Ce jeune capitaine de police installée en région Paca appartient à la brigade de la protection de la famille. Elle publie une BD "Enfances perdues", un ouvrage choc qui rassemble quatre histoires bouleversantes, inspirées de vraies enquêtes policières.
Agnès Naudin a passé trois ans à la brigade territoriale de la protection de la famille. De ces enquêtes auprès de jeunes victimes et de la confrontation avec leurs bourreaux, elle a tiré trois livres "Affaires de famille", "Affaires d'ados" et "Enfance en danger".
Avec "Enfances perdues", elle nous livre quatre nouveaux récits inspirés d'affaires sur lesquelles elle a travaillé. Cette fois, elle s'est entourée du scénariste de bande dessinée Bartoll et de l'illustrateur Éric Nosal.
"Aujourd'hui il y a plein de gens qui lisent des BD et ça permet de faire passer un message à des gens qui n'ont pas forcément envie de lire mais qui s'intéressent au sujet", explique Agnès Naudin.
Agnès Naudin a choisi le roman graphique pour parler d'une nounou maltraitante, d'un père incestueux et d'une ado qui jette son bébé à la poubelle. Trois histoires douloureuses qu'elle a vécues.
Et une quatrième se glisse en filigrane entre chacune d'entre elles, tout aussi glaçante. Lentement, insidieusement, le prédateur avance sur sa proie au fil des bulles. Agnès Naudin parvient à instaurer le malaise sans le nommer.
"Je trouvais intéressant de montrer dans le temps comment la progression s'installe dans le cadre d'un pédophile, comment il va attirer ses victimes, comment il va embourber les parents, comment tout ça se met progressivement en place jusqu'à ce qu'il passe à l'acte", explique la policière.
"C'est un copain, et c'est comme ça qu'il a fait avec plusieurs familles", ajoute-t-elle. C'est toute la force destructrice de ces "personnalités très manipulatrices" qui savent se rendre insoupçonnables aux yeux de l'entourage.
C'est un message de prévention que l'auteur veut faire passer aux parents. "Si on ne prévient pas que ces choses-là peuvent arriver, l'enfant n'en parle pas parce qu'il n'est pas au courant que ce genre de choses peuvent arriver", souligne-t-elle.
"La seule chose que l'on puisse vraiment faire en tant que parents c'est de ne pas mettre de tabou là-dessus, en parler dès qu'ils sont en âge de le faire ou qu'ils posent des questions, et poser les choses sur ce qui ne se fait pas".
Intelligents et manipulateurs
D'autant que ces prédateurs parviennent très souvent à occuper des postes qui les mettent au plus près de leurs victimes potentielles. C'est vrai dans l'église, dans les clubs sportifs amateurs ou professionnels.
"La plupart des pédophiles ont des activités qui sont en lien avec les enfants," confirme Agnès Naudin.
Même dans la police. En atteste cette affaire à Marseille. Un fonctionnaire de la brigade des mineurs vient d'être placé en détention provisoire pour viols, agressions sexuelles et détention d'images pédopornographiques. C'est avec un tout autre regard qu'il va falloir réexaminer les dossiers que ce policier a pu traiter à la recherche d'éventuelles victimes.
"On peut passer dix ou quinze ans avec ce genre de personnage sans avoir l'idée que... parce que ce sont souvent des gens qui sont très intelligents dans leur manipulation".
Et rendre ainsi la parole de leurs victimes si difficile. Beaucoup d'entre elles parlent, quand elles y parviennent, une fois adultes. Quand il est trop tard pour demander des comptes au coupable.
Une ligne téléphonique pour les victimes
Chaque année, 160.000 enfants subissent des violences sexuelles. Ce mardi justement la Commission Inceste a lancé une plate-forme téléphonique pour recueillir la parole des victimes.
"C'est important parce que le téléphone met une distance, la victime ou le proche qui aurait peur de passer la porte d'un commissariat ou d'une gendarme n'a qu'à prendre son téléphone", approuve Agnès Naudin.
#temoignerproteger | Chaque année, 160 000 enfants subissent des violences sexuelles.
— Ministère des Solidarités et de la Santé (@Sante_Gouv) September 21, 2021
Avec @CIIVISE_contact nous lançons un appel à témoignages pour mieux protéger les enfants. pic.twitter.com/uzVESTBSJL
"Pour certains, ça peut être moins anxiogène de ne pas se retrouver tout de suite dans l'univers policier et d'avoir quelqu'un qui peut donner des conseils et expliquer. C'est très important de les accompagner pour les aider à franchir la porte du commissariat et d'aller porter plainte".
La quatrième histoire d'"Enfances perdues" reste inachevée à la dernière page du livre. Il faudra d'autres tomes pour aller au bout de cette lente et longue traque du prédateur. Et Agnès Naudin a malheureusement encore bien d'autres histoires à raconter.