Non, vous ne faites pas fausse route malgré les faux-semblants. Tous les Niçois y sont passés un jour. En l'espace de trois siècles, le modeste lieu de passage de la vieille ville s'est mué en véritable œuvre d'art. Ce monument historique symbolise la transition entre la vieille cité et la ville moderne. Il représente aussi un trait d’union entre passé et présent, ici-bas et au-delà.
Avec sa voûte dorée et ses faux marbres, la fameuse "Porte Fausse" représente une œuvre majeure et originale de la vieille ville. Témoin clé de l'histoire de Nice dans les Alpes-Maritimes, ses habitants restent attachés à cet endroit hors du temps, féerique et insolite.
Le luthier et la Porte Fausse
Au 18ᵉ siècle, la vieille ville de Nice, surnommée la "ville-basse" est encerclée par les remparts. Après leur démolition, la métropole s'agrandit et s'ouvre à l’international pour devenir une capitale mondiale du tourisme. À cette époque, une poterne (une porte dérobée permettant de sortir d'une forteresse) est construite dans le quartier historique pour permettre aux habitants de passer de la ville moderne des rives du Paillon et de la "ville basse" au quartier "Lou Bersalh".
En nissart, ce mot qui signifie "cible" présuppose l'existence d'une ancienne aire de tir à l’arc.
Au cours du 20ᵉ siècle, la porte fut élargie pour créer davantage d'amplitude. En lieu et place de l’escalier d’aujourd’hui, se trouvait un immeuble appartenant à Albert Blanqui, un maître luthier. Avec son accord, les Niçois prirent l'habitude de traverser ses caves qui donnaient directement accès à la Place Rossetti.
À sa mort, le maître luthier fit don de son bien à la ville à la condition qu’il soit transformé en passage.
Son désir fut exaucé et le lieu tout simplement baptisé ''Porte Fausse''.
Faux semblants et vraie fontaine
Dans ce passage, seule la fontaine est authentique. Offerte en 1830 par le commandeur Pierre-Joseph Arson, elle est érigée contre les piliers de la porte.
Dans son guide, Alex Benvenuto, historien de la gastronomie niçoise, explique que cette dernière n'a pas fait couler que de l'eau. Il s'agit de la fontaine dans laquelle les tripiers venaient laver abats et boyaux avant de les revendre. C'est pourquoi cette "Fontaine des Tripiers" - son nom d'époque - était devenue une source de mésentente entre résidents et commerçants. Il n'en reste que les "Li tripa a la nissarda" (les tripes à la niçoise) fait partie des plats traditionnels de la Côte d'Azur. Avis aux amateurs !
D’un monde à l’autre
Bien plus tard, la Porte Fausse a fait l'objet d'une grande rénovation lors de la création de la ligne de tramway 1. Cette restauration est signée par l'artiste Sarkis qui a habillé l’escalier de feuilles d’or et de marbrures teintées de blanc et de bordeaux.
Le peintre et sculpteur a souhaité créer un espace à la fois symbolique et chaleureux dans ce quartier populaire et animé.
Un plateau de marbre portant l'inscription "Les Postes Restantes" permettait de recueillir les souhaits sous forme d’enveloppes, de cartes postales ou de simples petits papiers pliés. Ces derniers étaient déposés par les habitants du quartier et les visiteurs. On pouvait y apercevoir les messages que l'on glissait dans la fente disparue aujourd'hui.
"La Porte Fausse" est plus qu’un simple passage, elle est aussi un lieu de mémoire, celui évoquant le moment où une époque passe à une autre, un monde s’ouvre à un autre : "la vieille ville" à "la moderne", aussi vivante l’une que l’autre.
Sarkis Zabunyan dit Sarkis
Tout en dorures et en stucs, la Porte Fausse représente bien plus qu'un raccourci pratique pour les Niçois. Ce lieu incontournable du patrimoine historique de la ville constitue une des douze étapes du musée à ciel ouvert qui est à découvrir le long de la ligne 1 du tramway.