Le 65ème congrès de l'ADEPAPE se tient ce samedi 4 mars au Palais du Pharo à Marseille. Cette association d'entraide tend la main aux enfants et aux adultes, bénéficiaires de l'Aide Sociale à l'Enfance. Le président de l'antenne des Bouches-du-Rhône témoigne, au travers de son histoire, de ce qui doit changer dans la prise en charge des enfants placés.
Le 65ème congrès de l'ADEPAPE se tient ce samedi 4 mars au Palais du Pharo à Marseille et rassemble 300 bénévoles venus de toute la France. Tous sont des "anciens" de l'ASE, l'Aide Sociale à l'Enfance, aujourd'hui au service de l'association et des jeunes placés, que ce soit en foyer ou en famille d'accueil.
La secrétaire d'Etat chargée de l'Enfance, Charlotte Caubel, vient à leur rencontre pour mettre les problèmes sur la table. Le président de l'ADEPAPE13, Hamza Bensatem, est bien décidé à porter la voix des enfants confiés à la protection de l'enfance. A seulement 25 ans, il a grandi de famille d'accueil en foyer et apporte son éclairage sur ce qu'il faut faire évoluer, surtout pour garantir un avenir aux jeunes majeurs.
- Combien d'enfants sont à ce jour entre les mains de l'Aide Sociale à l'Enfance ?
Hamza Bensatem : ils sont 340 000 en France ce qui correspond à la population de la Corse ou de la ville de Nice, c'est énorme. Actuellement 7000 dans le département des Bouches du Rhône sont placés en foyer, en famille d'accueil ou à domicile, et là ce sont des éducateurs qui les encadrent chez eux, pour ne pas rompre le lien. Nous sommes là, nous bénévoles, pour porter la voix de ces accueillis de l’ASE et soutenir les plus jeunes d'entre nous, tout juste sortis de l'institution, au démarrage de leur vie d’adulte.
- Vous même vous avez été placé, à Marseille ?
Oui, à l'âge de 10 ans, ma maman qui élevait seule ses 6 enfants, a rencontré des problèmes de santé. J'ai vécu seul avec mon petit frère durant plusieurs mois avant d'être placé. Nous avons été sortis d'un environnement toxique, une chance pour nous deux, puisque nous avons réussi à faire des études supérieures. A 10 ans je ne savais ni lire, ni écrire car je n'allais que très peu à l'école, je ne sortais pas, je n'avais jamais été à la plage ni au cinéma. J'ai tout découvert grâce à l'institution qui a poussé des portes pour moi, ce qui m'a permis d'avoir de l'ambition. Après un bac avec mention, je suis aujourd'hui en master 2 à Kedge Business School.
- Quels écueils avez vous rencontré durant votre parcours d'enfant placé ?
La stigmatisation. J'avais des troubles du comportement, mais simplement parce que je manquais d'amour, je manquais de repères mais on disait de moi que j'avais vécu trop de choses difficiles pour être normal, que je ne pourrais jamais m'insérer, travailler, je sentais que l'on ne savait pas trop comment m'aider. On veut absolument psychiatriser les enfants, alors qu'ils ont souvent juste besoin de câlins et d'être entourés. Je suis passé par toutes les classes "spéciales", Segpa, Ulis, Clis, je sais que l'on a tendance à débiliser ces publics considérés comme des "cas sociaux". Mais l'échec n'est pas une fatalité, j'en suis la preuve. Parce qu'un jour j'ai été entouré et que j'ai eu droit à un enseignement particulier qui m'a permis de me mettre au travail.
- Que faut-il faire aujourd'hui pour aider les jeunes qui sortent de l'institution?
C'est la mission de notre association, il faut anticiper, ne pas attendre qu'ils aient 18 ans et qu'ils ne se retrouvent livrés à eux-mêmes. En 2022, dans les Bouches-du-Rhône, 700 jeunes adultes, sortis du giron de l'ASE, ont bénéficié d'un Contrat Jeune Majeur, mais 200 n'ont aucun débouché. Il faut savoir qu' 1 sans-abri sur 3 est un enfant issu de l'ASE et qu'ils sont nombreux à bénéficier des minima sociaux tels que le RSA dès qu'ils deviennent autonomes. D'autres se retrouvent perdus, se prostituent. Il ne faut pas se dépêcher de les "mettre dehors", sans accompagnement, alors qu'il y a chez eux une vraie fragilité. Il est essentiel d'individualiser les parcours. Quoi qu'il en coûte.
L'aide à l'enfance n'est pas une entreprise, avec une exigence de rentabilité. Les enfants ont besoin d'être considérés autrement que comme un prix de journée, ils demandent à être entourés d'affection. Sinon, ils grandiront avec leur carence.
Hamza Bensatem, président de l'ADEPAPE13
- Quels changements sont nécessaires pour donner de meilleures chances aux enfants confiés à l'ASE?
Quand on est un enfant au cœur de l'institution, on nous parle beaucoup de ce que l'on coûte, 20 euros pour un anniversaire, 20 euros pour un Noël et pas un centime de plus... plus tard, on nous dit qu'un Contrat Jeune Majeur c'est cher, qu'une formation aussi. Un enfant pris en charge par l'ASE représente un budget de maximum 300 euros par jour. Alors évitons qu'il ne reviennent vers les minima sociaux!
- Que demande votre association à la secrétaire d'Etat?
Il est important d'harmoniser la politique au niveau national: il existe 101 départements français et autant de politiques de l'enfance. Or il faut que les enfants aient les mêmes chances partout. Et surtout il faut individualiser les parcours. La France est bien dotée par rapport aux autres pays européens en matière de moyens, mais les résultats à la sortie ne sont pas au rendez-vous. Et puis, il est temps de valoriser le travail de nos associations qui jouent un rôle d'accompagnement essentiel auprès des jeunes.