C'est un nouveau coup dur pour les discothèques. Elles doivent fermer pour un mois à partir de ce vendredi 10 décembre. Entre incompréhension et inquiétude, deux professionnels du monde de la nuit, aixois et marseillais, témoignent.
Pour ceux qui comptaient fêter la fin des partiels, leur anniversaire ou le nouvel an en boîte de nuit, il va falloir trouver un plan B.
Difficile pour certains adeptes qui perdent leur exutoire. Encore plus pour les entreprises de la nuit qui souffrent déjà depuis le début de la pandémie.
"Pourquoi on nous stigmatise une fois de plus ? On a vraiment l’impression d’être les boucs émissaires de la crise", s’indigne Christophe Longo, pendu au téléphone depuis ce matin.
Pour le gérant de La Joïa à Aix-en-Provence et président du collectif des boîtes de nuit PACA Corse, c’est le coup de massue. Pire encore, un sentiment d’injustice après 16 mois de fermeture complète et seulement 5 mois de réouverture accompagnée d’un protocole sanitaire stricte.
"On a quand même été les premiers à jouer le jeu avec le gouvernement, à mettre en place le pass sanitaire, le contrôle de la carte d’identité et le cahier de rappel numérique pour, si besoin, alerter l’ARS. Jusqu’à preuve du contraire, il n’y a pas ou très peu eu de clusters dans les discothèques. Alors, je vous le demande, à quoi ont servi tous nos sacrifices ?"
Déjà 20 % des discothèques ont définitivement tiré le rideau depuis le début de la pandémie.
Selon les épidémiologistes, on se contamine 8 fois plus dans les boîtes de nuit qu'ailleurs. Une estimation contestée par les professionnels de la nuit.
Deux poids, deux mesures
"On est des gens responsables, on voit bien que l’épidémie repart. On ne veut pas travailler au détriment des autres mais pourquoi les restaurants et les bars continuent d’être ouverts ?, interroge le patron de boîte aixois.
"Je suis très content pour eux, je ne souhaite pas qu’ils ferment. Mais ils n’ont pas de couvre-feu, le soir du jour de l’an, ils vont pouvoir ouvrir toute la nuit, ils vont faire notre travail. Et si nous, on est dangereux, les centres commerciaux le sont tout autant. On accueille 500 personnes par soir, je serais curieux de savoir le nombre dans les grands magasins parisiens", conclut-il.
Nicolas Abramovitz, gérant de boite de nuit marseillais, rebondit sur cette incohérence de l’Etat et sa gestion de la crise.
"Le gouvernement se voile la face, les soirées clandestines vont reprendre et les bars d’ambiance vont se transforment en discothèque en une fraction de seconde"
À deux pas du Vieux-Port, les soirées "Chez Pablo" et leur ambiance feutrée vont, elles aussi, devoir s’arrêter pour quelques semaines. Pas une surprise pour son patron qui comprend tout de même la situation.
"On fait un métier de fête, pas de répression ! Celui qui dit que c’est possible d’imposer le masque aux clients en boîte de nuit, c’est un menteur. Malgré l’embauche de 14 agents de sécurité, cela ne suffisait pas. On prenait le risque d’une sanction administrative en cas de contrôle et là, on n’aurait pas eu d’aide de l’Etat."
Des pertes importantes
Problème : ils sont aujourd’hui dans le flou total. Après un investissement financier conséquent doublé d’une embauche difficile de personnels vaccinés uniquement, c’est un coup dur de plus.
"La seule chose qu’on demande, c’est d’avoir de la visibilité car comme toute entreprise on a besoin de prévoir les choses pour mieux gérer sauf que là, on a notre vie qui passe devant nous !"
Ses stocks ne sont pas périssables mais il a investi près de 50.000 euros pour remettre en état son établissement (décoration, sécurité, etc.) après 20 longs mois de fermeture.
"En septembre dernier, c’est comme si on avait réouvert une nouvelle entreprise !" se souvient Nicolas Abramovitz.
"C'est une certitude : dans 4 semaines, on va nous annoncer la fermeture à leur tour des bars et des restaurants. Alors jusqu’ici, on s’est serré les coudes mais si ça continue, j’ai du mal à croire que nos propriétaires vont être aussi indulgents que pendant le premier confinement."
Ce gérant compte payer la dizaine d’employés en CDI avec sa trésorerie ou ses économies personnelles.
"Je suppose que l’Etat ne va pas nous aider. En tant que PDG salarié, quoi qu’il arrive, que ça soit pour les 20 mois auparavant comme pour la situation actuelle, je sais très bien que je n’aurai aucune indemnisation, sauf que si les PDG meurent, le reste va mourir !"
Le retour du chômage partiel ou total
En comptant les extras, entre 35 et 40 personnes vont donc se retrouver soit au chômage partiel, soit au chômage tout court, dans son entreprise.
"Et le problème c’est qu’avec la reprise, ça va être encore plus difficile de recruter du monde ! Qui a envie de travailler dans un monde incertain où on ouvre on ferme, où l’employeur a peur désormais de s’engager ?", s’inquiète-t-il.
Ouvert de septembre à juin, l’établissement est fréquenté par une clientèle régulière mais connaît un pic de fréquentation de décembre à février. Un collectif de gérants sera reçu par le préfet de la région vendredi matin pour demander plus de transparence quant à l’avenir de la profession.