Les 2 parties attendent que la justice, mais aussi les patriarches de Moscou et de Constantinople, tranchent
Depuis un mois, la cathédrale russe de Nice reste close aux visiteurs en raison d'un litige entre ses gérants et la Fédération de Russie, propriétaire des murs. Les deux parties attendent désormais que la justice, mais aussi les patriarches de Moscou et de Constantinople, tranchent.
Hormis pendant les offices, les touristes et visiteurs ne peuvent plus admirer les trésors que renferme Saint-Nicolas, sous les superbes bulbes dorés aux tuiles vernissées.
"Nous refusons de rendre les clefs" aux représentants de Moscou, martèle depuis un mois le recteur de la cathédrale Jean Gueit, sûr de son bon droit.
"En vertu de notre règle canonique, je ne rendrai les clefs qu'à mon évêque", à savoir l'archevêque Gabriel (basé à Paris) qui relève du patriarcat oecuménique de Constantinople, explique-t-il.
Classée monument historique, la cathédrale Saint-Nicolas, plus grand édifice orthodoxe russe hors de Russie, renferme notamment une superbe iconostase et quelque 300 icônes, et reçoit plus de 100.000 visiteurs par an. Elle est placée depuis 1931 sous l'autorité du patriarcat de Constantinople.
La Fédération de Russie en est devenue propriétaire en mai à la suite d'un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, au terme d'une longue bataille judiciaire menée par l'Acor, l'association cultuelle qui la gère depuis 90 ans. Celle-ci s'est depuis pourvue en cassation.
Et désormais, Moscou interdit à l'Acor de percevoir des droits d'entrée, estimant que "ce n'est pas dans la tradition russe de faire payer pour pénétrer dans un lieu de culte". L'association argue que ces sommes permettent de rémunérer le personnel gardant l'édifice. Ne pouvant plus les payer, elle a entamé une procédure de licenciement
économique et la cathédrale reste fermée.
L'ambassadeur russe en France Alexandre Orlov estime que la Russie a "entrepris plusieurs démarches pour trouver un accord à l'amiable avec l'association, mais
en vain". "Le dialogue est totalement rompu", déplore-t-il, menaçant à nouveau l'Acor de porter l'affaire devant les tribunaux.
Selon lui, l'édifice est "dans un état très dégradé, à l'intérieur comme à l'extérieur".
"On risque de perdre cette cathédrale, joyau architectural de la ville de Nice. Or, nous voulons entamer avant la fin de l'année des travaux de rénovation pour pouvoir les achever avant que l'on fête le centenaire de la cathédrale le 17 décembre 2012", explique Alexandre Orlov.
Le recteur Gueit réplique que l'Acor a déjà fait "pour plus de 250.000 euros de travaux".
Sur un plan plus strictement religieux, la tradition veut que lorsque "l'Etat (russe) acquiert une église à l'étranger, il la remette entre les mains du patriarcat de Moscou", selon M. Orlov.
Celui-ci a décidé de nommer un nouveau recteur, ce qui n'a pas été du goût de l'archevêque Gabriel qui lui a interdit fin août de concélébrer la messe avec le recteur actuel.
C'est donc désormais aux patriarches de Moscou, Mgr Cyrille, et de Constantinople, Bartholomée 1er, de trancher dans cette affaire, comme le réclame l'Assemblée des évêques orthodoxes de France (AEOF).
L'AEOF a récemment indiqué avoir décidé "de se référer à la sagesse des deux patriarches concernés (...) pour aboutir à une résolution ecclésiale et irénique de ce différend" entre des "membres de la même famille ecclésiale".
"Finalement, cette querelle, c'est le prix que nous payons de ne pas avoir d'autorité centrale" au sein de l'orthodoxie russe, déplore Michel Sollogoub, proche collaborateur
de l'archevêque Gabriel.