Depuis Kiev, la capitale ukrainienne, Kristina Bohdiaz nous livre son témoignage. Étudiante à l’université d’Aix-en-Provence, elle a fait le choix de rentrer vite au pays pour apporter son aide et soutenir sa famille, malgré le danger.

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Calfeutrée dans son appartement à Kiev avec son petit ami Oleksii et sa chienne Hermione, Kristina Bohdiazh répond directement après notre message sur whatsapp. "Nous tous sommes à l’abri" écrit-elle avant qu’on puisse la joindre en appel vidéo.

Un chignon bas décoiffé, une mine fatiguée et vêtue d’un large pull couleur bordeaux, elle est assise dans sa salle de bain, à même le sol, dos à la baignoire. Et pourtant, dès l’instant où elle prend la parole, elle ne laisse rien paraître, comme anesthésiée face à cette situation surréaliste : "Nous devons être loin des fenêtres car il est possible qu’elles explosent. On entend très bien les missiles et les bombes."

Étudiante en master, dans une filière sciences politiques européennes et internationales, à l’université d’Aix-en-Provence, elle a fait le choix de rentrer chez elle, en Ukraine. Car, malgré le danger et du haut de ses 23 ans, Kristina affirme ne "pas avoir peur". Elle est habituée à ce contexte depuis de nombreuses années. Ses parents sont originaires de Donetsk dans le Donbass et son copain de Crimée, des régions annexées de force par la Russie.  

De l'étudiante à la résistance

Elle nous propose un tour rapide de leur appartement. Les fenêtres sont scellées avec du ruban adhésif. Une couverture épaisse rouge et étendue vient, elle, recouvrir le balcon. "C’est trop dangereux, les fenêtres peuvent céder à tout moment. Alors on se protège comme on peut face aux éclats de verre" explique-t-elle.   

Après nous avoir montré l’extérieur, Kristina referme aussitôt les rideaux fleuris. "On ne doit pas montrer la lumière de nos intérieurs car la ville doit être la moins visible de nuit par les Russes. Il existe des saboteurs qui s’infiltrent et qui installent des feux de signalisation, des marques luminescentes sur les bâtiments afin que les avions russes visent les infrastructures" précise-t-elle, continuant la visite guidée.  

Son quotidien est désormais marqué par la terreur. "Difficile à dire comment je me sens... Mais nous sommes tous unis, on s’entraide beaucoup entre voisins, on se rassemble pour les évacuations."

Kristina, son copain, sa chienne et tous les habitants doivent en effet se réfugier à l’abris, dans le sous-sol de leur immeuble "à chaque alarme sonore qui retentit dans la journée." Elle part nous montrer à quoi il ressemble. En descendant la cage d’escalier, on s’aperçoit que toutes les fenêtres ont été soufflées par les explosions. "Chez mes voisins aussi, les fenêtres ont explosé."

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Kristina et ses voisins se réfugient dans le sous-sol de leur immeuble dès qu'une alarme sonore retentit. ©@kristina_bohdiazh

Dehors, une porte blindée protège l’accès au sous-sol. À l’intérieur, les riverains ont apporté quelques meubles, des chaises, des tapis, des bouteilles d’eau pour tenter d’aménager l’endroit. 

"Mais il fait froid et c’est assez sal, alors on préfère dormir la nuit dans la station de métro la plus proche. Là-bas, il y a de l’eau et des gens à qui parler et la présence de la police est rassurante" rétorque Kristina.

"Là-bas, on se confie beaucoup entre inconnus, ça nous rapproche." Kristina nous explique que beaucoup de femmes avec leurs enfants ont essayé de quitter Kiev. Mais les nombreux embouteillages et les trains complets les ont freinés dans leur fuite. Pour monter à bord, cependant, les passagers sont acceptés même sans ticket, avec leurs bagages sans restriction de taille ou de poids. De même, aucun document n’est exigé pour les animaux pour faciliter les départs. 

Les stations de métro sont bondés de monde, en grande majorité des familles. ©@kristina_bohdiazh

Kristina et son copain, analyste politique, eux, ont les yeux rivés sur leur téléphone chaque minute. C’est sur internet principalement qu’ils actualisent les dernières informations officielles. Dans l’entrée de son appartement, deux sacs à dos et un tapis de campement : "Le strict nécessaire, de quoi se nourrir pendant quelques jours". Ils se tiennent prêts en cas d’évacuation d’urgence.  

Jeudi, nous l’avions déjà eue en direct dans le journal de 19 heures sur France 3 Provences Alpes. "C’est la vraie guerre ici. Selon les informations officielles, les russes approchent, il y a des batailles dans les alentours de Kiev. Si on ne fait rien, après l’Ukraine, elle se déplacera en Pologne et en France et dans toute l’Europe" avait-elle dit.  

Aujourd’hui, les espaces aériens fermés et les longues files d’attente aux abords des frontières l’empêchent de partir. L'ambassade de France en Ukraine indique ce samedi après-midi sur Twitter qu'il y a "24 à 60 heures d’attente aux points de passage frontaliers" pour quitter le pays. Mais Kristina est une jeune femme engagée qui a surtout fait le choix de rester : "Mon pays a besoin de moi. Je me sens plus utile ici, je vais attendre et aider. Et je ne veux pas laisser mon copain seul." Car seuls les enfants, les femmes et les personnes âgées sont autorisés à quitter le pays.

L’entraide comme moteur d’espoir 

Dans son quartier, comme dans beaucoup d’autres, les habitants ont créé leur propre "défense territoriale". "Chaque citoyen, âgé de 18 à 60 ans, peut s’inscrire sur les registres et défendre les rues. Il y a tellement de volontaires qu’ils ont dû limiter les places pour le moment à ceux qui ont de l’expérience dans l’armée, avec Donbass et la Crimée. Ceux-là reçoivent des armes et se tiennent prêts si les Russes atteignent notre quartier" explique-t-elle, fièrement.

 

Ses amis et elle se sont portés volontaires mais tous les bataillons sont complets. À côté, le copain de Kristina apporte une précision : "Il faut savoir que 25% de notre armée est constituée par des femmes." 

"Selon nos services secrets, Kiev serait le but principal de l’armée russe. Ils essayent de se rendre dans le quartier du gouvernement, du parlement, mais tous nos ministres restent à Kiev" reprend-elle.  

Kristina se doutait que cette guerre éclate un jour. "Je ne voulais pas y croire mais oui. On avait régulièrement des messages d'alerte nous préparant à cette attaque. Ça ressemble aux premières années de la guerre 2014 et maintenant que les russes sont rentrés dans les régions du Donbass et de la Crimée, ils peuvent nous attaqués depuis là-bas, de plus près."  

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