Spécialiste de la petite enfance, Isabelle Filliozat est une figure de la parentalité positive en France. Aixoise d’adoption, la psychothérapeute a assuré la vice-présidence de la commission des 1.000 Premiers Jours initiée par le gouvernement en 2019 et pilotée par Boris Cyrulnik.
"J’ai décidé d’arrêter mes consultations pour me consacrer à la transmission de ce que j’apprends. Plutôt que de faire avancer une personne de mille pas, j’ai choisi de faire avancer mille personnes d’un pas".
Isabelle Filliozat vous berce de ses paroles rassurantes. Elle en connait un rayon sur nos bambins et entrouvrir l’un de ses livres, c’est un peu faire atterrir Mary Poppin’s dans son salon !
Avec elle, les idées originales tombent du ciel, une bénédiction pour les parents. Mais il n’y a rien de magique là-dedans : juste des années de travail personnel, de consultations, de réflexion et de recherches scientifiques sur le fonctionnement du cerveau.
Il faut dire qu’Isabelle Filliozat est tombée toute petite dans le chaudron de la psychologie, entre un père psychologue et une mère psychanalyste.
"Plus tard, j’ai eu la chance immense de me former avec des Anglo-saxons, des Américains des Allemands qui avaient une autre vision des choses. Dès l’âge de 18 ans, j’ai commencé à apprendre sur les émotions et la psychosomatique, qui furent mes premières spécialités".
Ce n’est qu’en devenant maman qu’elle s’orientera vers l’enfance et à l’éducation.
Là où tout commence
Après avoir posé ses valises à Aix-en-Provence en 2002, la psychothérapeute donne naissance à une école de formation. Le coaching parental est son crédo : elle monte dans le Train de la petite enfance en 2017, tient des conférences aux quatre coins du pays, embarquée dans son engagement associatif.
Avec Ensemble pour l’éducation de la petite enfance, la spécialiste réalise aussi des supports de communication, notamment des vidéos pour les parents qui n’ont pas accès à la lecture.
Mais son grand projet demeure les Maisons des "mille premiers jours", cette période où tout commence dans la vie d’un enfant, de la grossesse jusqu’à ses deux ans.
Ces maisons carrefours seront destinées aux parents répondant au besoin d'information et de lien social. "Il faut s’adresser à tous, les parents sont simplement des enfants qui ont grandi."
Psychologie positive
Isabelle Filliozat a une idée derrière la tête : "On doit faire reculer la violence sur Terre et tout passe par l’éducation". Soutien actif de l'Observatoire de la violence éducative ordinaire, l’auteure s’oppose aux châtiments corporels.
"En tant que psychothérapeute, on répare l’enfance. On en a marre de réparer! Il faut arrêter de blesser et changer notre façon d’éduquer". C’est là qu’intervient la parentalité positive, entre fermeté et bienveillance.
Parce que la violence psychologique déferle aussi avec la crise sanitaire : "j’ai observé que les enfants souffrent terriblement dans cette pandémie. Ils sont ultra-adaptables aux masques, aux contraintes, mais ils en souffrent sans le montrer, car en réalité, ils s’adaptent trop. Et on ne mesure pas toujours l’impact sur leur développement."
La psychothérapeute dresse un bilan contrasté du confinement : il a souvent rapproché parents et enfants, les relations et l’intimité se sont approfondies.
Mais le huis clos a aussi échauffé des tensions intrafamiliales, générant une augmentation significative de la maltraitance envers les plus jeunes.
Un peu de douceur dans un monde brutal
Le télétravail serait-il le point de départ pour adoucir les liens familiaux?
"C’est une piste car le temps passé ensemble est plus important, à condition que les parents soient outillés pour faire face aux difficultés, répond Isabelle Filliozat, pour stopper les crises, affronter la peur, entendre les émotions, souligner les forces de l’enfant c’est-à-dire utiliser la psychologie positive."
Travailler autrement et plus près de nos petits, voilà ce que la thérapeute prescrit pour apporter un peu de douceur dans ce monde brutal et amortir les dégâts psychologiques.
Mais il faut aussi s’inquiéter, dit-elle, des violences infligées à la Terre.
"Il est urgent d’adopter une vision grand-angle. Protéger nos enfants nous oblige à préserver la planète. Prenons conscience de l’impact de nos choix : quand on bétonne, que l’on déforeste, quand on accumule des plastiques, lorsque l’on mange des viandes issues d’élevages en batterie, on favorise les risques de pandémie."
Si on résume : labourer les esprits, outiller les familles, creuser les sillons d’une parentalité nouvelle sur du long terme et semer un avenir sain pour nos enfants. Une leçon magistrale d’éducation.