Marseille : 5 choses à savoir avant l'ouverture au public de la réplique de la Grotte Cosquer

La Grotte Cosquer reconstituée dans la Villa Méditerranée à Marseille sera ouverte au public le 4 juin. Voilà tout ce qu’il faut savoir sur ce joyau du patrimoine préhistorique mondial, menacé de disparition.

37 ans après sa découverte par Henri Cosquer, le public va pouvoir découvrir les richesses de cette grotte sous-marine, située dans les calanques de Marseille, grâce à une fidèle reconstitution, comme pour Chauvet et Lascaux.

La Villa Méditerranée ouvrira ses portes le 4 juin 2022, aux pieds de la Major et à coté du Mucem. Avant d'entamer la visite, France 3 vous détaille cinq choses à savoir sur ce joyau du patrimoine marseillais.

  • Un "Lascaux sous-marin" à Marseille

Cette grotte vieille de plus de 30.000 ans est située dans la calanque de la Triperie, près du cap Morgiou, entre Marseille et Cassis. C’est la seule grotte sous-marins répertoriée au monde. L’accès à 37 mètres de fond se fait par un boyau ennoyé de plus de 100 mètres qui remonte et débouche sur une caverne de 2.500 m2, en grande partie immergée.

Arrivé là, les parois encore au sec offrent au regard des gravures et dessins du Paléolithique supérieur, en particulier d'animaux marins, phoques et pingouins, inédits sur les grands sites mondiaux de l'archéologie préhistorique. Un "choc esthétique" qui marque une vie, confie l'archéologue Luc Vanrell, 62 ans dont 30 passés à étudier le site.

"A l'époque, on était en pleine glaciation, le niveau de la mer se trouvait 135 mètres plus bas et le littoral 10 km plus loin", raconte l'archéologue Michel Olive, chargé de l'étude de la grotte au service régional de l'archéologie (DRAC).

"L'entrée de la grotte, légèrement en hauteur et exposée plein sud, faisait face à une vaste plaine couverte de graminées et protégée par les falaises, un lieu extrêmement favorable pour l'homme préhistorique", précise-t-il.

Les parois ornées de la grotte témoignent de la variété des animaux présents sur le site: chevaux, bouquetins, bovidés, cerfs, bisons et antilopes saïga, mais aussi phoques, pingouins, poissons ainsi qu'un félin et un ours... au total 229 figures de 13 espèces sont représentées.

Soixante-neuf pochoirs de mains rouges ou noires et trois empreintes involontaires de mains, dont celles d'enfants, ont été également répertoriées, ainsi que plusieurs centaines de signes géométriques et huit représentations sexuelles masculines et féminines.

"Comme il est probable que les parois aujourd'hui sous l'eau étaient à l'origine également ornées, cela fait de Cosquer un site unique par sa taille en Europe."

Luc Vanrell, archéologue

Une richesse graphique due à la durée exceptionnelle de la fréquentation de la grotte par hommes et femmes de la Préhistoire "entre -33.000 ans et -18.500 ans avant le présent" selon la dernière datation, souligne Luc Vanrell.

"La densité des représentations graphiques place Cosquer au niveau des quatre plus grandes grottes au monde d'art pariétal du Paléolithique avec Altamira en Espagne, Lascaux et Chauvet en France", estime-t-il. "Et comme il est probable que les parois aujourd'hui sous l'eau étaient à l'origine également ornées, cela fait de Cosquer un site unique par sa taille en Europe.

  • La découverte d’Henri Cosquer

Plongeur professionnel à Cassis, Henri a découvert la grotte sous-marine, à 15 mètres du rivage. "J'ai posé la lampe et la lampe est tombée droit sur une main et l'histoire est partie de là", raconte-t-il.

La loi oblige à déclarer sans délai ce type de découverte pour sa préservation, mais Cosqer garde son trésor pour lui et ses proches. "Cette grotte n'appartenait à personne. Quand vous trouvez un bon coin à champignons, vous le dites à tout le monde vous ?", a-t-il justifié.

Mais la rumeur d'un "Lascaux sous-marin" circule, et attire des plongeurs. Trois trouvent la mort dans le boyau menant à la cavité. Marqué par le drame, Henri Cosquer officialise sa découverte auprès des autorités en 1991. La grotte, authentifiée comme un site préhistorique majeur, est classée monument historique en 1992. Elle porte désormais son nom.

Son entrée, sécurisée par une grille, est désormais interdite au public. Seules les équipes scientifiques y ont accès.

Pendant les trente années suivantes, des dizaines de missions archéologiques sont menées pour étudier et préserver le site, et procéder à l'inventaire de ses richesses graphiques. Les moyens alloués pâtissent toutefois de la concurrence de la grotte Chauvet, découverte en 1994 et plus facile d'accès.

  • Un site qui n’a pas encore livré tous ses secrets

Parmi les énigmes en suspens figure l'empreinte fortuite d'un matériau tissé sur une paroi, qui pourrait confirmer l'hypothèse d'une confection de vêtements par des chasseurs-cueilleurs à l'époque de la fréquentation de la grotte.

La représentation de chevaux avec des crinières longues pose question également. Luc Vanrell esquisse l'hypothèse d'une première domestication ou du moins d'un parcage de l'animal par l'homme car à l'état sauvage les crinières sont plus courtes, presque en brosse, façonnées par la végétation au gré du galop des chevaux. Le dessin de traits évoquant une forme de harnachement renforce cette hypothèse.

"Les sols archéologiques conservés sous une couche de calcite" (un minéral) doivent être également étudiés, explique Cyril Montoya, qui évoque la présence de "restes de charbon" servant à peindre ou de "zones de chauffe sur des stalagmites" transformées en "lampadaires pour éclairer la grotte".

La question centrale de l'utilisation de la grotte reste sans réponse, admet Michel Olive. Si les archéologues s'accordent pour dire que nos lointains ancêtres n'y vivaient pas, certains parlent "d'un sanctuaire, d'autres d'un lieu de réunion, voire d'un site d'extraction de mondmilch (aussi appelé lait de lune, NDLR), cette matière blanche des parois utilisée pour des peintures corporelles ou comme support pour les peintures et gravures", explique-t-il.

  • Un joyau menacé par le réchauffement climatique

Avec la montée des eaux, les gravures commencent à disparaître. Elles seront un jour engloutie. Après une hausse soudaine de 12 cm du niveau de la mer en 2011, les plus hautes eaux progressent chaque année de quelques millimètres.

Cette progression irréversible liée au réchauffement climatique et la pollution marine (notamment le rejet des eaux usées à proximité) sapent d'année en année les chefs d'oeuvre de l'art pariétal.

A l'été 2011, Michel Olive et Luc Vanrell sonnent l'alarme après avoir constaté la progression brutale du niveau des eaux et des dégradations irréversibles sur certains panneaux. "C'était une catastrophe, un choc qui nous a effondrés psychologiquement", se souvient Luc Vanrell évoquant d'énormes dégâts sur des dessins de chevaux.

"Toutes les données recueillies montrent que la remontée des eaux va de plus en plus vite, confirme la géologue Stéphanie Touron, spécialiste des grottes ornées au Laboratoire de recherche des monuments historiques en France. La mer, qui monte et descend dans la cavité en fonction des variations climatiques, lessive les parois et sape des sols riches en informations".

La grotte Cosquer subit également les conséquences de la pollution aux microplastiques qui accélère la dégradation des peintures. Face à ces menaces, l'Etat français, propriétaire du site, a lancé une étude nationale pour enregistrer au plus vite ce patrimoine.

Une mission nouvelle conduite par l'archéologue Cyril Montoya, destinée à mieux comprendre l'activité des hommes préhistoriques dans la grotte, doit débuter cet été.

5. Un défi artistique

Dès la découverte de la grotte, l'idée a germé d'en réaliser une réplique, mais il faut attendre 2016 pour que la Région décide d'y consacrer la Villa Méditerranée, un  bâtiment inexploité, les pieds dans l'eau, à côté du Mucem.

La société Klébert Rossillon a été chargée de concevoir, construire et gérer la reconstitution - un projet de 23 millions d'euros dont dix financés par la région. L'enjeu était de taille: faire rentrer la réplique de la grotte dans un espace plus petit tout en restant aussi fidèle que possible à l'original. Au final, après une légère réduction d'échelle, "1.750 m2 de caverne, 100% des parois peintes et 90% des parois gravées seront montrées", assure Laurent Delbos, chargé du chantier.

"Finalisée, notre grotte Cosquer virtuelle, d'une précision millimétrique, sera un outil de recherche indispensable pour les conservateurs et archéologues qui ne peuvent accéder physiquement au site."

Des scientifiques ont réalisé une cartographie numérique en 3D des parois de la grotte, où quelque 600 "entités graphiques" ont déjà été répertoriées.
"Notre objectif fantasmé serait de faire remonter la grotte à la surface", sourit l'un des plongeurs-archéologues, Bertrand Chazaly, responsable des opérations de numérisation.

Pour coller à l'original, l'entreprise a bénéficié des données de modélisation en 3D de la grotte collectées par les archéologues sous l'égide du ministère de la Culture (Drac Paca). Et elle s'est appuyée sur une équipe de spécialistes des répliques des grottes ornées avec laquelle elle a déjà bâti en 2015 un double de la grotte Chauvet, en Ardèche (sud-est de la France).

"Les artistes préhistoriques ont écrit (une) partition il y a longtemps, je suis un de leurs interprètes", résume l'artiste-plasticien Gilles Tosello, 66 ans, qui s'est attaché à reproduire le plus fidèlement possible les dessins préhistoriques, avec les mêmes outils et le charbon de bois utilisé à l'époque.

Selon Kléber Rossillon, le gestionnaire, la réplique de la grotte Cosquer "aura deux particularités qui n'ont jamais été faites jusqu'à présent, d'une part la curiosité géologique qui est extraordinaire... mais nous aurons l'eau qui a envahi la grotte Cosquer et que nous allons reproduire dans la villa Méditerranée, sous la mer".

L'exploitant espère attirer 500.000 visiteurs par an. Le public pourra découvrir la Grotte Cosquer à la Villa Méditerranée à partir du 4 juin.

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