Un an de prison ferme a été requis mercredi à Marseille contre un ex-chef de service de la Ville pour avoir transmis un diagnostic amiante avec deux ans de retard, contribuant à l'exposition des salariés du théâtre de La Criée à cette substance cancérogène.
Robert Martin, 73 ans, ancien chef de service au sein de la direction territoriale des bâtiments Sud de Marseille, secteur dont dépend le théâtre de La Criée, était jugé depuis mardi pour homicides et blessures involontaires, mise en danger de la vie d'autrui mais aussi faux et usage de faux. Il est accusé d'avoir attendu 2008 pour transmettre à la direction du théâtre, exploitant du bâtiment dont la Ville de Marseille est propriétaire, un diagnostic technique datant de novembre 2006 qui révélait la présence d'amiante, substance hautement toxique. Des faits qu'il conteste.
"Si aujourd'hui M. Martin est là, c'est parce que des personnes, des travailleurs, des salariés du théâtre depuis des décennies ont appris à quelques mois d'intervalle qu'ils avaient été exposés indûment pendant plusieurs années à l'amiante, à leur insu", et qu'ils ont "développé des pathologies caractéristiques de (cette) exposition, alors même que des personnes avaient le pouvoir, la connaissance et les moyens d'agir", a expliqué à l'audience la procureure de la République, Marion Chabot.
Deux ex-salariés du théâtre, un agent de maintenance et un administrateur, sont décédés, respectivement en 2010 et 2014, de pathologies développées en raison de leur exposition professionnelle à l'amiante.
"Pendant 40 ans, j'ai été un travailleur acharné, je me suis dépensé sans compter."
Robert Martin
Fustigeant une "double faute" du prévenu, une "omission fautive" mais aussi la production d'un faux, la procureure a demandé une "réponse ferme" au tribunal, soit trois ans d'emprisonnement dont deux avec sursis - la partie ferme pouvant être effectuée à domicile sous surveillance électronique -, ainsi qu'une amende de 30 000 euros.
"Ces fautes délibérées (...) sont ni plus ni moins le résultat d'une incompétence criante mêlée à une forme d'indifférence", a-t-elle développé, estimant que le faux, un courrier que M. Martin aurait créé de toute pièce et daté de décembre 2006 pour prétendre avoir transmis le diagnostic amiante à temps, "c'est ce qui fait passer du doute à la certitude de la faute commise."
"Si ce service a été négligent, je veux bien l'entendre. Expliquer qu'il a fait un faux, qu'il a décidé d'ignorer sciemment les règles, c'est l'antithèse de ce qu'il est", a plaidé Thomas Callen, l'avocat de M. Martin, en demandant sa relaxe. Il a en outre déploré l'absence à l'audience de la Ville de Marseille et de la direction du théâtre.
Quand le diagnostic amiante, rédigé en novembre 2006, avait finalement été porté à la connaissance de la direction du théâtre, en novembre 2008, la lettre avait "fait l'effet d'une bombe", selon l'avocat de trois parties civiles, Me Cyril Michel.
"Pourquoi un diagnostic positif a mis deux ans pour arriver sur le bureau de la direction du théâtre ?", s'est-il interrogé : "La question pour mes clients est aujourd'hui de savoir si M. Martin (...) est un menteur et un faussaire."
La décision a été mise en délibéré au 26 juin.
(avec AFP)