S'achemine-t-on vers le dénouement d'une affaire vieille de plus de 25 ans ? Ce jeudi 30 juin, la veuve de l'homme retrouvé décapité près de Vichy, un soir de Noël 1995, a été mise en examen pour meurtre et placée en détention provisoire.
Plus de 25 ans après, le meurtre de Christophe Doire, un jeune chasseur de 28 ans retrouvé décapité à Busset, près de Vichy, va-t-il enfin être élucidé ? Le procureur de la République de Cusset Eric Neveu a annoncé ce jeudi 30 juin lors d'une conférence de presse le placement en détention provisoire de la veuve de la victime, soupçonnée d'être impliquée dans la mort du jeune homme. La suspecte, âgée de 55 ans, était en garde à vue depuis mercredi. Le procureur évoque des "indices graves et concordants mettant en évidence sa participation au meurtre" de Christophe Doire. Lors de sa garde à vue, elle a, selon le procureur, fait preuve "d'incohérence" et a "nié les évidences", notamment en ce qui concerne sa relation conflictuelle avec son mari. Elle a donc été déférée en milieu d'après-midi et mise en examen pour meurtre. Les investigations se poursuivent et le procureur indique que d'autres personnes pourraient être interpellées dans le cadre de cette enquête.
Le détail de l'affaire
Le procureur Eric Neveu explique : « Le 16 décembre 1995, Christophe Doire, âgé de 28 ans, employé dans une entreprise d’agroalimentaire vichyssoise et connu comme un passionné de chasse, commence sa journée à la chasse avec pour souci principal de retrouver sa chienne Flora qui avait disparu. Il quitta sa mère vers 17h30 par la suite pour regagner son domicile où un heurt éclata, consécutif à la chute d’un sèche-cheveux en fonctionnement dans une baignoire remplie d’eau alors que Christophe Doire s’y trouvait. Il quitte son domicile vers 20h30 sans avoir mangé pour se rendre au domicile de son frère Olivier. Il passe la soirée à regarder la télévision en compagnie d’amis et quitte le domicile de son frère dans l’intention de regagner son domicile vers 23h30, départ confirmé par les voisins. »
Retrouvez l'intégralité de la conférence de presse du procureur ici :
La disparition du chasseur
C’est alors que survient la disparition du chasseur, selon le procureur : « Il avait l’intention de se rendre à la chasse le lendemain. Le 18 décembre 1995, 48 heures après, alors que des chasseurs s’inquiétaient depuis la veille de ne pas le voir, son épouse signale la découverte par la mère de Christophe Doire de son véhicule en stationnement dans un parking de Cusset. » Le véhicule n’était pas fermé, l’autoradio fonctionnait et on a retrouvé son fusil de chasse à l’arrière. L’épouse indique, deux jours plus tard, avoir trouvé les vêtements de Christophe dans le grenier, à l’endroit du linge sale. Un témoin verra ces mêmes vêtements fraîchement lavés et étendus 2 jours plus tard. C’est ensuite le véhicule de Christophe qui disparaît à son tour alors qu’il était resté garé devant le domicile du couple depuis 4 jours. Il sera ensuite retrouvé carbonisé à Randan, dans le Puy-de-Dôme.
De "longues investigations"
Ce sont finalement deux chasseurs qui découvrent le corps, dans un fossé en rase campagne le soir de Noël. Le signalement et les documents retrouvés sur la victime permettent de l’identifier : il s’agit bien de Christophe Doire. Les techniciens d’investigation criminelle procèdent aux constatations habituelles. L’autopsie pratiquée désigne une importante hémorragie comme cause de la mort. Eric Neveu indique : « Selon le médecin légiste, la décapitation avait dû être commise à l’aide d’un outil de boucherie ou de chasse ayant permis une section nette des vertèbres cervicales. » En dépit de « longues investigations », une ordonnance de non-lieu est rendue le 23 mars 2000.
Une équipe d'enquêteurs mobilisée
En mai 2020, une nouvelle lecture du dossier par le parquet débouche sur nouvelle enquête préliminaire. « Une équipe pluridisciplinaire composée d’enquêteurs, d’un coordinateur criminalistique, d’analystes comportementaux et d’analystes criminels a procédé à une minutieuse analyse du dossier » dans le plus grand secret, indique Eric Neveu. L’épouse, la famille, le milieu des chasseurs, tout l’entourage de Christophe Doire a été passé au peigne fin. En novembre 2021, de nouveaux éléments conduisent à la cosaisine de 2 juges d'instruction au pôle criminel du tribunal judiciaire de Cusset, du chef de meurtre.
L'épouse mise en examen
Au total, ce sont 9 enquêteurs de la section de recherche de Clermont-Ferrand, 2 enquêteurs du groupement de gendarmerie départementale de l’Allier, un enquêteur du service central de renseignement criminel et 3 enquêteurs du département des sciences du comportement du pôle judiciaire de la gendarmerie nationale qui se sont investis à temps plein sur ce dossier. Des analyses ADN ont été réalisées, plusieurs personnes prélevées et des dizaines de personnes auditionnées. Des « déclarations versatiles », des « éléments probants retrouvés à son domicile », un « manque d’explications crédibles » et un « déni » ont conduit à la mise en examen de la veuve. Elle encourt une peine de 30 ans de réclusion criminelle. L'épouse n'avait, jusqu'alors, jamais été mise en cause.
Une exhumation ordonnée
Le procureur de la République de Cusset avait commencé à communiquer sur l'affaire en avril dernier : « De nouvelles investigations diligentées du chef d’homicide volontaire depuis mai 2020 par le procureur de la République de Cusset viennent de donner lieu à l’ouverture d’une nouvelle information judiciaire au pôle criminel de l’Allier. Dans ce cadre d’enquête, les deux juges d’instruction du tribunal judiciaire de Cusset saisis viennent ce jour de faire procéder à l’exhumation du corps de la victime ». Les enquêteurs espéraient ainsi que cette exhumation leur permettrait d’en savoir plus sur ce mystérieux décès.
L'enquête avait ensuite été menée dans la discrétion jusqu'au mercredi 29 juin où un nouveau rebondissement a été rendu public. Eric Neveu avait fait savoir qu’une garde à vue était en cours depuis la veille « dans le cadre de l’information judiciaire diligentée d’homicide volontaire suite à la découverte, le 25 décembre 1995, du corps décapité de Christophe Doire, sur la commune de Busset (03) ». Il n'avait alors pas dévoilé l’identité de la personne en garde à vue.