TEMOIGNAGE. Guerre en Ukraine : Marseille livre trois ambulances à Odessa, un ancien marin-pompier raconte son émotion

L'Amicale des marins-pompiers de Marseille a acheminé trois ambulances remplies de soins de premier secours offertes par la Ville de Marseille à Odessa en Ukraine. Les deux villes sont jumelées depuis 50 ans.

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Sur les rives de la Mer noire, le plus grand port d'Ukraine se prépare à l'offensive russe qui semble inéluctable. 

Les habitants d'Odessa regardent les villes de Kharkiv, Kherson et Marioupol disparaître sous les bombes en se demandant s'ils seront la prochaine cible de Vladimir Poutine. 

Jumelée avec Odessa depuis 50 ans, Marseille a offert trois ambulances remplies de matériel de premier secours. Le convoi est parti vendredi dernier avec des huit membres de l'Amicale des marins-pompiers de Marseille.

Témoin du douloureux exode des civils

5.600 km aller-retour en quatre jours. Philippe Liautaud était du voyage. L'ancien marin-pompier est encore très bouleversé par les Ukrainiens qu'il a croisés sur les routes de campagne en plein exode.

"Quand vous voyez un jeune gamin de pas tout à fait neuf ans qui veut partir faire la guerre avec son père pour que sa maman et sa petite sœur puissent revenir dans un pays libre, je vous assure, ça vous crève le cœur", raconte l'ancien militaire.

"La maman n'arrivait pas à lui courir derrière, elle ne voulait pas lâcher la petite sœur qu'elle avait à la main... je n'ai pas compris ce qu'elle disait, mais j'ai compris qu'elle partait après son gamin qui voulait partir à la guerre, alors je l'ai attrapé et je l'ai serré dans mes bras".

"La maman m'embrassait les mains, et l'interprète de l'ambassade me traduisait ce qu'elle disait : "vous êtes mon sauveur, en plus de perdre mon mari j'allais perdre mon fils", c'est dur à entendre".

Jamais Philippe Liautaud n'aurait pensé voir de telles scènes se produire sous ses yeux au XXIe siècle.

"Vous voyez des vieillards qui se traînent sur le bord de la route tirant un mauvais cabas à provisions avec dedans tout ce qu'ils ont pu emporter".

"J'avais le souvenir de mes grands-parents qui me parlaient de la guerre, j'ai vu des films de guerre où vous voyez l'exode, mais là, j'ai vu des trucs, je ne pensais pas un jour voir ça, cela n'a pas de nom."

"Ça vous donne envie de chialer"

Pour le militaire à la retraite, c'est une réalité d'un autre temps.

"Les hommes restent pour défendre le pays pour que leurs épouses et leurs enfants puissent revenir, et certains savent très bien qu'ils vont mourir. Mais ils se défendent comme l'ont fait nos anciens pour défendre notre sol français". 

"Ça vous donne envie de chialer, parce que je suis grand-père et je voyais mes petits-enfants partir en exode, on n'a le droit d'abandonner son sol par peur, c'est immonde!"

Au cours de sa longue carrière de marin-pompier, Philippe Liautaud a vécu bien des situations dramatiques. Jamais comparable à ce que vivent les Ukrainiens aujourd'hui. 

"J'ai fait des tremblements de terre en l'Italie, j'ai fait pas mal de grosses interventions avec de nombreux morts, mais j'e n'ai pas ressenti cette peine, ni en même temps cette fierté. Ils sont fiers d'être Ukrainiens, les femmes sont fières de leurs maris qui vont faire la guerre". 

Philippe Liautaud a une admiration sans bornes pour le courage de ce peuple qui reste debout. "Tout ce qu'ils nous disent, c'est aidez-nous, pas pour avoir de l'argent, aidez-vous à nous battre, c'est notre pays, on veut le garder".

L'ancien secouriste voudrait que les Français prennent toute la mesure du drame humain qui se joue à quelques milliers de kilomètres d'ici.

"Les gens n'ont pas conscience de ce qu'il se passe, chacun a son petit confort et est en train de crier pour le prix du carburant, pour l'augmentation du gaz, mais il y a un peuple qui est en train de souffrir de cette guerre". 

Bien sûr, depuis son retour à Marseille, le président de l'amicale des marins-pompiers n'a de cesse de trouver comment aider encore les Ukrainiens. 

"Depuis que je suis rentré par le biais de contacts que j'ai pu avoir, j'essaie de placer trois familles dans le coin". 

"Je veux repartir, j'estime que c'est de mon devoir d'aller aider cette population qui est en guerre, alors qu'elle n'a rien demandé". Il ajoute : "vous savez, la guerre c'est une histoire de militaires, pas une histoire de civils."

S'il faut encore acheminer du matériel en Ukraine, Philippe Liautaud se tient prêt à partir. À plus long terme, il a un autre projet. Il s'est engagé auprès du maire d'Odessa et des autorités locales.

"J'ai leur ai promis que quand la guerre serait finie, les anciens marins-pompiers, on retournerait là-bas pour les aider à se relever".

Mais au 16e jour de l'invasion russe, l'heure n'est pas encore au retour de la paix. Philippe Liautaud suit la situation à Odessa avec la plus grande inquiétude.

"J'ai un contact là-bas et je l'appelle deux fois par jour pour avoir un état des lieux et de jour en jour on est de plus en plus pessimiste sur le sort de la ville". 

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