Les avantages écologiques des haies bocagères sont innombrables et pourtant elles ont disparu de nos paysages depuis une cinquantaine d'années. Dans l'Ain, le marathon de la biodiversité prend son envol. Ce sont des collectivités qui s'engagent à planter 42 km de haies et à aménager 42 mares.

Dans les années 60, la France comptait 2 millions de kilomètres de haies: 70% ont été détruites, mais aujourd'hui  les initiatives se multiplient notamment dans le département de l'Ain pour retrouver ces barrières naturelles entre les champs, bénéfiques pour l'environnement et la biodiversité. Les avantages écologiques des haies bocagères sont extrêmement nombreuses.

Un terrain militaire se transforme

Dans la plaine de l'Ain à Saint-Maurice-de-Rémens, un ancien terrain militaire, le camp des Fromentaux, commence tout juste une nouvelle vie. Il reste sur place une vingtaine de baraquements aujourd'hui déserts, alignés dans une parfaite ligne droite au milieu des champs. Ici des munitions et des obus militaires étaient stockés loin des activités humaines. Aujourd'hui, une réflexion est en cours avec la communauté de communes de la Plaine de l'Ain, pour transformer ce lieu et en faire, peut-être, un laboratoire écologique: une révolution verte en quelque sorte.

Le site a été choisi pour servir de point de départ d'un marathon original, le marathon de la biodiversité. Il s'agit pour la collectivité de planter 42 km de haies et de restaurer ou recréér 42 mares et points d'eau. Un ojectif très ambitieux, qui a reçu le soutien de la Secrétaire d'Etat chargée de la biodiversité Bérangère Abba: "L'urgence est réelle" nous explique-t-elle. "Tous les enjeux sont imbriqués. Il faut passer au temps de l'action. C'est essentiel pour toutes les richesses environnementales, pour la faune et la flore, et aussi pour redessiner nos paysages et retrouver ces lignes qui ont été dessinées par la main de l'homme, et qui réconcilient ces enjeux environnementaux avec un patrimoine naturel, une agriculture qui bénéficie de ces bienfaits environnementaux." La ministre espère bien retrouver les millions de kilomètres de haies qui ont été détruits en France: "Cette émulation peut permettre d'engager beaucoup plus d'acteurs, des collectivités, des associations."

L'objectif du gouvernement est de replanter 7.000 km de haies d'ici 2022. Le nouveau plan de relance du gouvernement peut permettre à toutes les collectivité de participer à ce marathon de la biodiversité, en finançant les projets.

"Les haies ont beaucoup d'usages"

A Saint-Maurice-de-Rémens, c'est l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse qui finance le projet à hauteur de 460.000 euros. Pour son directeur Laurent Roy, recréer et préserver des corridors écologiques est essentiel: "Les haies ont beaucoup d'usages. Ça sert d'abris à de nombreuses espèces animales et végétales. Ça sert d'éléments de continuité, pour passer d'un milieu à un autre, pour des espèces qui passent d'un endroit où ils vont se nourrir à un endroit où ils vont se reproduire. Ça sert à faire une trame. Et la biodiversité peut servir aussi aux activités humaines, en abritant les auxiliaires de culture, ces espèces comme certains oiseaux qui vont lutter contre des ravageurs de culture ou des insectes. C'est l'un des fondements de l'agro-écologie." Les haies servent aussi de brise-vent pour protéger les cultures, et apportent également de la fraîcheur pendant les canicules.

L'agence prépare actuellement d'autres projets similaires avec des communautés de commune de notre région: d'autres marathons devraient donc avoir lieu prochainement.

"On est dans la 6e extinction de masse"

Le concept de ce marathon pour replanter des haies est né dans le village de Belleville-en-Beaujolais. Le maire Frédéric Pronchery en a eu l'idée il y a quelques années, et a été le premier à viser cet objectif de 42 kilomètres de nature à retrouver. Il a donc passé le relais pour la première fois dans l'Ain: "C'est une course et un défi" nous dit-il. "On est dans la 6e extinction de masse. Ça va bien au-delà du paysage. Il s'agit d'un restauration totale de la biodiversité. Pour nous c'est magique. Je suis vraiment très heureux que d'autres territoires suivent."

"Il y a péril en la demeure"

A Cormoz (Ain), un terrain privé de 20 hectares commence lui aussi, sa "révolution verte", lentement mais sûrement. Damien Cadoux est urbaniste, mais il gère également la propriété agricole de ses grands-parents. Les haies, comme partout, ont disparu ces cinquante dernières années. Il fallait alors faire place au remembrement, "faire propre" comme on disait, comme dans une autre époque...

Son projet individuel est de replanter 2 kilomètres de haies et de bosquets, d'abord pour stabiliser les berges de la petite rivière le Sevron. La première plantation a eu lieu il y a 3 ans. Mais le projet va bien plus loin pour lui, en luttant contre le réchauffement climatique, car la haie, comme les forêts stockent les gaz à effet de serre: "Il y a péril en la demeure" nous explique Damien dans son champ, entre les canards et un martin-pêcheur qui passe à côté de nous."Le remembrement d'hier ne colle pas avec les enjeux actuels du réchauffement climatique. Avec ces haies, j'avais envie de retrouver les fonctions perdues. La haie champêtre permet de filtrer l'eau. C'est un habitat, et un lieu de nourriture pour la biodiversité. Ça peut aussi être du bois de chauffage ou du bois d'oeuvre. C'est le couteau suisse de l'aménagement rural."

Damien se veut optimiste pour réaliser ce genre de projets, "à partir du moment où toutes les énergies réussissent à se combiner. Il faut faire preuve de pédagogie, mais en matière de financement, on commence à avoir un vrai soutien." Le projet de 60.000 euros  a été financé à 80% par le Département de l'Ain. Un complément a été apporté par la société Reforestaction, une entreprise spécialisée qui a déjà planté plus de 10 millions d'arbres dans le monde.

Un équilibre

A Pizay (Ain), une haie nous accueille du haut de ses 50 ans. Ici, c'est une succession de grands arbres, et d'arbustes plus modestes. Une harmonie parfaite pour la biodiversité: il y a ceux qui mangent en haut, et ceux qui nichent en bas. Chaque espèce trouve ici un équilibre. Même les reptiles ou les amphibiens trouvent de quoi manger ou cohabiter dans ces espaces.

Pour Alexandre Roux, Chargé de mission biodiversité à la Ligue de Protection des Oiseaux: "Une haie comme celle-ci fait le lien entre des espaces boisés qui sont distants les uns des autres, et séparés par des terres agricoles. On va donc avoir un corridor écologique. Comme nous qui utilisons des routes, les animaux vont utiliser les haies."

Malgré l'ambition du gouvernement de replanter 7.000 km d'ici un an, le pays perd toujours chaque année 8.500 km de haies. Et il faut une trentaine d'années pour que la haie rende le maximum de services écologiques.

 

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