De la musique pour les résidents des Ehpad, c'est l'idée de Denis Invernon et de son groupe de jazz. Pour la première fois, depuis le début du confinement en France, lui et son binôme ont joué plus d'une heure et demie de concert sur le parking d'une maison de retraite, à Rognac.
A 49 ans, Denis Invernon est salarié de pôle emploi. Pas grand-chose à voir d'un premier abord avec la musique. Pourtant, Denis est également passionné de jazz depuis plus de 40 ans.
Lors de ces jours de congés en temps normal, il participe avec son groupe de musique, à l'animation des maisons de retraites. Les personnes âgées, un public que le musicien adore.
Sa grand-mère Colette est, elle aussi, placée dans un établissement à Jouques (Bouches-du-Rhône). Elle a 90 ans. Pour Denis c'est la plus précieuse des amies.
Mais depuis plus d'un mois, évidemment pas question de se rendre dans les Ehpad, ni pour voir Colette, ni pour personne d'autre.
"Je me suis demandé pendant des semaines ce que je pouvais faire pour continuer à leur apporter un peu de bonheur, j'y pensais toutes les nuits."
Et puis un matin au réveil : Eurêka ! Denis se promet de continuer à jouer en respectant le confinement.
"L'idée c'est juste d'être sur les parkings ou dans les jardins et de dire aux papys et mamies qu'on continue de penser à eux, en musique."
La difficulté : trouver un Ehpad pour l'accueillir
Et cela n'a pas été facile de trouver un établissement partant pour accueillir, même à l'extérieur, les musiciens de son groupe. De fil en aiguille c'est Marjorie Bouvet, la directrice de la Résidence Rognac qui lui dit : "Banco"."Je trouve cette initiative extraordinaire. Vous vous rendrez compte que nos résidents ne voient plus leurs familles et n'ont plus de contact entre eux depuis plusieurs semaines, malgré tout l'amour qu'on leur apporte c'est terrible pour eux. Alors lorsque Denis m'a proposé cela, j'ai tout de suite dit oui."
Pour être parfaitement en règle, Marjorie Bouvet a établi une attestation professionnelle de déplacement aux musiciens. Elle a également averti le maire, la police municipale et les voisins de cette initiative.
Des dédicaces faites par les familles pour les résidents
Jusqu'à la dernière minute l'opération est restée un secret pour les résidents. Aucun d'entre eux n'a été prévenu.Car pour qu'il y ait deux fois plus de plaisir, Denis a mis en place un système de dédicaces par les familles. Chaque parent de résident a eu la possibilité de choisir et de dédicacer une, ou plusieurs chansons.
Et à la lecture des petits mots laissés par les enfants et petits-enfants, les larmes montent vite aux yeux de Denis.
"Ce sera si bon... de nous revoir, de sortir sous le soleil... ma petite maman", écrit un fils de résidente.
"C'est un public en souffrance, ils ont besoin de nous. Vous vous rendez compte qu'ils n'ont plus de contact avec leurs familles depuis tant de jours", insiste Denis.
Publiée par Denis Invernon sur Mercredi 15 avril 2020
"Les feuilles mortes" ou "Petite fleur"
Les chansons les plus plébiscitées évidement ne passent pas souvent à la radio. Elles datent pour la plupart de l'après-guerre. On y trouve "The girl from Ipanema" du Brésilien Antônio Carlos Jobim, "New York New York" de Frank Sinatra ou "Les feuilles mortes", écrite par Jacques Prévert.Dès 14h ce mercredi Denis et son groupe se sont installés sur la pelouse de la résidence Rognac. Avec eux, un piano électrique, un saxophone, des micros et un ampli de 1.000 watts. Et bien sûr, les dédicaces.
A l'intérieur de la maison de retraite les soignants se tiennent prêts. La consigne donnée par la directrice : ouvrir les fenêtres et laisser entrer la musique. Et la magie opérée...
Parmi les plus heureux, Marjorie la directrice. "Beaucoup d'émotion, vraiment. Tout le monde s'est régalé. Vraiment une après-midi particulière. Quelle chance ! En plus, il fait un temps magnifique."
La semaine prochaine Denis et son groupe iront à Jouques dans la maison de retraite de Colette. Mais chut, ne lui dites pas, c'est une surprise…