Soixante ans après le massacre des Algériens le 17 octobre 1961, par les gardiens de la paix parisiens, des dizaines de personnes se sont mobilisées dimanche au Vieux-Port de Marseille. Ils dénoncent un crime d'état, toujours pas reconnu par la France.
"On a passé une semaine noire". Voici comment Mohammed Bachi, 91 ans, se souvient de ce 17 octobre 1961, et des jours qui ont suivi. Si soixante ans ont passé, les souvenirs restent présents.
"Je rentrais du travail, lorsque j'ai été arrêté gare Saint-Lazare. On m'a transféré au Bois de Vincennes. Et j'ai passé 10 jours par terre, sur la paille. Il y avait des morts par terre...", raconte Mohammed.
Des souvenirs glaçants que le vieil homme a longtemps enfouis dans sa mémoire. Aujourd'hui, il a tenu, à être présent, aux côtés de ses enfants. Nadia Bachi, sa fille, se souvient des nombreuses questions laissées sans réponse : "on voyait bien que papa avait des marques, des blessures, mais il a toujours répondu à côté", explique-t-elle. "C'est normal à l'époque, il n'avait pas droit à la parole".
Une nuit de répression sanglante et meurtrière.
Le 17 octobre 1961, des milliers d'algériens descendent dans les rues de Paris, à l'appel du FLN (Front de Libération Nationale). Ils protestent contre l'instauration d'un couvre-feu discriminatoire, visant les "travailleurs algériens".
La répression des forces de police, commandées par le préfet Maurice Papon, ancien haut fonctionnaire du régime de Vichy (et qui sera condamné en 1998 pour crimes contre l'humanité), est sanglante. Des milliers de personnes sont arrêtées, transportées par des bus de la RATP, réquisitionnés dans la hâte.
Des coups, des tortures, des coups de feu sont tirés. Plusieurs personnes sont jetées à la Seine, depuis les ponts parisiens. Près de 200 personnes sont ainsi tuées. 14.000 personnes arrêtées, 1500 expulsées...
Cette histoire, c'est celle de la France. Une histoire diffile à avaler. Et pourtant, qu'il faut reconnaître.
Pour une reconnaissance d'un "crime d'Etat"
Emmanuel Macron, présent à la cérémonie officielle à Paris, a estimé dans un communiqué que "les crimes commis cette nuit-là sous l'autorité de Maurice Papon [étaient] inexcusables pour la République".
Premier pas pour une reconnaissance ? Ou faux pas ? C'est en tout cas le sentiment de Soraya Guendouz, membre du collectif du 17 octobre 1961, présente sur le Vieux-Port dimanche après-midi.
"Emmanuel Macron, attribue la responsabilité des évènements strictement à Maurice Papon. Pour nous les militants, les chercheurs, les historiens, c’est inaudible. C'est impensable qu’un système colonial aie pu reposer strictement sur Maurice Papon", s'indigne-t-elle.
Comme beaucoup de militants, Soraya Guendouz attend que la nation reconnaisse ce fait comme "crime d'Etat": "Nous avons besoin de comprendre les mécanismes qui ont conduit à une telle barbarie".
Aujourd'hui, comme des dizaines de militants, de familles de victimes, elle attend une "audace politique". Elle n'est jamais venue, même 60 ans après.