L’association Tous Migrants et la sœur de Blessing Matthew, une jeune Nigériane de 21 ans décédée en mai 2018 lors d’un contrôle de gendarmerie, ont demandé la réouverture de l’enquête à la lumière d’un nouvel élément : le témoignage d’un témoin présent au moment des faits.
"Ma sœur continuera de hurler et hurler" tant que justice ne sera pas faite, s’est exprimée Christiana Obie Darko à propos de Blessing Matthew. Et ses questions sont toujours sans réponse, quatre ans après le drame. Dans quelles circonstances sa sœur s’est-elle noyée dans la Durance ? Que s’est-il passé lors du contrôle de gendarmerie ?
Elle était Nigériane, avait 21 ans et a été retrouvée morte le 9 mai 2018, au barrage de de Prelles, à une dizaine de kilomètres de Briançon (Hautes-Alpes). Mais alors que la justice avait prononcé par deux fois un non-lieu dans ce dossier, un nouvel élément pourrait tout changer : "un témoignage de nature à rebattre totalement les cartes" selon l’avocat de la sœur de Blessing Matthew et l’association Tous Migrants, Maître Vincent Brengarth.
Un nouveau témoin, présent au moment des faits
Il s'agit du témoignage "d'Hervé (son nom n'a pas été rendu public), qui figurait parmi le groupe d'exilés pourchassés par les gendarmes" et qui n'avait jamais témoigné jusqu'ici, a-t-il souligné.
Un cCmerounais de 35 ans qui se serait dissimulé dans les buissons puis aurait été interpellé au petit matin pour une expulsion vers l’Italie.
"Il a vu que Blessing Matthew cherchait à se cacher, il y a eu de façon évidente un contact avec l'un des gendarmes. (...) Il dit "j'ai vu le (gendarme) la saisir par le bras, elle se débattait, ils se tiraillaient"", raconte Me Brengarth.
Des propos "cohérents" selon Tous Migrants qui a retrouvé le témoin clé via Facebook et qui souhaite la réouverture du dossier par le parquet de Gap.
Blessing Matthew, décédé après un contrôle de gendarmerie
Pour rappel des faits, Blessing Matthew aurait été aperçue pour la dernière fois le 7 mai 2018 alors que des gendarmes mobiles tentaient de l’interpeller avec deux autres migrants (dont un mineur) dans le hameau de La Vachette.
Selon l’association, un riverain aurait même entendu des cris. "C’était dans un contexte très tendu, juste après la venue de Génération Identitaire (un groupuscule suprémaciste d’extrême droite). Beaucoup d’exilés témoignaient de violence physiques et verbales, de pratiques de courses-poursuites et de mise en danger de la part des forces de l’ordre et des militants. Un escadron a alors été affecté à la frontière franco-italienne" se souvient Paquerette Forest, dénonçant la militarisation de cette zone haute-alpine et ses conséquences dangereuses.
Une affaire classée sans suite
Après un signalement auprès du procureur de la République de Gap, la famille de la victime décédée dépose plainte. Mais, un an plus tard, le parquet classe cette affaire sans suite au motif de l’absence d’infraction. Enfin, la constitution de l’association Tous Migrants en partie civile est jugée irrecevable et un non-lieu est prononcé concernant la plainte.
Mais Paquerette Forest soutient : "On a eu accès au dossier on a très vite remarqué qu’il y avait des contradictions et des zones d’ombre dans le témoignage des policiers. On ne préjuge de rien, mais on veut que la vérité éclate."
Ce lundi 30 mai 2022, soit quatre ans plus tard, l'association a tenu une conférence de presse durant laquelle l’agence Border Forensics a réalisé une reconstitution spatio-temporelle des faits. Tous Migrants rappelle que le "soutien des citoyens et des autorités morales est déterminant pour que justice soit faite".
Le cas de Blessing Matthew n'est pas isolé. Une dizaine de jours après sa disparition, une seconde personne exilée a été retrouvée morte à quelques kilomètres seulement de La Vachette. Depuis, dans le même secteur, entre les Hautes-Alpes et la Vallée de Suse côté italien, cinq autres décès et une disparition sont survenus.