Le linge étendu aux fenêtres est subitement devenu une pollution visuelle. Dans les Alpes-Maritimes, la commune de Valbonne est au cœur d’une bataille rangée entre la municipalité écologiste et de nombreux administrés. Querelle de clochers pour les uns, tartufferie pour les autres, dans le centre historique, l'atmosphère s’enflamme.

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Nino Ferrer doit se retourner dans sa tombe ainsi que tous les amoureux du tourisme sur le pourtour méditerranéen. Souvenez-vous de cette magnifique chanson Le Sud…

«  C'est un endroit qui ressemble à la LouisianeÀ l'ItalieIl y a du linge étendu sur la terrasseEt c'est joli »

Et bien que nenni ! Le linge étendu est une pollution visuelle. Les habitants de Valbonne l'ont appris mercredi 5 octobre en recevant dans leur boite à lettres un message d'information de la municipalité les enjoignant à ne plus étendre leur linge au soleil. 

Apres l’absence de sapin de Noël véritable à Bordeaux et l’hostilité à la présence du Tour de France à Grenoble, les villageois intramuros de Valbonne doivent ils se préparer à étendre leur linge la nuit ou à acheter un sèche-linge ?

Sandrine Civatte habite le petit village azuréen, à la même adresse, depuis plus de 35 ans. « Mon mari et les parents de mon mari y sont nés. Moi j’y suis depuis toute petite. Nous avons toujours étendu notre linge à la fenêtre, comme de nombreux villageois. Le 5 octobre j’ai reçu un arrêté du maire, Joseph Cesaro, interdisant « dans le périmètre protégé de la place du village, d’étendre du linge aux fenêtres, balcons et terrasses entre 9h et 22h » ! » La motivation de l'arrêté est claire. Il s'agit de conserver le caractère esthétique du village ! 

Stupéfaction et colère. Elle s'en ouvre auprès d'une de ses voisines qui lui explique qu'une pétition contre cet arrêté circule déjà dans le village. 

La 8e adjointe chargée de la mise en valeur du patrimoine et de l’embellissement, de la qualité de vie et de l’attractivité estime que les gens qui passent dans la rue n’ont « pas à subir ça ».

« Le mépris est flagrant », estime cette autre signataire de la pétition qui préfère taire son nom.  Depuis quand l’attractivité de Valbonne passe par la fin des modes de vie traditionnels et populaires ? Ceux qui ne possèdent ni sèche-linge électrique ni jardin vont cacher leurs vêtements de pauvres ! ». Il est vrai que si les façades ont un impact touristique, notamment en matière esthétique, est-il possible d’imaginer les touristes déserter les villes typiques du Sud, Naples, Barcelone,  Marseille ou le Vieux-Nice pour 2 draps, 3 culottes et 5 tricots épinglés sur une corde ? Le linge séchant au soleil est une coutume séculaire qui fait tout autant le charme des cités du bassin méditerranéen que la joie des photographes.

Quant à la possibilité de le faire sécher uniquement la nuit, entre 22h et 9 h du matin, bêtise, s’insurge Sandrine Civatte. « L’hiver, le linge va glacer. On va faire tourner les machines à point d’heure et on rentrera des textiles humides dans les habitations. Avec les économies de chauffage cet hiver, bonjour l’humidité malsaine. Sans compter que beaucoup de petits appartements n’ont pas de balcons et seulement des barres de fer historiques pour accrocher le linge. Pourquoi tout d’un coup quelqu’un se plaint ? »

La pétition contre cet arrêté du maire écologiste de Valbonne a recueilli de nombreuses signatures et a été remise en mains propres au maire en début de Conseil Municipal. C’était le 5 octobre au soir. A la fin de ce même Conseil, c’est Sandrine Civatte qui a pris la parole en interpellant le maire : « ça fait des années qu’on étend notre linge. Maintenant on devrait utiliser le sèche-linge qui consomme de l’électricité dans une période ou l’on nous dit de faire très attention ? C’est un peu contradictoire avec votre politique écologiste. »

S’il est rare qu'étendre du linge aux fenêtres ou aux balcons soit régi par les mairies, il est plus exceptionnel encore que cette règlementation s’applique dans un village. A fortiori dans le périmètre encadré de sa place, fut-elle inscrite au répertoire des monuments historiques. .

Selon l’ANCC, l’Association nationale de la copropriété et des copropriétaires, endiguer l’étendage de linge aux fenêtres des particuliers se retrouve dans 99% des règlements de copropriétés et fait partie de ces règlements depuis 1930. A cette époque la pratique de l’étendage était indigne d’immeubles se voulant « bourgeois ».

Problème : cette pratique fait partie de la culture du Sud où tout se fait à l’extérieur, y compris sécher le linge. Le reflexe n’existerait pas à Paris par exemple. Il est donc difficile de lutter contre des pratiques ancestrales sans entrer en conflit avec ces modes de vie.

Pour les habitants, Valbonne est un village, par un dortoir. Ils se posent aussi la question de savoir si la mairie envisage de tenir compte des horaires d'été et d'hiver dans sa chasse aux contrevenants à l'étendage. 

Contacté par téléphone, le maire de Valbonne, Joseph Cesaro, explique qu’une boutique s’est retrouvée un matin avec des draps étendus à l’extérieur qui empiétaient légèrement sur sa vitrine. Ce magasin a fait appel à la police municipale qui, de son propre chef, aurait décidé de distribuer, dans les boites à lettres des habitants, une copie d’un arrêté datant d’une quinzaine d’années. Cet arrêté général dont un des articles indique que le linge ne doit pas être étendu aux fenêtres n'a jamais été mis en œuvre. Manifestement, la police municipale n'a pas été la seule à faire preuve de zèle, mais le maire explique qu'il ignorait la situation:

"J'ai appris toute l'histoire au moment du conseil municipal, dit-il. J'ai demandé une réunion de concertation entre les habitants du village et le conseil de quartier qui est une émanation municipale. Il faut trouver une solution. Je suis d'origine italienne, je suis né entre Padoue et Venise, alors je peux comprendre le tollé que cela a suscité."

Joseph Cesaro

 

A présent que la polémique est sur la place publique, hors de question de laver son linge en famille dans le petit village. Tout devra se régler au grand jour et à  n'en pas douter, le temps passera et le linge continuera de sécher sous le soleil, exactement juste en dessous, comme dirait une autre chanson. 

 

 

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