Les deux fils de Dominique et Gisèle Pelicot, David et Florian ont témoigné ce lundi 18 novembre pour la première fois. De vifs échanges ont animé l'audience.
Gisèle Pelicot entre dans le tribunal d’Avignon, ce lundi 18 novembre, devant une nuée de caméras et ses enfants lui emboîtent le pas. La salle d'audience est pleine à craquer, car deux témoins clés sont entendus pour la première fois : les deux fils Pelicot, David et Florian. L'après-midi sera agitée par des échanges musclés entre père et fils.
David Pelicot, une "enfance effacée"
David Pelicot, promoteur des ventes de 50 ans, le fils aîné, s'avance le premier à la barre. En préambule, il tient à saluer le travail des enquêteurs, "si maman, aujourd'hui, est avec nous dans cette salle, c'est en partie grâce à eux", rapporte Juliette Campion, journaliste à Franceinfo, dans son direct sur X (ex-Twitter).
Le fils aîné raconte comment il a appris, de la bouche de Gisèle Pelicot, le 2 novembre 2020, "ce qu'il y a de plus horrible : cet homme, dans ce box, a livré ma mère à des inconnus pour la violer. À ce moment-là, le sol se déroule sous mes pieds", poursuit David Pelicot d'une voix tremblante. "Quand je raccroche, il me vient l'envie de vomir, chose que je fais".
"Mais comment as-tu pu faire une chose pareille ?!", lance-t-il en haussant le ton. Il regarde Dominique Pelicot droit dans les yeux.
— Juliette Campion (@JulietteCampion) November 18, 2024
Le lendemain matin, le commissaire qui les reçoit lui explique qu'ils ont découvert des milliers de photos, "nous voyons notre mère abusée par des inconnus. Personnellement, j'essaye de me donner une certaine contenance, mais nous avançons une fois de plus dans l'horreur", dit-il. De retour au domicile parental à Mazan, avec son frère et sa sœur, ils décident de faire disparaître tout ce qui les "lie à cet homme. Nous avons allégé cette maison en deux jours", raconte David Pelicot. Dans le box des accusés, Dominique Pelicot écoute, le menton baissé.
"Aujourd'hui, nous n'avons plus aucune photo d'albums de famille. Nous avons fait disparaître ses vêtements et ses tableaux ", précisant, non sans un certain cynisme, que "ce monsieur avait une passion pour la peinture". "Mon père n'existait plus. Je devais faire le deuil (...) J'ai le sentiment que toute mon enfance a disparu. Elle a été comme effacée", conclut-il.
Les excuses de Dominique Pelicot à son fils
"Votre sœur, Caroline, a indiqué qu'elle suspectait votre père d'être allé plus loin que les captations d'images la concernant", observe le président. "Je la crois", répond David Pelicot, du tac au tac, faisant référence aux certitudes de Caroline Darian d'avoir été, comme sa mère, droguée par l'accusé.
Puis, il s'adresse ensuite à son père. "Si tu as encore un peu d'humanité, dis la vérité sur les agissements que tu as eus sur ma sœur, qui souffre tous les jours et qui souffrira toute sa vie ! ", dit-il fermement, en haussant le ton. "Rien ! Sur aucun des enfants et petits-enfants ! Rien !", hurle Dominique Pelicot depuis son box. "Détends-toi ! C'est moi qui parle ", s'agace le fils, avant de lâcher, "ça fait deux mois qu'il se donne une espèce de posture..."
"Il ne tient qu'à toi : tu as fait photos de ma soeur papa", répond David Pelicot. "J'ai fait des photos car elles étaient demandées en chantage. Et, fort justement, Caroline a été offusquée du terme, qui était 'la mère et sa fille'", dit Dominique Pelicot.
— Juliette Campion (@JulietteCampion) November 18, 2024
Béatrice Zavarro, l'avocate de Dominique Pelicot, demande la parole pour son client qui s'exprime alors au micro : "ce n'est pas un exercice facile, David. Tu parles de prestance, je n'ai pas de prestance. Je ne vais pas me plaindre par rapport à votre souffrance... J'ai donné le maximum de ce que je pouvais à mes enfants, dont tu fais partie. À mes petits-enfants", déclare-t-il calmement. "Je ne peux que vous prier de bien vouloir accepter mes excuses pour ce que j'ai fait", dit platement Dominique Pelicot. "Jamais ! ", lui rétorque son fils. "Écoute, on va s'arrêter là", conclut le principal accusé de ce procès, "le fait de ne pas se revoir me détruit aussi, même si ça ne vous touche pas. Mais je peux comprendre".
Florian, le fils du "diable en personne"
Vient alors le tour de Florian, 38 ans, le plus jeune de la fratrie. Il se souvient du moment où sa mère est venue vivre chez lui, juste après avoir eu connaissance des faits. Avec les années, il fait le rapprochement sur les absences de sa mère.
Avec les années, il fait le rapprochement sur les absences de sa mère. "Il m'est arrivé de l'appeler un soir à 18 heures. Mon père décroche le téléphone en me disant : 'ta mère est partie chercher le pain'. Ce qui n'est pas du tout dans ses habitudes", se souvient-il.
— Juliette Campion (@JulietteCampion) November 18, 2024
Plus loin, le trentenaire se questionne en pleurant, "si elle y était passée, qu'en serait-il aujourd'hui ?" et d'insister, "comment se construire en tant que fils ?". Puis Florian Pelicot confie ne pas comprendre son père. "Je lui pose la question directement : pourquoi tu as fait ça ? Pourquoi tu as prêté notre mère comme ça ? ", demande-t-il en se tournant vers lui. "Tu as toujours dit que notre mère était une sainte. Mais toi, tu étais le diable en personne".
Il évoque par ailleurs la souffrance du fils face à l'image de Gisèle Pelicot, malmenée depuis le début du procès. "Entendre depuis deux mois que ma mère est complice, libertine, alcoolique, qu'elle était au fait de tout ça, c'est à gerber", lâche-t-il.
Un test de paternité
Puis Florian Pelicot désigne ironiquement les accusés comme "la crème de la crème (...) Je pense que les personnes derrière moi n'ont pas la lumière à tous les étages et ne veulent pas prendre leurs responsabilités".
Le benjamin de la fratrie précise enfin qu'il n'est certain d'être le fils biologique de l'accusé et souhaite aujourd'hui réaliser un test de paternité. "Ce serait un soulagement de ne pas être le fils de Dominique Pelicot." . Ce dernier n'a pas été autorisé à s'exprimer de nouveau. Il aura la parole mardi, pour ses derniers mots, avant les plaidoiries des parties civiles et les réquisitions, prévues dans les prochains jours.