  

Le professeur Charles Marquette est le chef du service de pneumologie et cancérologie thoracique au CHU de Nice. Il est formel : l’augmentation significative des chances de survie est désormais scientifiquement prouvée. "Il y a deux études (nord-américaine et européenne) consacrées au dépistage du cancer du poumon qui démontrent très clairement un gain de survie de 15 à 20% grâce au dépistage par scanner thoracique basse dose chez les personnes ciblées. Les candidats sont les adultes de plus de 55 ans qui ont fumé une trentaine d’années, qui fument encore, ou qui ont arrêté de fumer depuis moins de 15 ans."

Selon ces deux grandes études internationales, la population cible, qui est clairement connue, doit impérativement débuter un scanner annuel dès l’âge de 55 ans jusqu’à arriver à une durée totale de sevrage de 15 ans.

Odile n’entre bien évidemment pas dans cette population cible, elle qui n’a jamais touché une cigarette. "Au début, j’ai eu une corticothérapie lourde pour la douleur et pour faire baisser l’inflammation très très rapidement. En même temps, il y a eu une radiothérapie ciblée pour les métastases osseuses très dangereuses à la base du crâne qu’il fallait absolument éradiquer. Je suis devenue à moitié sourde avec ça mais en même temps ça m’a sauvé la vie. Et puis, j’ai l’incroyable chance de bénéficier de la thérapie ciblée. Ça consiste en un comprimé à prendre toutes les 24 heures, à heure fixe et c’est tout. Ça, c’est extraordinaire, magique pour le confort du patient. C’est vraiment formidable. Bien entendu, je n’ai pas du tout la même vie qu’avant. Avant, j’avais une vie sociale très riche, je donnais 4 heures de cours par jour. A présent, il y a des jours où je ne veux pas sortir de mon lit et où je reste en boule sous les draps. Mais bon…" Elle fait un geste négligent de la main.

Soudain, elle se redresse. "J’ai quelque chose d’important à dire. Je veux dire à vous tous qui fumez, arrêtez. Arrêtez tout de suite. Ecrasez votre clope parce que si moi j’ai pu chopper cette cochonnerie, n’en rajoutez pas !" 

A la question de savoir comment elle se projette, son regard se trouble : "L’avenir, ça c’est la question compliquée parce que vous vous apercevez que vous allez être en traitement tout le temps. L’arrêt du traitement sera l’arrêt de votre vie tout simplement donc c’est compliqué de se projeter. Ça fait 13 mois maintenant que j’ai eu ce diagnostic funeste et je suis toujours là."

Focus sur la Ligue contre le cancer

La Ligue contre le cancer, qui m'a permis cet échange avec Odile, travaille dans trois directions complémentaires : 

  • l’aide à la recherche par un accompagnement financier
  • l’aide aux personnes malades et aux proches par des soins oncologiques de support de confort pour traverser la maladie de manière un petit peu plus confortable (accompagnement psychologique, soutien diététique, soins esthétiques, séances d’activité physique et sportive adaptées, ateliers de bien-être)
  • la promotion et la prévention des dépistages.

Des études scientifiques démontrent que les personnes qui bénéficient de soins de bien-être voient une réelle amélioration de leur qualité de vie et leur état clinique.

La directrice de la Ligue contre le cancer des Alpes-Maritimes, Eugénie Clauzon l’explique très bien : « Les patient dorment mieux, mangent mieux, souffrent moins,  se sentent moins  isolés et vivent mieux avec leurs proches. »

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