Le château de la Cour, un joyau de la Sologne Bourbonnaise, retrouve sa splendeur grâce à Laurent Poirier, un passionné déterminé à préserver ce patrimoine historique.
Article publié le 03/04/2024
Des prairies bocagères, des forêts, des étangs et des châteaux. C’est le paysage typique de la Sologne Bourbonnaise, autour de Moulins, au nord-ouest du département de l’Allier. Sur ces terres argileuses, beaucoup de constructions sont en briques, comme le château de la Cour.
Cet édifice du XVᵉ siècle est la propriété depuis une dizaine d’années d’un jeune châtelain féru d’archéologie et d’Histoire, Laurent Poirier : « J’ai été vraiment séduit par cette architecture originale, en briques polychromes, très particulières à la région de Moulins… C’est un coup de cœur. On a attaqué tout de suite les travaux pour enlever le lierre et la végétation qui commençaient à grimper sur le château. Il n’avait pas du tout l’aspect qu’il a aujourd’hui. L’étape suivante a été de le sécuriser, sécuriser les toitures surtout. Ce n’était pas dans un état de péril absolu, mais les toitures commençaient à fuir, par-ci, par-là. Ici, il y a 2 500 m² de toiture, neuf tours, des lucarnes, des jonctions, toutes les complexités possibles en couverture. C’est 30 à 50 000 euros qu’il faut mettre par an dans l’entretien et les travaux de réparation. »
Prendre soin du château comme d'un patient
Ici, même dans le jardin, chaque pierre raconte une histoire, que transmet le châtelain : « Il y a au centre un élément assez original, une vasque en pierre de Volvic qui date vraisemblablement du XVIᵉ siècle. Il est probable, même si ce n’est pas attesté, que ce soit un des éléments de la fontaine d’Anne de France au palais des Ducs de Bourbon à Moulins. La cour royale était à Moulins, qui était capitale de la France pendant un temps. »
Laurent Poirier raconte : « La dernière grosse opération de restauration attestée par des photos de la fin du XIXᵉ siècle était un gros remaniement, avec ajout de tuiles modernes ». Le château est classé pour ses extérieurs, façades et toitures. Ici, pas de travaux sans l’avis d’un architecte du patrimoine. Laurent Poirier ajoute : « Comme un médecin de famille, il suit son patient d’année en année. Ça fait déjà cinq ans qu’on travaille ensemble sur le diagnostic sanitaire du château, les levées de plans pour établir un programme d’intervention. Je pense qu’on sera amenés à travailler ensemble 15, 20, 30 ou peut-être même 40 ans ! »
Restaurer tout le domaine
Des motifs polychromes ornent les murs, une particularité locale selon Timothée Godron, architecte du patrimoine : « Cela vient de la cuisson. Ce n’est pas forcément qu’une température de cuisson, c’est une atmosphère de cuisson qui rend certaines briques noires. On a utilisé les proportions de briques orange et noires qu’on avait pour créer des motifs, des chevrons, des losanges… Cela permet de créer quelque chose d’esthétique, mais aussi de différencier les périodes de construction. »
Direction le gros chantier du moment : le grenier, où était stockée la production des terres agricoles du domaine. Laurent Poirier explique : « Les petites lattes qui retiennent les tuiles sont complètement pourries, les tuiles glissent les unes après les autres. Bientôt, il va pleuvoir dans le bâtiment. » Ici le projet n’est pas une simple restauration, mais une restitution, pour rendre au grenier son aspect d’antan. « On avait une galerie ouverte sur poteaux. L’idée est de la restituer avec ce rythme régulier de poteaux et de retrouver son homogénéité architecturale avec l’ensemble de la cour du château », indique-t-il.
Devenir le "gardien" du patrimoine
Pour trouver comment réparer le château, point de tutoriel, mais d’anciens ouvrages encyclopédiques dont se sert le châtelain. « J’ai un moule pour les tuiles gironnées qui ont une forme trapézoïdale, des tuiles spéciales pour les tours. On retrouve, sur les gravures, les mêmes gabarits. » Quelque 300 000 euros, c’est l’estimation du coût des travaux de restitution du grenier à grain. Pour espérer l’aide de l’État, et des collectivités locales, de longues heures devant l’ordinateur sont nécessaires. « Tout compris, dans le meilleur des mondes, comme le monument est classé, les subventions peuvent monter à 75 ou 80% », espère le châtelain.
Après l’extérieur, il y a l’intérieur. Un château est un chantier perpétuel. « Souvent, je dis que je ne suis pas vraiment le propriétaire. Je suis le gardien, le conservateur pendant une période, peut-être une cinquantaine d’années. C’est notre responsabilité en tant que propriétaire de garder et de transmettre ce patrimoine exceptionnel », se félicite Laurent Poirier. De petits arbres ont été plantés pour restituer une ancienne futaie aux pieds du château. Pour l’agrément, mais aussi pour servir un jour à restaurer le château.