L'ex-membre d'Action Directe Jean-Marc Rouillan, condamné pour assassinats et qui vit aujourd'hui en liberté conditionnelle à Marseille se lance pour la première fois au cinéma dans "Faut savoir se contenter de beaucoup", un ovni cinématographique en forme de road-movie
libertaire.
De la lutte armée au rôle d'acteur. Une drôle de trajectoire pour Jean-Marc Rouillan qui depuis sa libération en 2012 vit dans la plus grande discrétion à Marseille, où il travaille dans une entreprise d'exportation de bois.
Artisan cinéaste, auteur d'une quinzaine de films dont "La Vie comme elle va" et "Ici Najac, à vous la terre", le réalisateur, Jean-Henri Meunier, a imaginé la rencontre improbable entre Jean-Marc Rouillan et l'entarteur belge Noël Godin dans ce long métrage qui joue sur la frontière entre fiction et réalité documentaire.
L'un, Noël Godin, prône "une révolution comique", tandis que l'autre, Jean-Marc Rouillan, en liberté conditionnelle depuis 2012 après 24 ans de prison, a choisi dans les années 70 la lutte armée. Le film sortira en salles ce mercredi. "On s'est amusés pendant les 18 mois de tournage, ça a été une joyeuse déconne", raconte Jean-Marc Rouillan, 63 ans, pour qui "être un acteur comique" est "un bras d'honneur".
ajoute l'ex-activiste, qui ne doit pas s'exprimer publiquement sur les faits pour lesquels il a été condamné, ni les évoquer dans des ouvrages ou des articles, sous peine de retourner en prison.Pour moi, c'est une façon d'être un autre, puisque je ne peux pas être, par décision de justice, celui que je suis. Donc il faut bien que je sois un peu acteur",
Voir la bande annonce :
Faut savoir se contenter de beaucoup (B.A 01) from Jean Henri MEUNIER on Vimeo.
Cofondateur d'Action Directe, organisation armée d'extrême gauche, Jean-Marc Rouillan a été condamné en 1987 à la réclusion criminelle à perpétuité notamment pour l'assassinat du PDG de Renault Georges Besse. Il a bénéficié d'un régime de semi-liberté en 2007, révoqué fin 2008, avant d'être à nouveau en semi-liberté en 2011.Dans "Faut savoir se contenter de beaucoup", les deux personnages se lancent sur les routes, de Paris à Toulouse en passant par Marseille
ou Bruxelles. Ce périple, à la recherche notamment d'une Cadillac, est le prétexte à des échanges sur leurs conceptions de la révolution et leur quête d'un monde meilleur, au gré de rencontres avec d'autres opposants à l'ordre établi des Liliths (ex-Femen) belges aux zadistes de Sivens.
Instinct de révolte
Des acteurs comme Sergi Lopez interviennent aussi dans ce long métrage aux dialogues improvisés. Grâce à Jean-Henri Meunier, "on est devenus de vrais personnages de fiction et on s'est pris au jeu", explique Jean-Marc Rouillan, crâne rasé et yeux qui brillent, estimant "important d'apporter par la culture un nouveau sens à ce que pourrait être la société"."On a fait un film de la bonne humeur, de la dérive de bonne humeur, sympathique. Mais les temps ne sont pas sympathiques", lâche-t-il.
Je crois que ce film parle du désarroi actuel devant ce qui se passe, devant l'extrémisme de la réaction",
ajoute l'ex-membre d'Action Directe, auteur d'une quinzaine de livres.
"Ces deux bonshommes qui errent dans la nature, c'est aussi le reflet de tout le mouvement actuel de gens qui ne voient pas comment on va réussir à s'opposer à cette cascade réactionnaire", estime-t-il. Face à ce taiseux qui dit "ne pas avoir envie de rire", Noël Godin, agitateur
de 70 ans aux élans lyriques, célèbre pour ses lancés de tartes à la crème sur des personnalités --de Marguerite Duras à Bill Gates en passant par Bernard-Henri Lévy, sa cible favorite--, affirme croire dans une révolution "totalement constellée de gags".
Avec Jean-Marc Rouillan, "nous avons chacun notre conception" de la révolution, affirme ce grand Belge à l'air bonhomme, qui va jusqu'à comparer l'ex-membre d'Action Directe à un personnage "sorti de romans de cape et d'épée". Pour lui, le film "met le petit doigt sur le fait que tout reste possible dans ce monde merdique".