Aurélie Monkam Noubissi raconte, dans un livre qui vient de paraître, sa douleur, "sans haine", après la perte de son fils Kevin. En septembre 2012, il avait été lynché avec son ami Sofiane, à Échirolles. Interview.
"Ils ont tué comme si c'était un jeu -un jeu collectif-, un jeu pervers, où les frontières du réel et du virtuel se confondent, comme s'ils se trouvaient dans un jeu vidéo où l'on peut 'rejouer', ou dans un film que l'on peut rembobiner", écrit Aurélie Monkam Noubissi dans "Le ventre arraché".
"Bousculée" dans ses convictions et dans sa foi par ce drame, cette pédiatre camerounaise de 55 ans, arrivée à 17 ans en France, a voulu dans son livre donner un "message d'apaisement", "dire qu'on n'est pas obligé de répondre à la violence par la violence".Elle livre un témoignage émouvant des premiers jours ayant suivi la mort de son fils. Du lendemain, où elle a dû assurer les consultations à son cabinet puis assister au mariage de Borhane, ami de Kevin, où elle a remplacé son fils comme témoin.
"Il y a des douleurs qui ne sont qu'intérieures", dit-elle aujourd'hui, assise dans son cabinet de Meylan. Souriante, battant l'air de ses mains, elle en tend parfois une vers le paquet de mouchoirs posé sur son bureau. "A chaque fois que j'en parle, je pleure". "J'ai du mal à accepter la manière dont la vie a été arrachée à mon fils", écrit-elle aussi.
Entretien Faïza Garel et Dominique Bourget
L'histoire d'un drame
Ce 28 septembre 2012, Kevin et Sofiane avaient été assaillis dans un parc d'Echirolles par une bande de la cité voisine de la Villeneuve. Armés de couteaux, d'un pistolet à grenaille, d'une bouteille de vodka et d'un marteau, les assaillants avaient procédé à un lynchage des deux victimes, âgées de 21 ans.Kevin, étudiant en master, avait reçu huit coups de couteau, dont un mortel au poumon. Sofiane, éducateur, avait été poignardé une trentaine de fois et frappé au crâne avec un marteau.