Les "post-Covid" ont frôlé la mort. Après la réanimation, ils doivent entamer une rééducation. Ces rescapés ont perdu du souffle, de la masse musculaire, et sont victimes de troubles psychologiques voire de complications neurologiques. Dans l'Ain, le Centre hospitalier d'Hauteville les accueille.
"On réapprend tout, c'est extraordinaire", commente Michel dans une respiration. A ses côtés, la kiné sourit, et le remet à l'ouvrage. "Inspirez, gonflez le ventre... C'est une respiration diaphragmatique, elle détend", explique Marie Baclin.
C'est le propre des malades qui passent beaucoup de temps en réanimation, et particulièrement les "Covid", leur souffle est désordonné, il doivent réapprendre à respirer. Les machines l'ont fait à leur place durant plusieurs semaines. Pour Michel, la période en réanimation aura duré 27 jours !
La séance ne dure que quelques minutes, toujours sous oxygène, un oxymètre au doigt pour mesurer justement la quantité d'oxygène dans le sang.
Le patient est âgé de 63 ans. "C'est un fléau", lance Michel en parlant de "son" virus. Moi, j'ai eu affaire à un incidieux. Peu à peu vous êtes fatigué, et après il passe à l'attaque. Je pense qu'à un ou deux jours près, j'y restais. Et Chambéry m'a sauvé." Les larmes viennent aux yeux du Savoyard qui est d'abord passé par l'hôpital de Bourg-Saint-Maurice, avant d'atterrir en réa dans l'agglomération chambérienne.
"Ma mère m'a raconté qu'à 20 heures les gens applaudissent pour les soignants, c'est vraiment mérité. Je leur dois tout", évoque Michel, la gorge serrée.
L'expérience des pathologies respiratoires
Le Centre hospitalier d'Hauteville est l'héritier d'un passé dédié aux pathologies respiratoires, de ces sanatoriums ouverts au début du XXe siècle pour contrer la tuberculose. On traite encore la maladie infectieuse entre ces murs, mais le centre a élargi son activité aux soins de suite, notamment à la rééducation gériatrique.Avec le Covid-19, Hauteville retrouve une place cruciale dans la prise en charge des malades diminués par le virus.
C'est la cas d'Hervé, 53 ans. Le Jurassien a perdu une dizaine de kilos entre le 23 mars, -date d'entrée en réanimation-, et le 12 avril, jour où il a été extubé. "Je reviens de loin", sourit-il.
Plutôt jeune, sportif, sans antécédent... sur le papier, Hervé n'a pas le profil des victimes du Covid, telles qu'on les décrit d'habitude.
"On en apprend tous les jours sur cette maladie. On pourrait même dire que plus on avance, plus on a l'impression d'en savoir moins sur le Covid. C'est comme une équation à plusieurs inconnues", justifie Christine Pointet, la directrice déléguée de l'établissement d'Hauteville.
Hervé a déjà passé 2 semaines ici, si tout va bien il pourra sortir dans quelques jours. Dans sa chambre, la psychologue est optimiste. "Il n'a pas l'air d'avoir de souvenirs traumatiques", confirme Viviane Crevoisier. Car c'est souvent le risque après une longue période de coma.
"Quand la personne réémerge, elle a besoin de retrouver des repères dans le réel et de comprendre des images qui ont pu l'habiter pendant le coma, parfois extrêmement fortes voire traumatisantes. Ce n'est pas spécialement lié au Covid, c'est le syndrome post-réanimation", détaille la psychothérapeute.
Certains malades développent toutefois une culpabilité, la peur d'avoir pu contaminer leurs proches. L'épouse et les enfants d'Hervé vont bien.
"J'ai pas été secoué par la réanimation (21 jours), j'ai pas eu de visions comme certains. J'ai plutôt été perturbé par le réveil. On est branché de partout, on se demande un peu ce qu'on fait là, qui on est même", se souvient Hervé.
La volonté de s'en sortir
Aujourd'hui, ce patient se consacre entièrement à sa rééducation physique. Les exercices sont simples, courts, avec des périodes de récupération importantes. Ils se font sous oxygène. "On va peu à peu le sevrer", précise Laurent Porché, enseignant en activité physique adaptée, qui veille au respect des étapes. L'essouflement est encore présent. Il faudra des semaines, voire des mois avant de le gommer totalement.
Sur un vélo d'appartement, Hervé observe ses progrès. "Il y a 10 jours, j'étais incapable de faire ça", raconte-t-il. Il roule désormais vers la sortie. "Il me reste quelques mètres..."
La petite séance de montées et de descentes des escaliers, assistée de la kiné, prouve qu'il lui faudra encore retrouver des muscles, avant de recouvrer une vie normale.
Point commun entre tous ces malades : l'obstination, la volonté de s'en sortir. "Il faut parfois les freiner", explique un soignant avant de frapper à la porte de René, 67 ans.
L'homme est très combatif. Il vient d'arriver au centre, il est en période d'évaluation avant d'établir un programme de rééducation. Le sexagénaire marchait avec un déambulateur il y a encore quelques jours. "Je redémarre. J'aurai pu ne pas redémarrer", fait remarquer, en riant, cet Aindinois, hospitalisé durant plus d'un mois à Bourg-en-Bresse.
"On essaie d'occulter. On tire le rideau. Ce qui est derrière, est derrière, et puis, ma foi, on continue !", témoigne René, particulièrement volontaire.
Reportage Franck Grassaud, Béatrice Tardy & Philippe Gagnaire