Sur les traces du Printemps Marseillais, la Primaire Populaire veut propulser un candidat unique à gauche pour 2022

Lancée cet été, la Primaire Populaire ambitionne de rassembler autour d'une candidature de gauche, sociale et écologiste pour la présidentielle 2022. Réunis ce week-end à Marseille, ses militants espèrent reproduire le succès du Printemps Marseillais pour éviter un scénario écrit "Macron-Le Pen".

Il est 18h15, et le patio du Coco Velten, un centre associatif dans le 1er arrondissement de Marseille, est soudainement parcouru d'une agitation. "Ça y est, la vidéo officielle est en ligne", se réjouit Samuel Grzybowsi, porte-parole du collectif citoyen "Primaire Populaire".

Des mois que l'équipe, composée d'une quinzaine de permanents et d'un millier de bénévoles, construit de manière plus ou moins confidentielle ce processus politique inédit, à mi-chemin entre une primaire traditionnelle et un plébiscite citoyen.

Ce week-end, une soixantaine d'entre eux étaient réunis à Marseille pour faire leur rentrée, au moment où la campagne présidentielle passe à la vitesse supérieure. 

Autour des tables en bois, les militants ont le nez rivé sur leurs téléphones, diffusant leur vidéo sur les réseaux sociaux en regardant grimper le nombre de partages. Et espérant, grâce à elle, gagner de nouveaux signataires potentiels. 

Ce sont ces électeurs qui, justement, choisiront de parrainer des candidats déjà déclarés, ou des personnalités qu'ils désigneront eux-même.

L'objectif : choisir le candidat du "dépassement", au-dessus des partis et des collectifs politiques pour la présidentielle 2022.

À la croisée des luttes sociales

À l'origine de Primaire Populaire, il y a des militants écologistes, féministes, des entrepreneurs sociaux ou sympathisants de gauche. 

Samuel Grzybowsi a fondé le mouvement Coexister, et travaille depuis des années dans le secteur de l'économie sociale et solidaire. Mathilde Imer, porte-parole elle aussi, fait partie des déçus de la Convention citoyenne pour le climat (CCC), dont elle est l'une des initiatrices.

Tous deux se sont heurtés à des obstacles institutionnels, un "plafond de verre" inhibant un réel changement en France. Ils déplorent aussi le renoncement d'Emmanuel Macron sur le climat, le président ayant refusé d'entériner l'ensemble des propositions de la CCC. 

Pour la présidentielle, ils ont donc fait le choix d'un processus innovant, sans retomber dans les écueils d'une primaire citoyenne. En 2016, cette initiative avait permis de désigner une candidate, Charlotte Marchandise, mais cette dernière n'avait pas récolté les 500 parrainages nécessaires pour se présenter. 

Mathilde, Samuel et les autres organisateurs ont donc compris qu'il ne fallait "pas faire sans les partis", afin d'éviter un scénario "Macron-Le Pen" qui semble selon eux déjà écrit. 

Les idées, les parrainages, le vote

Tout a commencé avec l'élaboration d'un socle commun composé de dix mesures phares : loi climat, référendum d'initiative citoyenne, ou encore VIe République.

Le collectif, ensuite, a rencontré partis et candidats, avant de lancer les parrainages mi-juillet. Deux mois plus tard, 83.000 personnes se sont déjà inscrites dans le processus. D'ici la clôture le 11 octobre, le collectif espère atteindre plusieurs centaines de milliers de votants.

À ce terme, les cinq femmes et cinq hommes en tête des parrainages seront pré-sélectionnés. 

L'ancienne ministre de la Justice, Christiane Taubira, et le député de la France insoumise, François Ruffin, cavalent pour l'instant en tête.

Derrière eux, on trouve côté femmes Sandrine Rousseau (2e), l'élue LFI Clémentine Autain (3e), Anne Hidalgo (4e) et Delphine Batho (5e). Côté hommes l'économiste Gaël Giraud (2), l'eurodéputé Pierre Larrouturou (3e), Eric Piolle (4e), et Jean-Luc Mélenchon (5e). 

Débutera alors la phase la plus délicate : voir si les pré-sélectionnés accepteront de jouer le jeu. Ils devront, à ce titre, s'engager à respecter les valeurs du socle, mais aussi la règle de la primaire : se retirer en faveur du candidat commun, qui sera désigné lors de la dernière étape du 12 décembre.

D'où l'importance, explique Mathilde Imer, de "créer un rapport de force, avec un nombre massif de citoyens capables de mettre la pression sur les candidats". 

Marseille, ou l'inspiration d'une victoire

Dans le patio ombragé du Coco Velten, les militants ont longuement échangé avec Olivia Fortin. Fondatrice du collectif "Mad Mars", architecte de la victoire du Printemps Marseillais, elle est désormais 5e adjointe en charge de l'action publique. 

L'esprit de la Primaire Populaire n'est pas sans rappeler celui du Printemps Marseillais, rassemblement de la gauche et des écologistes pour une candidature commune aux municipales. Une union qui avait permis à Michèle Rubirola de l'emporter en juillet 2020, véritable coup de tonnerre après 25 ans de gaudinisme.  

"Le Printemps Marseillais a montré qu'on pouvait gagner", s'enthousiasme Samuel Grzybowsi. "Leur victoire est passée par le dépassement de la gauche, et c'est une étape dont on ne peut pas faire l'économie". 

Ce chemin laborieux vers la victoire, que personne n'imaginait, Olivia Fortin s'en souvient : "Nous étions dans un moment historique suite aux effondrements du 5 novembre. Les marseillais descendaient dans la rue avec une colère profonde, qui marquait un point de non-retour", raconte-t-elle. 

Même si ce n'est pas parfait, que ce n'est pas tous les jours facile, ce qu'on a construit ensemble a permis de débuter quelque chose de nouveau à Marseille

Olivia Fortin, adjointe au maire et co-fondatrice de Mad Mars

C'est d'ailleurs dans la deuxième ville de France que Primaire Populaire a installé ses quartiers. Marseille, en effet, concentre toutes les inégalités que ces militants voudraient effacer, mais fourmille aussi de solutions et de volontés citoyennes. 

Véritable espoir politique ou utopie ?

Reste, maintenant, à convaincre que cette Primaire Populaire n'est pas juste une utopie. Et arriver, aussi, à toucher les électeurs au-delà des milieux militants. 

Face à des personnalités fortes, des primaires politiques déjà lancées ou la peur des partis de s'effacer dans l'union, la plupart des sympathisants de gauche, désabusés, ont du mal à croire en cette idée. 

Samuel Grzybowsi n'a aucun mal à le reconnaître : "les partis sont tiraillés entre une ligne unitaire et une ligne identitaire. Les identitaires, de leur côté, voudraient plutôt qu'on annule notre primaire", plaisante-t-il. 

D'autres candidats déclarés, comme Sandrine Rousseau (EELV), se sont quant à eux montrés plutôt réceptifs devant le processus. 

Selon ses calculs, leur réserve de voix pourrait s'élever autour de 8 millions. C'est pour cette raison qu'ils adresseront un appel à la responsabilité aux différents candidats. "Ils ont eu besoin d'exister cet été, c'est le jeu, on le respecte. Mais ensuite, qu'est ce qu'on fait ?".

Il revient, alors, sur la désobéissance dont ont fait preuve certains élus marseillais à l'époque du Printemps. Ils avaient choisi l'union quitte à se faire radier de leurs partis respectifs, comme ce fut le cas de Michèle Rubirola chez Europe Écologie Les Verts.

Sauf qu'une fois le mouvement trop engagé, les différents partis ont bien été obligés de revenir sur leur décision, et de soutenir sa candidature.

"La victoire est possible, vous devez l'anticiper", les a malicieusement encouragé l'adjointe au maire en conclusion.

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