Avocat, notaire, responsable de pompes funèbres ou directeur de maison de retraite : un réseau de notable a été condamné par le tribunal de Cusset (Allier) pour avoir détourné l’héritage de personnes isolées décédées. Le principal accusé, ancien notaire, a été condamné à 4 ans de prison ferme.
Lundi 27 mars, 9 notables comparaissaient devant le tribunal de Cusset (Allier), accusés d’avoir détourné des héritages de personnes âgées isolées. Les neuf prévenus étaient notamment poursuivis pour "escroquerie en bande organisée".
Le tribunal a rendu son jugement ce jeudi 8 juin : le principal accusé, Jean-Louis Magnin, ancien notaire déchu de ses droits d’exercice, a écopé de 4 ans de prison ferme avec mandat de dépôt à effet différé, d’une amende de 375 000 euros et de l’interdiction de gérer pendant 10 ans. Le généalogiste a été condamné à 2 ans de prison avec sursis et 30 000 euros d’amende. L'employé de pompes funèbres a été condamné à 6 mois avec sursis et 10 000 euros d’amende. Le directeur d'EHPAD a écopé de 18 mois avec sursis et 30 000 euros d’amende. Le notaire a lui été condamné à 2 ans de prison avec sursis et 70 000 euros d’amende. L’avocat impliqué est condamné à 10 mois de prison avec sursis. L'autre peine concerne un chef d'entreprise condamné à huit mois avec sursis et 15 000 euros d'amende. Deux femmes ont été relaxées, les faits qui leur étaient reprochés étant prescrits.
Le tribunal, qui a considéré qu'une partie des détournements étaient prescrits, n'a pas retenu les faits d'escroquerie en bande organisée et d'association de malfaiteurs, se prononçant seulement sur des faits d'escroquerie simple.Lors des débats, la plupart des prévenus avaient tenté de se dédouaner, M. Magnin niant avec aplomb tous les faits qui lui étaient reprochés. Me Dominique Lardans, avocat des parties civiles qui représente les intérêts de l'Etat, a évoqué "une décision acceptable".
"Faux et usage de faux"
L'affaire commence en 2015 après la mort à Servilly (Allier) d'un retraité vivant seul depuis la mort de son épouse, sans famille ni proches connus. Un huissier de justice désigné pour procéder à l'inventaire de ses biens avait alors retrouvé un testament dans lequel les époux se léguaient réciproquement leurs propriétés. Mais quelques semaines plus tard, un notaire de Saône-et-Loire, Me Alain Cauvel, attestait qu'un autre testament avait été confié par le défunt à un avocat parisien, Me Georges-Henri Laudran, désignant une légataire libanaise. Face aux doutes formulés par l'huissier sur l'écriture du testament et l'identité de son auteur, une information judiciaire avait été ouverte pour "faux et usage de faux".
L'enquête, qui a duré plusieurs années, a révélé une dizaine d'autres cas de décès assortis de de détournements de biens entre 2011 et 2015. Cette enquête a surtout permis d'identifier le personnage central et cerveau de l'affaire : Jean-Louis Magnin, 67 ans, un ancien notaire parisien destitué. L'homme avait fondé une société "Direct skyline" qui lui permettait, via un "fichier deuil" de recenser les titulaires de contrats obsèques, avec l'aide d'un généalogiste. "Il organise le détournement des successions en produisant un faux testament olographe dès qu'il est informé d'un décès et de l'absence d'héritiers réservataires", souligne l'ordonnance de renvoi consultée par l'AFP.
Chevaux de course
Les faux testaments désignaient M. Magnin ou ses proches comme légataires universels. L'une des successions comprenait 60 biens distincts, des contrats d'assurance-vie et des produits bancaires à hauteur de 1,1 million d'euros. Les biens immobiliers ainsi détournés étaient revendus "à vil prix" aux proches du patron de "Direct skyline" ou aux membres de sa famille. Le montant total des détournements a été évalué à 5,6 millions d'euros dont 4,7 millions au seul profit de l'ancien notaire, propriétaire de plusieurs biens immobiliers situés dans différentes communes ou arrondissements, mais aussi de chevaux de course et de voitures de luxe.
En même temps, le notable avait affirmé à de nombreuses reprises avoir des problèmes financiers, selon les déclarations des autres prévenus en garde à vue. "Il apparaît que Jean-Louis Magnin est bien l'instigateur et le dénominateur commun de tous les détournements de successions", selon l'ordonnance de renvoi.
- Avec AFP