Elsa a quitté le monde des soirées parisiennes pour une panoplie d’apprentie paléontologue, près de Vichy. Un changement de vie radical qu’elle ne regrette pour rien au monde.
Un changement de vie total. Adieu boules à facettes et autres pistes de danse parisiennes. Après 10 ans passés dans l’événementiel, Elsa McCallister a vu son quotidien bouleversé. L’épidémie de COVID est passée par là. La jeune femme de 34 ans vit désormais à Gannat, près de Vichy, dans l’Allier et travaille pour une entreprise de paléontologie dirigée par François Escuillié. Elsa raconte : « Cela va faire à peu près 10 ans que j’étais sur Paris. Je travaillais dans le monde de la nuit, comme au Bus Palladium ou au Badaboum. J’organisais des soirées, je programmais des DJ en tant que directrice artistique. Cela faisait quelques temps que je voulais revenir à quelque chose de plus manuel. La pandémie de COVID est arrivée. Ca a été génial car c’était exactement la coupure qu’il me fallait. Je suis revenue en Auvergne et François Escuillié m’a proposé de passer au labo pour voir comment ça se passe. Quand il m’a dit ça, j’étais comme une petite fille qui allait ouvrir ses cadeaux de Noël. J’y suis passée et depuis j’y suis tous les jours, même les week-ends ».
Un travail de restauration
Elle poursuit : « J’ai commencé à travailler à Gannat en avril 2020. François m’a dit de procéder à des restaurations mais il ne donne aucune indication ! J’ai essayé de commencer à travailler avec tous les matériaux qui sont ici, comme les résines, les pâtes. J’ai commencé à faire de la restauration sur des dinosaures. C’est beaucoup de sculpture, de peinture. Il y a beaucoup de lecture à faire, de logique, d’interprétations à faire ».
"C’est un rêve qui se réalise"
Elsa n’en revient toujours pas de voir son rêve de petite fille se réaliser : « Ce qui me plaît le plus est d’apprendre des choses tous les jours. J’ai vraiment eu l’impression de retourner à l’école en venant travailler ici. Je suis en indépendante et François m’a laissé un coin du labo et j’ai même pu y mettre mon atelier pour travailler mon art. Je découvre des choses tous les jours, des spécimens. C’est incroyable. Il y a beaucoup de théories différentes en paléontologie avec des débats sans fin. J’aime aussi voyager. Je rencontre des gens hyper intéressants dans le monde entier. Je n’aurais jamais pu imaginer vivre ça un jour. C’est un rêve qui se réalise. Je ne suis pas salariée, je travaille en auto-entrepreneur. Je tiens à ma liberté. Même si je consacre la plupart de mon temps à la paléontologie, je veux continuer à être artiste et à faire des expositions ».
Jurassic Park vu à six ans
Elsa est fière du chemin accompli, elle qui avait fait au départ un IUP de management communication marketing et validé un diplôme de manager artistique : « C’était un rêve, je voulais vraiment devenir paléontologue. Je n’aurais jamais pensé que c’était quelque chose de possible. Je n’ai pas la prétention de dire que je vais devenir paléontologue car ce sont des années d’études. Je fais ce que je peux. C’est incroyable de se dire que j’ai la chance de pouvoir évoluer dans cet univers-là ». Ce rêve de devenir paléontologue, la jeune femme le caresse depuis longtemps : « J’avais six ans quand mon père m’a emmenée voir Jurassic Park. J’ai dû faire des cauchemars pendant deux semaines. J’étais très fan des dinosaures, je faisais des maquettes, je connaissais tous les noms des dinosaures. Le jour où j’ai rencontré François Escuillié c’était incroyable. J’avais le vrai John Hammond qui était là ».
"J’ai encore beaucoup de choses à apprendre"
Malgré son parcours atypique, Elsa n’a pas à rougir : « Je ne suis entourée que par des professionnels, des personnes qui ont fait des études de géologie, de biologie. J’essaie de rattraper mon retard comme je peux. Au tout début, mon responsable m’a donné des piles de bouquins à lire. J’ai encore beaucoup de choses à apprendre mais je me donne à fond. J’ai aussi appris que je pouvais passer des diplômes en ligne avec une université à Alberta, aux USA. C’est ma prochaine mission. La paléontologie est un milieu d’hommes. Mais je n’ai pas senti de misogynie. Au contraire, les gens sont vraiment super sympas. Ils sont disponibles pour me répondre quand j’ai des questions. Je vais avec ce que je peux et j’apprends au fur et à mesure ».
"Son regard curieux sur notre activité m’a interpellé"
C’est François Escuillié qui a accueilli Elsa à Gannat. Il explique : « L’entreprise Eldonia compte 7 salariés et a été créée en 2002 quand j’ai quitté l’association Rhinopolis que j’avais fondée en 1994 et qui est à l’origine du parc Paléopolis. Mon activité est basée sur la paléontologie, c’est-à-dire l’étude des vies anciennes. A travers les fossiles qu’on va trouver, soit à Gannat, soit ailleurs dans la monde entier, on va aller fouiller, préparer, dégager et reconstituer tout un tas d’animaux disparus. Cela va des petites ammonites jusqu’à des squelettes de dinosaures. C’est une activité de moulage et de reproduction car les fossiles sont rares. Il est intéressant de les cloner pour les diffuser ». Le paléontologue raconte comment il a connu Elsa : « Je connais Elsa depuis qu’elle est petite. Je suis ami avec son père. Il y avait depuis longtemps une petite fille qui me regardait avec de grands yeux émerveillés, inspirée par Jurassic Park. On a toujours été en contact. Son regard curieux sur notre activité m’a interpellé. Grâce à l’épidémie de COVID, elle a atterri à Gannat ».
"On a besoin de plasticiens"
François Escuillié souligne comment Elsa a intégré Eldonia : « Dans notre activité, nous avons besoin de restaurer. Quand on trouve un fossile, il est rarement entier. Il peut y avoir des éléments qui disparaissent avant qu’il soit fossilisé. L’érosion peut aussi s’attaquer à des éléments. On a alors un puzzle avec des parties manquantes. On a besoin de plasticiens. Elsa nous a aidés à reconstituer des os qui manquaient, à faire des teintes pour les restaurations. Elle apporte son regard d’artiste ». Selon lui, les diplômes ne font pas tout : « On est dans un pays latin où on aime bien les cursus universitaires et les diplômes. Dans les pays anglo-saxons on encourage plus les autodidactes. J’ai fait des études de biologie, de géologie, de paléontologie. J’ai trouvé un rhinocéros à Gannat. J’ai tout quitté pour l’Allier et l’association Rhinopolis. Ce n’est pas parce que j’ai suivi un cursus universitaire que je ne vais favoriser que les gens qui ont fait des études. Il faut un mix dans la société, il faut un peu de tout. Ce qu’il faut avant tout c’est un esprit de curiosité pour comprendre le monde qui nous entoure. Là-dessus, les diplômes ne sont pas une nécessité pour comprendre le monde. Il y a aussi une transmission de ce que j’ai accumulé ».
Un travail remarqué
Il apprécie le travail de sa collaboratrice : « Je suis très satisfait du travail d’Elsa. En ce moment, elle travaille sur la restauration d’un squelette de Dimetrodon. La curiosité est son point fort, ainsi que son énergie ». Elsa explique sa mission actuelle : « Là je travaille sur un Dimetrodon. Ca a 280 millions d’années et c’est encore plus vieux que les dinosaures. Cela se rapproche plus des mammifères que des dinosaures. Cela ressemble à une espèce de bouledogue avec une crête. Je suis en train de le restaurer. Toutes les parties des os qui manquaient, je dois les recréer ». Elle met sa fibre artistique au service de la restauration : « Je suis née avec des pinceaux aux mains. Mon père est artiste-peintre. Quand j’étais plus jeune, je m’amusais à reproduire ce que je voyais. Tout cela me sert beaucoup maintenant. Quand on voit toute la continuité d’un os, il faut réussir à les reproduire. Pour le coup, c’est assez facile pour moi ».
Des robes de soirée au bleu de travail
La trentenaire parvient à se projeter : « La plupart des paléontologues que je connais ont d’abord fait des études de biologie, de géologie. Ils le sont devenus grâce à leurs connaissances sur le tas. Tout est possible pour moi. Je pense continuer comme ça. J’espère voyager au maximum, continuer à faire mes expositions. J’essaie de lier la paléontologie et le côté artistique. Je fais des œuvres plus colorées, plus lumineuses, en incluant des morceaux de vrais fossiles ». Elsa s’amuse elle-même du bouleversement radical qu’elle a connu : « Le changement est un choc. Je passe d’un milieu où il y a de la musique à fond, des gens partout, des robes de soirée, du maquillage et des perruques à un quotidien en bleu de travail, un bonnet pour ne pas avoir trop de poussière dans les cheveux et il n’y a personne autour de moi. La plupart du temps je suis toute seule ». Elle ne reviendrait pas pour autant sur sa décision : « J’arrive de temps en temps à retourner à Paris pour voir mes amis. Mais je sais que le choix que j’ai fait est un sacrifice, car je n’ai plus aucune vie sociale. Tout ce que je fais là n’a pas de prix. Intellectuellement parlant c’est incroyable. C’est un vrai bonheur. Je ne regrette pas du tout. J’aime aussi voyager et rencontrer plein de gens ». Elsa espère garder longtemps son bleu de travail, tout en essayant de développer son activité artistique. L’apprentie paléontologue est des plus motivées.