Depuis deux ans, les jeunes de l'université d'Avignon cohabitent avec le virus. Très marqués par la pandémie et une organisation nouvelle. Ils reviennent sur ce qu'ils ont vécu. Aujourd'hui, ils suivent leurs cours en présentiel. Mais jusqu'à quand ? Et pour quel avenir ?
Avoir 20 ans et vivre ses plus belles années, c'est le rêve de tout étudiant. Une jeunesse faite idéalement d'expériences en amour, d’amitiés, et de rencontres.
Aujourd'hui, une pandémie a transformé le quotidien de toute notre société. Et les étudiants du campus d'Avignon n'ont pas été épargnés. Ils s'appellent Jade, Abraham et Raphaël. Comme des milliers d'étudiants en construction, ils se sont sentis fragilisés face à l'incertitude du moment.
Premières années étudiantes covidées
Arrivée à la fac en 2020, Jade a connu plusieurs confinements. À 19 ans, cette étudiante en 2e année Licence d'AES et sciences politiques à la faculté d'Avignon s'est inquiétée de sa prise de poids lors du premier confinement. "J'ai été stressée et impactée au niveau physique."
Les cours ont repris ensuite, mais cette fois tout se joue derrière son ordinateur. Enfermée dans son appartement à suivre des cours magistraux en virtuel, ce n'est pas la vie d'étudiante qu'elle imagine. Psychologiquement, elle commence à décrocher.
Pendant des mois, elle se pose la question de poursuivre ou non ses études. Jour après jour, Jade travaille d'arrache-pied et s'adapte à cette nouvelle manière d'étudier.
Mon père est ouvrier et ma mère travaille dans la sécurité. Je ne veux pas faire le même métier.
Jade
L'année scolaire se déroule à peu près normalement. Aujourd'hui les étudiants sont revenus sur le campus. Port du masque et respect des gestes barrières, tous se plient aux nouvelles règles de vie sociale.
Jade regrette les moments de partage et les soirées entre étudiants. Mais la jeune femme relativise : "maintenant, on peut se voir au moins physiquement, c'est plus sympa."
Jade fait partie d'une petite promo de 80 élèves. Tous sont branchés sur les réseaux sociaux pour échanger et se soutenir en cas de coup dur comme les confinements.
Marquée à jamais Jade se questionne sur sa scolarité à long terme. "Est-ce que toute ma vie d'étudiante, je vais être un semestre sur deux confinée ?"
De la démotivation à la dépression
Pour Abraham, étudiant arrivé fraîchement de Martinique en 2020, c'est la douche froide. Pour affronter l'enfermement, il appelle régulièrement sa famille, mais cela ne suffit pas.
Moral au plus bas, il ne peut plus travailler. L'ambiance devient pesante, seul dans son appartement. Aujourd'hui, cet étudiant en licence Langues Littérature et Civilisation étrangères se dit très affecté par cette période.
Avec ses amis, ils décident de se voir malgré les restrictions gouvernementales. Pour oublier les décomptes des morts du covid dans les médias, Abraham travaille avec ses amis de promo à la maison.
"Nous allions dormir les uns chez les autres et c'était un moyen de nous motiver pour nos cours." Ils surmontent les difficultés tous ensemble. Mais pour certains, l'aventure de la faculté a été stoppée nette.
J'ai des amis qui ont respecté à la lettre tous les confinements. Aujourd'hui, ils ont arrêté la fac en plein milieu de l'année et ils ont pété un câble.
Abraham
Depuis deux semaines, Abraham suit ses cours en distanciel. Le taux d'incidence flirte avec les 2.500 cas pour 100.000 habitants dans le Vaucluse. Un taux jamais atteint même pendant la première vague de covid.
"J'ai peur, nous confie-t-il, je me suis imaginé que ce serait comme l'année dernière." Il ne souhaite plus revivre ces moments de stress. Malheureusement avec le nouveau variant Omicron, difficile de contenir l'épidémie.
Abraham se voit à nouveau contraint de rester enfermé. "Faire cours en distanciel ne donne pas envie de me lever. Mon lit est près de mon ordinateur et j'ai la flemme. Je suis moins motivé."
Angoisse sur le marché du travail
BTS en poche pendant le confinement, Raphaël, 23 ans se souvient d'avoir passé 80% de sa scolarité en visioconférence. Pourtant, dans sa section hôtellerie et restauration, les stages pratiques restent indispensables pour exercer son futur métier.
Dès les premières restrictions annoncées, Raphaël est sur le choc. D'abord il le prend comme une punition. "Pourquoi dois-je rester à la maison ?"
Une situation inhabituelle et mondiale. Il se rend compte enfin de la gravité de ce qui se passe en s'informant sur les réseaux ou à la télévision.
Pour Raphaël, "le lien social avec la vie" est rompu. Il se retrouve alors seul chez lui.
Je devais faire mon stage dans un restaurant et je n'ai pas pu le faire. J'ai vraiment été impacté dans mon apprentissage.
Raphaël
En licence professionnelle aujourd'hui, Raphaël aimerait faire une école de barman à l'étranger. Depuis début janvier, plusieurs de ses camarades ont été infectés par le virus. Il est encore obligé de suivre ses cours à la maison.
Les métiers de l'hôtellerie ou restauration ont été les plus impactés face à la crise covid. Raphaël craint que la crise sanitaire perdure. Et que ses projets à l'étranger soient compromis encore une fois.
Une génération impactée
La santé mentale des étudiants s'est aggravée pendant la pandémie. Ils ont souffert de dépression et d'anxiété presque deux fois plus que les adultes.
Unanimes pour dire qu'ils ont subi un enfermement forcé ces derniers mois, Jade, Abraham et Raphaël espèrent passer normalement leurs examens en juin ; et souhaitent pouvoir enfin tourner la page du covid pour se concentrer sur leur avenir.