Dans un courrier le préfet des Bouches-du-Rhône demande à la présidente de la Métropole d'Aix-Marseille-Provence de récupérer des compétences illégalement déléguées à des dizaines de communes. La pratique concerne 934 conventions signées depuis 2018.
La Métropole accusée d'avoir recours à des pratiques illégales : c'est ce que révèle un courrier daté du 09 février, dont France 3 Provence-Alpes a eu connaissance.
Dans cette lettre de quatre pages, Christophe Mirmand, préfet des Bouches-du-Rhône demande à Martine Vassal, présidente de la Métropole d'Aix-Marseille-Provence de se mettre en conformité avec la loi. À savoir de retirer dans les plus brefs délais les 209 dernières conventions de gestion adoptées le 17 décembre 2020 au profit de communes membres.
Dans ces conventions, la Métropole se décharge de ses compétences notamment relatives à la défense extérieure contre l'incendie, à l'eau pluviale, au tourisme, aux parcs et aires de stationnement, aux zones d'activité et à l'éclairage public.
Sauf que la démarche est illégale. Le code général des collectivités territoriales (CGCT) autorise seulement les métropoles à confier "des prestations services" à leurs communes membres. Un recours qui ne doit avoir "qu'un caractère transitoire d'une durée d'un an" et dont l'utilisation ne doit pas être massive, rappelle le préfet des Bouches-du-Rhône.
"Pour être légale, la prestation de service doit donc être ponctuelle ou d'une importance limitée", précise encore Christophe Mirmand.
Or depuis 2018, 934 conventions ont été signées par la Métropole pour ce genre de délégations. 380 en 2018, 281 en 2019 et 273 en 2020. "En raison de sa difficulté à absorber les services et personnels correspondants", pointe le courrier.
Une pratique courante pour la Métropole
Un nombre qui peut paraître excessif mais dont la Métropole se justifie. "La gestion de service est une pratique courante votée par l'assemblée délibérante plusieurs fois par an", explique-t-on.
Des communes qui se retrouvent donc en charge de l'exercice de compétences normalement dévolues à la Métropole, peut-être pour privilégier une gestion de proximité.
Le préfet a par exemple relevé 57 communes concernées par les avenants relatifs à l'eau pluviale (soit près de 62% des communes membres de la Métropole) ou encore 32 communes par les avenants relatifs à la promotion du tourisme (soit près de 35% des communes membres).
Le principe de recours exceptionnel pour une durée limitée n'est pas plus respecté. Certaines de ces conventions ont fait l'objet d'un renouvellement par un avenant chaque année depuis trois ans. De quoi pérenniser un mode de gestion qui, à l'origine, ne doit être que temporaire.
Non-respect de la commande publique
Dans son courrier, la préfecture des Bouches-du-Rhône alerte encore sur le non-respect des règles liées au recours de prestations de services.
Elles sont soumises à celles de la commande publique car elles répondent, dans la majorité des cas, à des besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services.
"Les règles de la commande publique auraient dû trouver à s'appliquer. Or, sauf erreur de ma part, aucune publicité ni mise en concurrence n'a été effectuée par la Métropole sur ces conventions et leurs avenants", indique Christophe Mirmand.
Si au début de chaque convention, il est indiqué que cela "n'a pour effet et ne saurait être interprété comme opérant une quelconque délégation des compétences", le préfet des Bouches-du-Rhône dénonce tout de même le mécanisme mis en place par la Métropole.
Tout transfert permanent de compétences envers les communes est interdit. D'après lui, les conventions et leurs avenants, qui permettent en réalité un transfert, sont donc illégaux.
La Métropole n'a par exemple pas le droit de déléguer aux communes le pouvoir de signer les contrats, y compris ceux qui ne relèvent pas de la commande publique.
Une délégation incendie à la ville de Marseille
La Métropole dispose de manière automatique des pouvoirs de police spéciale attachés à la gestion de la défense extérieure contre l'incendie, et ce, sans possibilité d'y renoncer.
Or, cette compétence a été illégalement confiée à la commune de Marseille, selon le préfet. Si l'ensemble des communes du département sont gérées par le Service départemental d'incendie et de secours (Sdis 13), Marseille fait figure d'exception puisqu'elle fait appel au bataillon des Marins-Pompiers de Marseille. Pour autant, c'est bien à la Métropole d'assurer cette compétence.
Là encore, la collectivité territoriale assure être dans "[son] bon droit (...) Le contrôle de légalité, engagée par les services de l'État (en l'occurrence le préfet) est une procédure tout à fait normale dont nous sommes habitués."
Martine Vassal dispose de deux mois pour répondre au courrier et a donc jusqu'au 09 avril prochain pour écrire à Christophe Mirmand.
Selon nos informations"des discussions sont actuellement en cours entre les services de la Métropole et la préfecture à ce sujet avec, soit des délais pour régulariser, soit des discussions pour exposer chacun leurs points de vue."