Le 21 juillet 1944, le village de Dortan dans l'Ain a connu le même sort terrible qu'Oradour sur Glane quelques semaines plus tôt. Les troupes allemandes ont tué 35 habitants et brûlé le village. 80 ans après, les rescapés du massacre, qui étaient alors enfants, se souviennent de l'horreur qu'ils ont vécue.
A Dortan, petit village aux confins de l'Ain et du Jura, ce 21 juillet 2024 est un jour de souvenir. Des souvenirs terribles qui remontent à 80 ans jour pour jour. Le 21 juillet 1944, les divisions allemandes qui remontaient vers le nord ont brûlé la quasi totalité des habitations du village, après avoir semé la terreur et la mort dans la population pendant plusieurs jours.
Aujourd'hui devant la mairie reconstruite après la guerre, les photos jaunies de ce jour de cauchemar sont exposées sur de grands panneaux. Parmi les habitants réunis pour commémorer la tragédie, nombreux sont ceux qui se souviennent, même s'ils étaient alors de très jeunes enfants.
Devant les photos des maisons détruites, Huguette, qui n'avait que 2 ans, est néanmoins très émue. "Ces images réveillent les souvenirs de mes parents. On s'était cachés dans les bois mais ma mère a été hantée toute sa vie par les hurlements des maquisards exécutés au château de Dortan par les Allemands. Elle ne s'en est jamais vraiment remise".
35 personnes, dont des résistants et le curé de Dortan, ont été tuées au cours des dix jours où les troupes allemandes ont occupé le village.
Mireille avait 4 ans en juillet 44. "J'étais en vacances chez mes grands-parents qui avaient une maison à Dortan. Quand les troupes allemandes sont arrivées, nous nous sommes enfuis à Maissiat, tout près d'ici. Mais nous avons été pris en otages et enfermés pendant une dizaine de jours dans une grange. Lorsque les Allemands sont partis, le village brûlait mais je me souviens que les habitants de Dortan étaient soulagés d'être encore en vie".
Lucette a aujourd'hui 93 ans. Cette pimpante vieille dame, l'oeil bleu pétillant et la démarche alerte, avait 13 ans en cet été 44. "A cette époque-là, à 13 ans, on était déjà presque adulte. Je me souviens très bien quand les Allemands sont arrivés. Ils nous ont fait sortir des maisons, ils les ont fouillées à la recherche de "terroristes", comme ils disaient..."
Lucette aussi a fait partie des otages de la grange de Maissiat. La peur n'y était jamais absente. "Un jour, ils nous ont menacé de nous fusiller parce que deux personnes manquaient à l'appel."
Quant au 21 juillet, elle n'a rien oublié de l'incendie du village. "Je me souviens des crépitements des flammes, des explosions, de l'odeur de brûlé... Quand vous voyez les maisons qui s'embrasent une à une, je peux vous dire que ce n'est pas drôle..." souligne-t-elle avec pudeur.
Le 21 juillet 44, on a regardé Dortan brûler. Si le village brûlait, ça voulait dire que les Allemands partaient...
Lucette, 13 ans en juillet 44
Ces souvenirs terribles, Lucette a vécu avec toute sa vie. Et elle a gardé longtemps une peur tenace des avions. Comme ceux qui survolaient le village cet été-là, menaces de mort dans le ciel...