Après cinq jours de combats, Marseille la Résistante est libérée des Allemands par les soldats français et africains, le 28 août 1944. Des commémorations sont organisées ce dimanche.
À quoi pensent-ils, ces civils et militaires, porte-drapeaux et anciens combattants, rassemblés fiers et droits lors des commémorations de la libération de Marseille, ce dimanche matin, en contrebas de la Bonne mère ?
Aux trois occupants du char "Jeanne d'Arc", toujours visible aujourd'hui, tués à cet endroit-même après un tir des Allemands, le 25 août 1944 ?
À Ahmed Litim, tirailleur algérien de 24 ans, fauché lui aussi ce jour-là par un obus au pied de la célèbre basilique ?
Aux quelque 1.800 soldats, français et africains, tombés pour la libération de la cité phocéenne ?
Sans doute aussi à la joie des habitants, si soulagés d'apprendre la capitulation des Allemands, le 28 août 1944.
Dès, le lendemain, le 29 août, c'est la "grande explosion de joie populaire, tout le monde sort dans les rues", raconte l'historien Robert Menchereni. On défile sur le Vieux-Port. Les Marseillais se réconcilient.
L'occupation de leur ville, entamée le 12 novembre 1942, restera un traumatisme.
Entre le 22 et le 24 janvier 1943, 6.000 personnes sont arrêtées, 1.642 déportées, dont 782 Juifs. Ordre de Himmler, en représailles des attentats des Résistants marseillais.
Puis vient la destruction du quartier Saint-Jean, au nord du Vieux-Port. 1.200 immeubles réduits à néants, dynamités.
La balafre est encore béante aujourd'hui : d'un côté, d'anciennes ruelles pittoresques ; de l'autre, d'imposants immeubles des années 1950, celles de la reconstruction.
Si Marseille fut à ce point défigurée, c'est qu'elle fut rien de moins que "la première "capitale" de la Résistance", bien avant Lyon, selon Robert Menchereni (Résistance et Occupation (1940-1944), Midi rouge, ombres et lumières, éditions Syllepse).
"Une histoire de la Résistance trop souvent vue à partir des territoires occupés (...) a conduit à sous-estimer la précocité, la spécificité et l'importance de la Résistance à Marseille", estime-t-il encore.
Les résonances actuelles
Alors comme chaque année depuis 78 ans, Marseille commémore, Marseille rend hommage.
Avec une pensée particulière aujourd'hui pour les Ukrainiens, qui combattent depuis six mois l'invasion russe : Marseille, grand port de la Méditerranée, est jumelée avec Odessa, grand port de la mer Noire.
Commémorer, c'est aussi rappeler qu'après les heures les plus sombres peut survenir le meilleur : la libération de Marseille et avant elle le débarquement de Provence auront une importance capitale dans le processus de libération de la France.
Marseille libérée, c'est l'accès possible par la Méditerranée des divisions américaines appelées en renfort sur le front de l'Est.
Lors de la signature de la capitulation des Allemands, le 8 mai 1945, le général de Lattre de Tassigny est aux côtés du général de Gaulle à Berlin. Un an plus tôt, il était le vainqueur de la bataille de Marseille.