Cette jeune fille a la république chevillée au corps. Déjà maire-adjointe au conseil municipal des enfants à Oyonnax, elle a rejoint le groupe des porte-drapeaux de l'Ain.
Quand arrive le 11 novembre, la commémoration de l'Armistice de 1918, c'est une question qui prend tout son sens : comment renouveler les porte-drapeaux qui disparaissent peu à peu ? Des associations mémorielles et des professeurs d'histoire du département de l'Ain travaillent au recrutement de la relève, pour que les cérémonies se poursuivent dans la tradition. Une journée de transmission a notamment eu lieu fin octobre.
Fafany, par amour de la république
Fafany Ayache n'a que 16 ans. Cette élève en classe de première appartient à cette relève. Nous l'avons croisée le 22 octobre dernier, devant le monument aux morts de Péronnas (Ain), à l'occasion de la journée départementale des porte-drapeaux. Il y avait là de nombreuses têtes blanches mais de jeunes visages se détachaient. "C'est la première fois que je suis porte-drapeau. J'ai observé beaucoup. C'est agréable d'être auprès des anciens combattants", raconte l'adolescente, visiblement touchée.
Porter ce drapeau est très émouvant pour moi. Je me rappelle de ce qui s'est passé et ça me réchauffe le cœur de rendre hommage à ces personnes.
Elle porte fièrement la bannière des déportés. Un symbole fort. C'est un objet fragile qu'elle manipule et déplie avec beaucoup de délicatesse. Des gestes révélateurs du respect qu'il lui inspire.
Une jeune "citoyenne" déjà très active
Tout a commencé en cours d'enseignement moral et civique. Lorsqu'elle a eu connaissance de la création d'un groupe de porte-drapeaux volontaires, elle a choisi d'y participer par "amour de la république et pour renforcer son esprit patriotique". Mais son implication dans la société ne date pas de ce moment.
La maman de Fafany est arrivée de Tunisie "pour avoir des droits en tant que femme et réaliser ses projets". A Oyonnax, cette professeur de math a créé l'association "Grandir ensemble avec ses différences" que Fafany a rejoint très jeune. Très impliquée dans la vie associative et maire-adjointe au conseil municipal des enfants dès ses 9 ans, cette toute jeune "citoyenne" lutte à sa manière contre l'oubli. "Plus je grandis et plus j'ai envie de m'investir." Elle ne compte pas s'arrêter là, et prépare une mobilisation pour inciter ses camarades à devenir porte-drapeaux volontaires dans les années à venir.
Les jeunes répondent présents
Jean-Robert Maisonnave est professeur d'histoire à Oyonnax. Il a joué les intermédiaires entre les associations mémorielles et les jeunes pour trouver des porte-drapeaux.
Les jeunes ont envie de s'engager. Ce qui leur manque, ce sont les occasions. Nous leur avons offert une occasion.
Il avoue avoir été surpris par l'engouement, et par la présence de nombreuses filles. "Il y a une vraie fierté et une envie de partager avec les anciens, de partager cette mémoire avec une vraie peur qu'elle s'éteigne et de revivre des guerres majeures. Il y a une envie de porter une mémoire pour maintenir une paix durable."
Le professeur ne cache pas son émotion. "Ces jeunes porte-drapeaux sont des héritiers d'un bout d'histoire, d'une histoire qui les dépasse largement, mais ils veulent être des transmetteurs. Je trouve ça beau."
*A Oyonnax, la mémoire des combats passés reste intense. Les commémorations sont particulièrement suivies. La ville est médaillée de la Résistance, elle porte le souvenir du défilé du 11 novembre 1943, ce jour où des maquisards de l'Ain et du Haut-Jura avaient organisé un défilé en pleine occupation allemande.
Une BD racontant l’épopée, vient d’être éditée par les Amis du Musée de la Résistance de Nantua : « Oyonnax, Ils ont osé ».