Parce que leurs comptes ont été bloqués ou suspendus, près de 400 clients de la banque mobile N26 vont intenter une action en justice avec l'aide d'un cabinet parisien spécialisé dans les contentieux financiers. Jérôme, Quentin et Vanessa, trois victimes toulonnaises, espèrent bien récupérer au plus vite leur argent.
L'histoire de Vanessa ressemble à une mauvaise blague. Le 31 décembre sa cousine l'alerte sur de possibles arnaques de la banque mobile N26 dont elle est cliente.
Prudente, elle décide de transférer son argent de ses deux comptes en ligne vers une banque plus traditionnelle. Mais alors qu'elle finit tout juste le virement du compte courant, l'application se déconnecte. Impossible de se reconnecter pour effectuer un deuxième transfert, ni même pour vérifier que ses 9.000 euros sont toujours sur le compte épargne. Impossible également d'accéder au tchat.
Des blocages sans préavis illégaux
"Nous avons essayé de les contacter via email. Nous avons reçu l'appel d'une homme avec un fort accent africain qui visiblement ne comprenait pas notre problème, et nous disais juste que c'était une erreur humaine qui sera vite résolue. Mais rien ne bouge !"
Vanessa et son mari balancent depuis entre la colère et l'angoisse. D'autant plus que le salaire de Quentin sera sans doute encore versé sur le compte courant ce mois-ci, laissant présager des difficultés à faire face aux charges du ménage.
Le seul message que nous avons reçu c'est que nous avons violé les conditions d'utilisations de la banque, sans autre explication. Nous ne comprenons pas
Vanessa Mayeur, ex-cliente victime de N26
Pour Emma Leoty, l'avocate spécialisé en droit de la finance, et chargée de les défendre, l'attitude de la banque est inconcevable. "Le droit français impose en effet que la banque avertisse par email tout client avant de bloquer ou de suspendre un compte, et lui laisse un délai de deux mois pour répondre."
Pour sa défense, la banque mobile N26 par le biais de son porte-parole Thimotee Lenoir, précise que "la banque est allemande, et qu'elle opère selon la réglementation du pays.
Il explique également dans un courrier que nous avons reçu, que "comme toute banque, N26 se doit d'effectuer des contrôles sur les comptes de ses clients et notamment les transactions. L'objectif est de lutter contre la fraude et le blanchiment d'argent et protéger nos clients. Oui, N26 ferme des comptes principalement lorsqu'il y a des soupçons de de fraudes ou de blanchiment. C'est ce que nous demande le FIU, l'équivalent allemand de la Tracfin en France."
Pas de trace de l'argent
Dans un autre paragraphe, la banque se défend de conserver les fonds : "L’argent des comptes clôturés, lorsqu’il n’a pas été directement retiré par le client, est placé sur un compte dédié dans l’attente des retours des clients avec leur nouvelle coordonnées bancaires et sont rendus dès que les clients nous communiquent l'IBAN du compte sur lequel ils veulent recevoir leur fonds."
Le souci c'est qu'aucun des 300 membres de la communauté des clients présumés arnaqués par N26 sur Facebook ne semble avoir récupéré son argent.
C'est le cas de Jérôme, lui aussi installé à Toulon. Le 4 novembre dernier, il apprend par email que son compte N26 est fermé, lui aussi pour "violation des conditions générales d'utilisation", et sans autre précision.
"Je leur ai envoyé des emails tous les jours pendant des semaines, pour essayer de récupérer les 12.000 euros restés sur le compte. Sans succès. Ils m'envoient des messages m'indiquant que cela va être réglé, mais je n'ai toujours rien reçu", se désole Jérôme.
Assignations en justice
Mais le Toulonnais, tout comme Vanessa et Quentin, a retrouvé l'espoir depuis jeudi soir. L'avocate Emma Léoty du cabinet parisien Choizey, a en effet dévoilé la stratégie juridique qui va être déployée à partir de la semaine prochaine pour permettre à tous les clients concernés de récupérer leurs fonds.
Dans un premier temps, une mise en demeure doit ouvrir la porte à un règlement à l'amiable. Puis une assignation en référé devrait permettre de débloquer rapidement les fonds, sous l'astreinte d'un juge. Enfin une action sera menée auprès du tribunal judiciaire de Paris pour demander des "dommages et intérêts pour le stress subit".
L'avocate a bon espoir que ces actions aboutissent. "Je me base sur la règlementation européenne ROME I, qui nous autorisent à poursuivre la banque sur le sol français, puisque les clients, résidents français, ne maitrisent pas le droit allemand, et qu'il est plus facile pour eux de le faire sur le sol français. Par ailleurs, N26 ayant étant présent dans le registre du commerce, et ayant donc un pied sur le sol français, la jurisprudence s'applique. La même qui a permis de condamner Facebook dans une autre affaire."
Une action qui satisfait Valery Demunck, le créateur de la communauté sur Facebook, qui se dit lui aussi victime de la banque. "Trop c'est trop, on ne peut pas laisser des banques agir comme cela impunément." Quant à Jérôme, Vanessa et Quentin, la colère a laissé la place à l'espoir : celui de récupérer un jour leurs économies.