La cour d'assises du Vaucluse a condamné mercredi à 30 ans de réclusion criminelle une femme de 43 ans, Jin Linotte, qui avait torturé et frappé à mort ses deux voisins au Pontet en 2012.
Soulignant "l'organisation" et "le comportement rationnel et lucide" de l'accusée, l'avocate générale Gwenaelle Le Flao avait requis 30 ans de réclusion assortis d'une période de sûreté de 20 ans. Elle avait écarté la réclusion criminelle à perpétuité "compte tenu du fait qu'il est reconnu à Mme Linotte une altération du discernement, même si, et j'insiste là-dessus, elle est considérée comme responsable".
Selon un expert psychiatre, Jin Linotte présente une personnalité sensitive, une forme de paranoïa qui constitue un "trouble psychique qui a altéré son discernement".
"Incontestablement dans ce dossier, nous sommes dans le cadre d'actes (...) commis avec brutalité et cruauté, qui ont fait endurer un supplice aux victimes, une souffrance physique et morale intolérable", avait ajouté Mme Le Flao.
"Du fond de mon coeur je m'excuse. Si c'était à refaire, je donnerais tout pour être expédiée sur une autre planète pour pas que ça se reproduise", a déclaré Jin Linotte avant que la cour ne se retire pour délibérer.
L'accusée, dont l'avocat Victor Gioia a annoncé qu'il allait faire appel de sa condamnation, a affirmé ne plus se souvenir de la période allant du 25 au 28 octobre 2012, les trois jours durant lesquels elle a porté de multiples coups de couteau, de marteau et de cutter, à Bruno Declas, 50 ans, et Didier Gérard, 53 ans, qu'elle avait attachés à un lit, avant de les étouffer et d'incendier leur cadavre.
"Une image me revient souvent, du sang, quelqu'un qui me parle. Je tournais en rond dans l'appartement, j'avais l'impression que le temps s'était figé", a-t-elle dit. "Je ne me reconnais pas dans tout ce qui a été dit. Pour moi, c'est un film, on parle de quelqu'un d'autre, on ne parle pas de moi", a-t-elle ajouté.
Les deux victimes avaient encore la capacité de respirer
L'accusée affirme que M. Declas est mort dans la matinée du 26 octobre et M. Gérard le lendemain. Mais un médecin légiste a contredit cette version en avançant qu'"au moment où l'incendie est déclaré (le dimanche 28 octobre, ndlr) les deux victimes avaient encore la capacité de respirer". "Ça ne veut pas dire qu'elles étaient encore conscientes", a-t-il toutefois nuancé.
Me Gioia, qui a regretté "les zones d'ombre" du dossier, a refusé de voir en sa cliente "une barbare, une tortionnaire", associant son absence de mémoire à une protection. "Elle ne peut pas, peut-être, parler de tout ça parce qu'il va lui falloir redécomposer et s'approprier cette histoire. Elle a été dépassée, submergée, par l'horreur", a-t-il avancé.
D'origine coréenne, l'accusée aux longs cheveux noirs a connu un parcours chaotique depuis son adolescence, entre petits boulots, alcoolisme, toxicomanie, dettes et retrait de l'autorité parentale de son fils né en 1994.
"Jin Linotte au cours de cette existence tragique c'est une bombe qui se charge de poudre à chaque fois qu'elle essuie un refus. L'expulsion, c'est la mèche", a plaidé Me Gioia. Elle avait vécu l'éviction de son logement après trois ans de loyers impayés comme "un constat d'échec, d'humiliation", ce qui a constitué un "facteur précipitant" son passage à l'acte, a relevé l'expert psychiatre.
Selon lui, Mme Linotte "vivait la présence de ses voisins de façon agressive et persécutrice". Elle leur reprochait de faire du bruit, de l'empêcher de dormir et d'être responsables de son expulsion. "La mort des victimes demeure la seule solution pour que s'arrête la souffrance morale", a observé la psychologue Claudine Fuyat.