TEMOIGNAGES. "Plus de 535 jours sans revenus, c'est inhumain" : les soignants non-vaccinés suspendus se mobilisent pour leur réintégration

Alors que les soignants non-vaccinés contre le Covid sont toujours interdits de pratique, une manifestation nationale est organisée samedi 11 mars à Lyon pour demander la réintégration des professionnels suspendus. Un livre publié en janvier recense de nombreux témoignages entre détresse financière et souffrance psychologique.

Difficile de connaître leur nombre exact, mais plutôt que de faire parler les chiffres, Elsa Ruillère a voulu donner la parole aux hommes et aux femmes suspendus en vertu de la loi du 5 août 2021 qui impose l'obligation vaccinale pour les professionnels de santé. Auteure du livre "Paroles de soignants suspendus", Elsa Ruillère est par ailleurs porte-voix des Collectifs Unis qui invite à une manifestation nationale ce samedi 11 mars à Lyon et réclame la réintégration des personnels soignants non-vaccinés. 

Agent administratif dans le secteur hospitalier, elle-même suspendue, Elsa Ruillère a récolté durant un an des centaines de témoignages dans toute la France pour en publier 41, représentatifs de la disparité des situations. "Il fallait informer sur le vécu de ces soignants rejetés et invisibilisés, leur donner un visage et montrer qu'il n'y a pas que des infirmières, des aides-soignantes ou des médecins, il y aussi des dentistes, des étudiants, des psychomotriciennes, des techniciens, des plombiers, des jardiniers et des techniciens de la CPAM... pas forcément au contact des patients, mais suspendus quand même."

Sans salaire et sans perspective

Si certains ont dû démissionner, la grande majorité se retrouve dans une situation juridique inédite : suspendus sans salaire pour une durée illimitée, avec l'interdiction d'exercer dans le domaine de la santé. "Pour une faute professionnelle, normalement le droit du travail prévoit une suspension de 4 mois avec salaire. Cela fait plus de 535 jours que ces personnels non-vaccinés sont sans revenus et sans perspective, dans l'oubli complet, c'est inhumain."

La suspension a précipité bon nombre d'entre eux dans une douloureuse précarité. Elsa Ruillère évoque le cas d'un ambulancier contraint de vendre sa maison, pour vivre aujourd'hui dans son camping-car. "Des infirmières qui dorment aujourd'hui dans leur voiture, ce n'est pas acceptable ! Les soignants, leur vocation c'est de prendre soin des autres, comment peut-on les traiter comme ça ? Et aussi longtemps ? Juste pour avoir voulu rester libres et avoir le droit de choisir, eux aussi."

La vaccination, "sujet tabou"

Rester libre, c'était son crédo. Olga (prénom d'emprunt pour l'interview, NDLR) est infirmière depuis quinze ans et exerçait ces dernières années en EHPAD. Maman d'un enfant de 4 ans, elle vit du coté de Pertuis où le collectif des soignants suspendus est particulièrement mobilisé. Olga a été suspendue deux fois : "D'abord en septembre 2021, puis j'ai eu le Covid, j'ai donc pu retravailler 4 mois dans mon établissement, avant d'être de nouveau suspendue en août 2022."

Toujours en contrat (CDI), son établissement relevant du secteur privé, cette infirmière a été autorisée à postuler ailleurs. "C'était tout à coup l'insécurité totale, je vivais au jour le jour, sans savoir si j'allais pouvoir manger ou mettre de l'essence dans ma voiture. Pour m'en sortir, j'ai bénéficié de la solidarité d'associations, de l'aide alimentaire et puis j'ai trouvé des petits boulots.

"Infirmière depuis quinze ans, je me suis mise à faire des inventaires, j'ai travaillé chez des maraîchers et aujourd'hui je suis femme de chambre. Mais ce qui compte, c'est que je suis alignée avec mes convictions."

Olga, infirmière non-vaccinée suspendue

France 3 Provence-Alpes

Aujourd'hui, Olga est fière de ne pas avoir "courbé l'échine", mais elle reconnait en avoir payé le prix : celui de la mise au ban de la profession. Elle évoque le lynchage médiatique, le fait d'avoir été désignée comme irresponsable, mais aussi l'exclusion et la solitude. "C'est un sujet tabou aujourd'hui chez les infirmières, qui met mal à l'aise et c'est violent en fait. Il faut qu'elles arrêtent d'avoir peur et que l'on soit solidaires, parce que c'est tout le système de santé qui est en train de s'effondrer en France." Olga souhaite de tout cœur une réintégration, parce qu'elle aime son métier, mais attend aussi une réparation, au travers d'indemnités, pour panser ses plaies. 

Des personnels vaccinés en soutien

Véronique est éducatrice spécialisée. "Vaccinée à contre-cœur", confie-t-elle, cette Marseillaise a rejoint le collectif des soignants suspendus, parce qu'elle a vu beaucoup de ses collègues sanctionnés pour avoir refusé la vaccination. Pour cette soignante, "des limites de l'acceptable ont été franchies dans le domaine de la santé. On a culpabilisé les soignants non-vaccinés, certains ont été convoqués par la police, cette affaire d'injection est devenue politique, installant une chape de plomb. C'est du jamais vu. Le consentement éclairé et libre des soignants a été bafoué et c'est très grave."  

Véronique et Olga se retrouveront à Lyon le 11 mars, mobilisées pour réclamer l'abrogation de l'obligation vaccinale et la réintégration des soignants qui le souhaitent, car "beaucoup ont été cassés" conclut Esla Ruillère, "y compris des étudiants suspendus dont on a brisé la vocation. Il est urgent de les libérer de l'entrave dans laquelle on les a mis et dont ils ne peuvent plus sortir."

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