Le niveau est très relevé, ce mardi matin. L'équipe composée de Tierno, Quintais et Suchaud se qualifient pour les 16e de finales après une victoire 13-10. Un match réalisé en 18 mènes face à l'équipe de Philipson, Fournier et Garibian qui ne se sont pas laissés faire.
La partie commence avant même que le gong ne retentisse dans le parc Borély. Un terrain ensoleillé devant la web TV et le public dans les gradins. Accroupi, Philippe Quintais s’élance mais le corse Kévin Philipson prend la main : 1-0 pour l'équipe blanche aux tee-shirts floqués "La piscine du Garlaban".
"Fais de la place !" lance Marc Tierno à Philippe Suchaud, qui s'exécute par un carreau. "Ça, c'est une machine de guerre !" s'enthousiaste un duo de supporters assis à côté de moi. "Des robots" ou encore "Superman". Les superlatifs pleuvent pour décrire le duo des "Philippe" désormais basé à Fréjus, multiples champions du monde et détenteurs du plus grand nombre de titres mondiaux (14), tous sports confondus.
"On a l’habitude de voir Quintais et Suchaud à la télé mais là, de les voir en vrai c'est spectaculaire !" racontent les deux joueurs de pétanque amateurs, originaires de Carcassonne. Eux ont été éliminés dès le premier jour de La Marseillaise. "On a fait l'aller-retour" plaisantent Edouard et Christian. Les rouges reprennent le dessus à la deuxième mène. 2-1.
"Ils sont nés avec des boules entre les mains"
"Aïe, aïe, aïe". En début de mène 3, les supporters grimacent après une mauvaise action de Tierno, aussitôt rattrapé par Quintais qui fait un biberon. "C'est monsieur Pétanque !" lâche Edouard, un chapeau de paille bleu couvrant ses cheveux blancs. "Ils sont nés avec des boules entre les mains, ce n'est pas possible" ricane Christian, le tee-shirt retroussé en guise de marcel.
En face, Philipson, à la carrure d'un agent de sécurité, réagit. Il noie le bouchon en faisant carreau sur la main. La mène est annulée.
La mène suivante, les blancs prennent l'avantage (3-2). Le tireur Romain Fournier, originaire de Lyon, fait carreau puis biberon dans la foulée pour récupérer les points, après une belle action de Suchaud qui avait joué une boule difficile.
Une partie bouillante avec u haut niveau de chaque côté
Le duo de supporters d'Occitanie est impressionné : "En face, ça tient vraiment la route !" Mais ça ne suffit pas. Pour départager le point, le juge arbitre sort son mètre. "C’est quoi le score ?" crie une femme dans le public. Le soleil commence déjà à taper, il n’est que 09h30. Et la mène 5 se solde sur un 4-3 pour les rouges.
Tierno pointe sa boule. Ce n'est qu'au deuxième coup que le tireur d'en face fait carreau. Le coéquipier de Quintais et de Suchaud lance à nouveau. Mais le pointeur d'en face, alias "JP" le doyen marseillais de l'équipe blanche, est plus proche du bouchon. Une boule aussitôt agantée par Suchaud.
"Ah comment tu veux rivaliser ! Il fait carreau sur carreau et même avec des boules carrées, il y arriverait !" s'emballe Christian. 6-3 pour la triplette Tierno. "Ils vont s'envoler" lance Édouard, à ma droite, sans arrêt interrompu par sa sonnerie de téléphone.
Kévin Philipson touche la boule et le cochonnet en même temps et les éjectent contre la rambarde qui délimite le terrain sableux. La mène 7 est annulée, sous les applaudissements.
On entame alors la mène 8. "Il rate jamais" affirme Renaud, un spectateur qui arrive à l'instant alors que Suchaud s'apprête à lancer. Les Carcassonnais confirment : "Ah oui, il enclenche !"
Une casquette sur la tête, le supporter marseillais à ma gauche poursuit : "C’est une grosse partie. Si vous arrivez jusqu'au mardi matin, il faut déjà être très fort !"
"Allez, fais un beau tir Romain" encourage Philipson. C’est un carreau. Mais il reste encore deux boules du côté rouge. Et, à ce niveau de la compétition, les cadeaux se font rares. Suchaud et Quintais positionnent leurs boules et raflent la mise. "Sur quelle planète vivent-ils ?" s'interroge Christian, en tee-shirt bleu. Fin de la mène 8, les champions du monde déroulent 8 à 3.
"Allez JP, c'est l'heure !" lâche le capitaine de l'équipe adverse pour soutenir son pointeur Jean-Pierre Garibian. "Ça commence à chauffer" souffle le public. Philipson manque son coup. Fournier soupire et rapproche sa boule.
Les gradins débordent et le terrain est encerclé par les supporters. Alors que les blancs avaient trois boules contre une, ils perdent le point. "Si tu ne prends pas l'avantage des points face à Quintais, t'es foutu" balance Renaud, joueur de pétanque amateur, à voix basse. L'écart se creuse : 10-3 à la neuvième mène.
Des coups de maître : carreau sur carreau !
La mène 10 est exaltante : JP fait un quasi bouchon. Suchaud tire pour un carreau et déplace le cochonnet en même temps vers sa boule. Deux points d'un coup, le public est en transe ! Philipson répond par un carreau sur place. "Elle est belle celle-là !" souffle le spectateur.
Mais, à l'action d'après, coup de chance ou véritable talent, Suchaud tape à nouveau le bouchon vers sa boule en faisant carreau. Alors que le marseillais Jean-Pierre lance une boule un peu trop courte, son coéquipier d'Ajaccio fait carreau sur celle de Suchaud. Les blancs récupèrent deux points (10-5).
"Là, ça sent pas bon" s'inquiète Renaud après deux tirs moyens de JP. "Il faut tirer à la bille" estime Édouard. Et ça ne tombe pas dans l'oreille d'un sourd : Philipson réussit son coup de maître et annule la mène en sortant le cochonnet. Le capitaine et son pointeur se prennent dans les bras, un large sourire sur les lèvres. C'est le soulagement.
En début de mène 12, JP Garibian mord sur le cercle et prend un carton jaune. Le public hue l'arbitre. Et Suchaud, pour la première fois de la partie, rate son carreau. 10 à 6 pour les rouges.
Le niveau est élevé, la tension s'installe. Certains spectateurs, en haut des gradins, s'agacent de ne pas bien voir la partie en raison d'un attroupement devant. Suchaud manque son carreau une deuxième fois mais l'équipe rouge remporte les deux points : 12 à 6 pour la mène 13.
La triplette blanche se rapproche pour échanger quelques messes basses. Il leur reste deux boules à jouer pour abattre leurs cartes. Fournier fait carreau. "Allez mon chiquet" soutient-il alors que JP s'élance. S'il pousse leurs deux boules de devant, il peut faire gagner 4 points à son équipe. Raté : ce sera un point supplémentaire seulement. 12-7.
Mais le pointeur marseillais se rattrape la mène suivante : il réalise un quasi bouchon et le public le siffle pour le féliciter. Suivi d'un très beau carreau de Kévin Philipson qui déplace le cochonnet en même temps. "Ils tirent bien et sont obligés de faire carreau pour les embêter en face" analyse Renaud, dans le public. Suchaud répond par un carreau sur place. Philipson surenchérit, lui aussi.
"C'est un excellent niveau, vous avez un bon reportage là" sourit Edouard. Quintais, une chaîne en or autour du cou, ratent deux boules d'affilée. Chose rare. Et l'équipe d'en face rattrape leur retard 12 à 9.
En début de mène 16, Tierno, un chewing-gum dans la bouche et des lunettes sur le nez, fait deux bons lancers. Mais la mène est annulée par le capitaine corse.
JP lance trop loin. Tierno, lui, rapproche sa boule. Philipson répond par un carreau sur place, aussitôt éjecté par Suchaud. Les deux équipes rigolent et se félicitent indirectement. Le suspens perdure : 12 à 10.
Tierno fait bouchon en embrassant le cochonnet sur plusieurs centimètres. Et c'est au cours de la mène 18 que les rouges décrochent leur victoire 13-10 après un match de haut niveau.
Des bises et une poignée de main amicale, les deux équipes se saluent. "On a fait le maximum face aux "Philippe" et c'est une partie référence digne de La Marseillaise, avec de la sportivité et du respect avant tout !" conclut Romain Fournie, avec le sourire.