Le 7 avril 1946, plus de 3000 personnes, des gens "du pays", se réunissent à Izieu et Brégnier-Cordon (Ain) pour commémorer pour la première fois la rafle des 46 enfants juifs et de leurs accompagnateurs, assassinés à Auschwitz. Le lieu de mémoire entend mieux documenter ce 1er "jour du souvenir".
Deux lieux, une date : le 7 avril 1946, 3000 personnes se rassemblent à la maison d’Izieu mais aussi à Brégnier-Cordon, dans l'Ain, pour ce qui sera la première journée du souvenir de la rafle de 44 enfants juifs et de leurs 7 accompagnateurs. Deux événements pour lesquels les responsables de la Maison d'Izieu sollicitent les fonds d'archives du grand public, des communes ou des paroisses.
Une mobilisation populaire exceptionnelle
Car, près de 75 ans après ce jour solennel, le Centre de documentation et d’archives du mémorial entend mieux documenter cet événement local, mais d'une ampleur exceptionnelle à bien des égards. Par le nombre de participants d'abord : les quelques photos de l'époque montrent la foule, compacte, devant la maison d'Izieu mais surtout à Brégnier-Cordon.
Là, deux clichés, pris en plan large sous deux angles différents, montrent des milliers de personnes agglutinées devant la stèle du souvenir nouvellement érigée. Aux fenêtres, sur les toits des bus, et même dans les arbres, le public est venu en masse pour ce jour dédié à la mémoire des petits martyrs et de leurs éducateurs, dont un seul reviendra vivant.
Un financement par souscription populaire
Mais il y a aussi le financement autour de ces deux événements qui a été hors-norme. La plaque commémorative de la maison et la stèle de Brégnier-Cordon ont été financées par souscription publique. En deux mois, ce sont 250 000 francs de l'époque qui ont été versés par 771 donateurs, dont l'immense majorité etaient originaires de l'Ain.
Ainsi à l'époque dans le département, outre les particuliers, écoles, communes, entreprises et associations ont versé leur obole pour cette première manifestation du devoir de mémoire. La mobilisation est forte, à l'image du choc constitué à l'époque par cette rafle et le destin funeste des petites victimes.
La recherche d'archives
Alors quels sont les documents suceptibles d'intéresser le mémorial ? "Des petites choses pour les gens, mais des choses importantes pour nous" explique Dominique Vidaud, directeur du mémorial d'Izieu. " Des coupures de presse de l'époque, des bulletins paroissiaux, des photos prises par les très nombreuses personnes sur place." Et d'ajouter que même des témoignanges écrits par des participants de l'époque seront les bienvenus pour comprendre le retentissement de ces deux commémorations, le même jour.Des personnalités venues en masse
Car Dominique Vidaud explique que si cette journée est aussi rare, c'est aussi parce qu'elle a vu défiler tout ce que la région comptait de personnalités : Sabine Zlatin qui, avec son défunt mari, encadrait la colonie des enfants, mais aussi nombre de résistants, le préfet de l'Ain et tous les sous-préfets, tous les députés locaux, des maires, des représentants de l'évêché...
Des orateurs dont les discours ont parfois "fait sensation". En particulier celui du révérend-père Chaillet, prêtre jésuite, résistant, créateur d'un des premiers journaux de "résistance spirituelle", le Cahier du témoignage chrétien.
Fouillons donc les greniers et les vieilles armoires
Mais de ce discours, de celui dont Maurice Schumann dira qu'il a "été notre 18 juin spirituel", aucun enregistrement ne subsiste, aucune transcription écrite... Sauf peut-être dans les documents et archives personnelles qui dorment sûrement au fond d'un grenier.
De cette collecte que le mémorial espère fructueuse, une exposition devrait naître, physique puis numérique, afin que "la population locale", mais pas seulement, "prenne conscience de ce qu'il s'est passé ce jour là". Une communion populaire dans le recueillement et le devoir de mémoire, l'ADN même du mémorial des enfants d'Izieu.