En 2015, Gislain Prades est parti en croisade pour défendre la langue française et la culture pour tous. En zone d'éducation prioritaire, il enseigne l’éloquence mais aussi la confiance en soi. Avec l'Atelier de la langue française, il veut permettre à la jeunesse de faire entendre sa voix.
"On ne se croit jamais assez bon pour parler en public, alors que tout le monde a quelque chose à dire". Sa belle faconde en bandoulière, Gislain Prades trouve aisément les mots pour convaincre. Il prêche la bonne parole : savoir s’exprimer est un atout majeur et l’oralité ouvre des portes vers des horizons insoupçonnés.
L’Atelier de la langue française est né de passion et d’espoir. C’est l’histoire "d’une bande de copains passionnés de débats" persuadés que l’art oratoire s’enseigne et qu’il peut changer le cours d’une vie.
En 2015, Gislain est fraîchement diplômé en droit et son compère Jérémie Cornu, lui, sort de Sciences Po: ces deux jeunes aixois dans le vent organisent alors "avec leurs petits moyens" un concours d’éloquence destiné aux étudiants. Défi relevé : le Grand Théâtre de Provence fait salle comble.
L’année suivante la municipalité leur donne carte blanche pour un festival d’une semaine dans les rues de la ville. "Le thème était la Révolution française, on a pris pour sujet le discours, dans une ville de robes, dans la cité de Mirabeau, tout cela trouvait du sens, d’autant que cela se déroulait en extérieur et que nous sommes allés à la rencontre du public".
Lecture et écriture, carburants de l'éloquence
Mais Gislain et Jérémie ont les idées larges : pas question de s’arrêter en si bon chemin, il faut aller chercher les jeunes pour les faire venir à la culture. Et ce au nom de l’égalité des chances. Le postulat est simple : l’éloquence engendre un cercle vertueux, «elle se nourrit de lecture et d’écriture : il faut du carburant pour briller face à un interlocuteur ». Enseigner l’expression orale est donc un point de départ.
C’est le début des interventions en milieu scolaire, écoles, collèges et lycées, dans des classes où se préparent les oraux "avec les échéances académiques du brevet ou du bac. Aujourd’hui nous organisons une centaine d’ateliers dans toute la région, principalement en zone d’éducation prioritaire et suivons 2 000 élèves. Les profs nous contactent par centaines".
A l'école de l'éloquence
Au travers du projet "Paroles de jeunes", les élèves du Lycée Victor Hugo s’en vont discourir dans une salle de la Préfecture et très prochainement dans l’hémicycle de la Ville de Marseille, parce que les mots sortent mieux quand le cadre est beau.
Gislain s’étonne : "On dit de ces jeunes qu’ils ne sont pas politisés, c’est faux ! Ils choisissent d’évoquer des sujets qui pourraient être des thèmes de campagne! On les prépare toute l’année à discourir et au printemps on invite enfants et parents de leur quartier à venir les écouter : tous en ressortent admiratifs".
Rêves suspendus
Avec la crise sanitaire, Gislain Prades ne cache pas son inquiétude : au-delà de la baisse de niveau, les enfants qu’il rencontre en classe sont fatigués et renfermés sur eux-mêmes.
"Lors de la première séance, on leur demande toujours de parler de ce qu’ils désirent. Et ils ne désirent plus rien, ils ne rêvent pas. Alors mes vœux pour 2022 seraient que tout recommence comme avant, qu’ils retrouvent une vie normale. Et que l’on généralise l’éloquence à l’école au travers d’une véritable volonté politique, parce que tout passe par l’art oratoire".
Confiance en soi et maîtrise des idées sont les premières vertus de cet apprentissage. La "bible" qui pourrait être distribuée dans tous les établissements scolaires est un manuel de l’éloquence rédigé par l’Atelier de la langue française. "Aujourd’hui nous sommes 6 et nous ne pouvons plus tout faire tout seuls ! Les institutions, les villes, le ministère doivent prendre le relais. Et arrêtons de saupoudrer, de gommer des retards et de gérer la pénurie en France".
Gislain, lui n’a jamais cessé de rêver : il voudrait former massivement les enseignants.
Concours national d'éloquence 2022
Grande constante dans le chaos, l’Atelier de la langue française organisera son Concours national d’éloquence où se confronteront des étudiants de toutes les spécialités. Ce sera "comme de tradition" en mai au Pavillon Vendôme d’Aix-en-Provence. "Les jeunes en lice rendent hommage à l’art difficile de la parole. Le public est un roi sans appel. Retenez votre souffle, applaudissez, jugez ! Les amoureux apprécieront la beauté et la force de la langue française." Eloquent.