Trois mois et demi après les tirs de Kalachnikov à la cité La Castellane lors de la visite de Manuel Valls, et à la veille du retour du Premier ministre à Marseille, sept hommes et une femme ont été mis en examen. Le point sur l'enquête.
Les enquêteurs de la police judiciaire de Marseille ont presque reconstitué le scénario de la spectaculaire fusillade qui a pris pour cible des policiers dans la cité de la Castellane (16e ardt), le 9 février, jour de la précédente visite de Manuel Valls à Marseille. Sept hommes et une femme ont été mis en examen dans le cadre de cette enquête pour tentatives d'homicide volontaire en bande organisée sur personnes dépositaires de l'autorité publique, infraction à la législation sur les stupéfiants, acquisition illégale d'armes et de munitions en bande organisée et association de malfaiteurs.
Tous ont été placés en détention provisoire.
Conquête d'un "plan stup"
Le scénario privilégié par les enquêteurs est celui d'une "opération visant à la conquête d'un des plans stupéfiants" de la fameuse cité de la Castellane dans les quartiers nords, haut lieu du trafic de drogue. Les gérants présumés du réseau de La Jougarelle - du nom d'une avenue de la cité- épaulés par un commando de Kosovars recrutés quelque temps plus tôt dans un camp de réfugiés politiques près de Munich- s'apprêtaient à en découdre avec les trafiquants du réseau concurrent, celui de "de la Tour K". Une opération quasi-militaire, alors que les hommes de l'équipe de "La Jougarelle" étaient vêtus de noir, gantés et encagoulés, munis de talkies- walkies et détenaient des fusils d'assaut Kalachnikov, ceux de "la Tour K" portaient des treillis de camouflage.
Ce 9 février, quelques heures avant l'arrivée de Manuel Valls, accompagné de plusieurs ministres, à Marseille, une soixantaine de coups de feu tirés à l'aide de fusils d'assaut Kalachnikov avaient pris pour cible plusieurs voitures de police. Dans l'une d'elles se trouvait directeur départemental de la sécurité publique, Pierre-Marie Bourniquel, qui avait dû se réfugier derrière son véhicule pour se protéger des balles. Selon un témoin, ancien militaire de passage devant la Tour K, une ou deux rafales auraient été d'abord tirées vers 9 h 37. Aucun étui n'a été retrouvé mais, précise-t-on au parquet de Marseille, "il n'y a pas de raison de penser que ce témoin serait de mauvaise foi ou se serait trompé".
Un commando de Kosovars
C'est à l'arrivée de plusieurs véhicules de police vers 10h00, que le commando de La Jougarelle a ensuite ouvert le feu. Cinquante sept étuis percutés ont été ramassés, la fusillade n'a fait aucun blessé mais des projectiles ont cependant touché un véhicule de police. L'enquête a rapidement prospéré grâce à la saisie d'armes et d'effets vestimentaires retrouvés dans une BMW série 3 et un appartement où des membres du commando s'étaientréfugiés et dévêtus afin de quitter la cité. Lors des perquisitions, les enquêteurs ont récupéré notamment sept Kalachnikov, deux chargeurs dont un garni, 308 munitions 7,62, deux revolvers 357 magnum, deux fusils à pompe, sept kilos de cannabis, des gilets pare-balles, du matériel de
transmission et de brouillage.
L'exploitation de 900 prélèvements biologiques, de 700 empreintes papillaires et d'une centaine de traces de résidus de tir qui ont notamment permis l'identification des mis en cause devaient permettre de désigner les deux auteurs de ces tirs en direction des policiers. Deux Marseillais, présentés comme le gérant présumé du réseau de La Jougarelle et son lieutenant ont été interpellés, le 15 février, à Saint-Denis (Seine-Saint Denis).
L'enquête de la juge Karine Sabourin cherche à dessiner le profil du commando de Kosovars parmi lesquels figure une femme porteuse elle aussi d'une Kalachnikov. En l'état du dossier, ces Kosovars apparaissent comme "de pauvres bougres appâtés par l'argent" et non comme des mercenaires aguerris dans les guerres des Balkans. A Marseille, le recrutement d'un tel commando d'étrangers semble être "une première", selon les enquêteurs.
Le 19 avril, le frère du "lieutenant présumé" était tué dans un règlement de comptes au sein de la cité des Bourrelys à Marseille. Ses agresseurs
ont tiré sur lui sept projectiles dont six l'ont atteint alors que le jeune homme se trouvait dans son véhicule.