La cité phocéenne a été le théâtre de violents affrontements du 21 au 28 août 1944 entre les forces alliés et l'armée allemande, avec comme point d'orgue la bataille de Notre-Dame de la Garde. Des combats qui ont été très bien documentés grâce à des journalistes, au péril parfois de leur vie.
Dix jours après le débarquement de Provence, à Toulon comme à Marseille, les batailles font rage. Des unités de l'armée française ont réussi à pénétrer au cœur des deux villes. Mais pour le général de Monsabert qui tente de libérer la cité phocéenne, le plus dur reste à venir : partir à l'assaut des places fortes où 12 000 soldats allemands sont encore retranchés, en débutant par la plus haute.
Le 25 août 1944, l'assaut vers Notre-Dame de la Garde débute, soutenu par une immense ferveur populaire. C'est aussi le combat le plus médiatisé de toute la libération de la Provence, couvert par plusieurs grands reporters américains, français et le photographe local, Marcel de Renzis.
Des photos qui traversent le temps
Quatre-vingts ans plus tard, Thierry de Villeneuve la Colette mène un projet documentaire singulier. À la fois enquêteur et photographe, depuis dix ans, il se replace dans les pas des reporters de guerre pour retrouver les lieux exacts où ils ont effectué des prises de vues marquantes ! Comme ici à l'angle du 70, boulevard Vauban.
"Pour moi, c'est l'une des premières photos que Marcel de Renzis a prise ce jour-là, assure Thierry de Villeneuve. Et là, on voit un poste de combat avec deux tirailleurs algériens qui prennent un peu la pose devant Marcel."
Par souci du détail historique, cet expert photographie avec le même modèle d'appareil que celui utilisé par Marcel de Renzis. Avant de déclencher son Rolleiflex bi-objectifs datant de 1938, sa tablette numérique lui sert de repère.
Ainsi, il étudie avec minutie le cadrage des photos de 1944 pour le reproduire. Et à chaque déclic s'opère une transmission pour faire surgir sur des lieux actuels un passé mémorable. "Si on observe les ombres portées, c'est tôt le matin, donc je pense que c'est vers 10 heures, suppose le photographe. C'est à peu près l'heure où les premières troupes se sont portées à l'assaut de Notre-Dame de la Garde. Et Marcel a suivi les quelques tirailleurs algériens, en même temps que d'autres photographes qu'on va voir un peu plus loin."
Des correspondants de guerre blessés ou tués
Mais les unités de tirailleurs algériens du 7e RTA qui se lancent à l'assaut des forces allemandes positionnées autour de Notre-Dame de la Garde, sont très rapidement prises pour cible. Et le correspondant de guerre Fernand Pistor, en tentant de les suivre, est mortellement blessé. D'autres photographes intrépides sont présents dans la rue Fort du Sanctuaire.
"Alors là, ici, on est sur ce qui est presque la dernière ligne droite avant d'arriver à Notre-Dame de la Garde sous le feu des Allemands, pointe Thierry de Villeneuve. Les tirailleurs algériens ont progressé en se cachant dans les embrasures des portes par petits bonds, et il y en avait un qui était allongé au sol derrière un rocher et il a été photographié par James Rooney.
C'est la dernière photo que ce correspondant de guerre américain a pu prendre parce qu'il était blessé par une grenade et évacué le soir même vers Naples.
Thierry de Villeneuvedans le documentaire "Provence 44"
Pour aider les troupes d'infanterie algériennes, les chars Sherman de la 1ère DB arrivent à la rescousse. Une photo de Marcel de Renzis prouve qu’un char Jourdan a été immobilisé par une mine en arrivant juste au pied de la basilique.
Ses tirs provoquent un instant de panique dans les rangs les forces nazies : une douzaine de lance-flammes pouvant transformer les abords de la basilique en crématorium sont déclenchés trop tôt. Un immense nuage noir monte autour de Notre-Dame de la Garde.
Dans leur précipitation, les derniers combattants nazis viennent de perdre l'ultime piège pour repousser les assaillants. Et peu après 16 heures, Marcel de Renzis est le premier à se retrouver à l'entrée de la basilique.
"C’est une mine d'informations inestimable"
Le photographe marseillais immortalise l’instant avec cette fameuse scène prise de la sortie des prisonniers allemands qui s’étaient réfugiés dans la crypte. Cette reddition achève de démoraliser les forces nazies. Trois jours plus tard, 11 000 combattants allemands capitulent. Quant à Marcel de Renzis, il sera honoré par le Général de Monsabert pour son courage et son travail exceptionnel pendant toute la période des combats.
"Par chance, on a identifié 1 200 à 1 300 photos qui ont été prises pendant les combats de la libération de Marseille, explique Thierry de Villeneuve. C’est une mine d'informations absolument inestimable ! Et grâce à lui, on peut suivre de très près les combats et avoir une meilleure compréhension de ce qu’a été la vie des Marseillais à cette époque."