Rassemblés devant l’hôpital du pays Salonais, les étudiants infirmiers manifestent leur incompréhension face à la décision de l’ARS de suspendre les cours des deuxièmes années. Ils craignent que leur apprentissage soit sacrifié sur le front de la deuxième vague.
Depuis 8 heures, les pancartes sont levées dans le froid. Sur celles-ci, on peut lire "Réquisitionnés en mars [contre le Covid-19], abandonnés en novembre" ou "Aider, oui, mais pour cela on doit apprendre !". Elles sont portées à bout de bras et surplombent la marée de blouses blanches que composent la cinquantaine d’étudiants réunis, jeudi 19 novembre, devant l’hôpital du pays Salonais.
Tous dénoncent ce qu'ils ont appris la nouvelle de la bouche de la directrice à la sortie de leur cours d’anglais : "Vous n’êtes plus étudiants. Vous ne dépendez plus, ni de l’IFSI, ni de l’agence régionale de santé (ARS)", leur a-t-elle annoncé.
La perte de statut étudiant
Ils ont alors décidé de se rassembler pour protester, peu après l’annonce de l’ARS de supprimer des cours des 2e année dans les 25 Instituts de formations de soins infirmiers la région Paca, et ce jusqu’au 13 décembre. "On a aucune explication, juste un arrêté." Steve Lebelle, vice-président de la section vie étudiante, accuse le coup. "A Salon, on a décidé de manifester, on estimait qu’il ne fallait pas attendre, dénonce-t-il. Pondre un arrêté, c’est facile mais il aurait fallu donner des explications. Même si la bourse et les aides sont maintenues on perd notre statut d’étudiant.”Ce dernier est inquiet. Selon lui, si les cours s'arrêtent, c’est une perte de qualité de la formation. "Pourquoi ne pas mobiliser les étudiants pour lutter contre la deuxième vague de Covid-19 tout en assurant une continuité pédagogique ?, demande-t-il. D’un côté, on perd la théorie, mais de l’autre on ne peut pas mettre en pratique non plus."
Car si les étudiants de 2e année peuvent être appelés en renfort, ce ne peut être qu’en qualité d’aide-soignant dont ils obtiennent une équivalence en fin de première année. Robin Di Marco, étudiant de 2e année, partage l’avis de Steve. "On aimerait être mobilisés mais avec le statut d’étudiant infirmier pour pouvoir réaliser des gestes infirmiers pas en tant qu’aide soignant", réclame-t-il.
La crainte de devenir la "promotion covid"
Au brouhaha des discussions et aux cris des slogans scandés se mêlent les klaxons des véhicules qui manifestent leur soutien en passant devant l'établissement. "Les étudiants ont peur de ce qu’ils vont devenir, explique Robin. On est en train de perdre le mois le plus chargé de l’année, là où on voit le plus de pathologies. La deuxième année est une année de transition, plus intense, c’est une année charnière."Il enfonce les mains dans ses poches et soupire. "On a peur de ne pas être aussi qualifiés que les autres infirmiers, souffle-t-il. Le problème c’est qu’il y a déjà certains soignants qui parlent de 'promotion Covid', on a peur que ça nous pénalise à l’embauche, d’être lésés." Naïs Commarmond, déléguée des 2e années, souffle dans ses mains et acquiesce. "On a peur, on a déjà subi la première vague, on a des cours à rattraper. Dans un an et demi on doit être diplômés, mais là on ne sait pas où on va…"
Un dialogue difficile
Contacté par France 3, l’ARS défend une décision qui "répond aux besoins exprimés par les établissements de santé de la région" pour faire face aux "fortes tensions en ressources humaines sur des qualifications aides-soignantes". Une décision que ne comprend pas Robin, car pour lui et ses camarades, le temps de stages de ces derniers mois a été réduit. "On a entre 5 et 15 semaines de stage dont 2 semaines peuvent être utilisées pour renforcer les équipes d’aides-soignants", pointe-t-il.Un renfort possible, mais pourtant moins utilisée qu’à l’habitude. De quoi renforcer l’incompréhension parmi les étudiants qui "ne savent pas où ils vont". Marine Fermaud, l’une de ses camarades, se risque à exprimer tout haut l'hypothèse qu'ils semblent nombreux à partager : "Je pense que c’est pour nous inciter à aller travailler en tant qu’aide soignant, estime-t-elle. Ça ne nous fait pas peur d’aller sur le terrain mais il faut un enseignement de qualité. Pour la première vague tout s’est arrêté jusqu’en septembre, là on revient 3 semaines et on re-stop tout. On a envie d'étudier."
Cependant le dialogue avec l’ARS semble difficile pour ces étudiants qui se sentent "laissés dans le néant". "On a essayé de les contacter mais on n'a pas eu de réponse, déplore Robin Di Marco. On aimerait faire une conférence avec la FNESI, en présence d’un représentant de l’ARS afin qu’il réponde à nos questions. On ne comprend pas pourquoi le dialogue est si difficile, on craint pour la suite."