À la frontière entre Ardèche et Drôme, des défenseurs de la nature, opposés au projet de création d'une déviation à Saint-Péray, se sont installés sur le tracé. Ils se relaient pour dormir dans les arbres depuis plusieurs semaines pour entraver l'achèvement de la construction de cette route.
Ils veulent défendre la diversité biologique et naturelle de la plaine de Saint-Péray, en bordure du Rhône, à l'ouest de Valence. Des militants écologistes sont vent debout contre la construction d'une déviation, la RD 86, sur le territoire de cette commune ardéchoise. La route doit relier Cornas à Guilherand-Granges, en rasant au passage une forêt.
Des écureuils mobilisés
La polémique concernant l'achèvement de ce nouvel axe routier dure depuis plusieurs semaines. Une ZAD, véritable lieu de vie avec cabanes, banderoles et palissades, s'est même constituée. Les militants qui occupent les lieux sont surnommés "les écureuils". Ils se sont organisés pour dormir dans les arbres et se relaient chaque nuit pour protester contre le projet et empêcher l'abattage des arbres. Un campement bien organisé et bien ravitaillé. Il y a un mois, ces écureuils verts se comptaient sur les doigts d’une main. Aujourd’hui, ils sont plusieurs dizaines et leur combat contre la déviation de Saint-Péray prend de l’ampleur.
Ce lundi 11 novembre, une "balade naturaliste" a été organisée pour faire découvrir au grand public la richesse naturelle de ce secteur du nord Ardèche, en bordure du Rhône. Une richesse menacée selon ces militants. C'est Marie qui anime la promenade verte. La jeune femme entend "défendre" cette plaine contre "un projet d'un autre temps".
#Ardèche Déviation routière à #SaintPeray : les militants écologistes dénoncent "un projet d'un autre temps" et des menaces sur la #biodiversité. Une ZAD s'est constituée pour dire non au projet et empêcher l'abattage d'arbres sur le tracé. 📸O.Unal pic.twitter.com/rA8vX5rE0G
— France 3 Rhône-Alpes (@F3Rhone_Alpes) November 11, 2024
Projet dépassé
Les opposants redoutent à la fois une artificialisation des sols et une hausse du trafic routier, avec son cortège de nuisances et de pollutions. Pour ces derniers, la construction d'un nouvel axe est une fausse bonne idée : "Plus on construit de routes, plus on facilite et on encourage le transport et notamment le transport par camions".
Un avis largement partagé par un acteur historique, un poids lourd en matière de défense de l'environnement, la Frapna Drôme Nature Environnement. L'association qui estime que le projet est "dépassé", est également montée au créneau. Elle a déposé des recours pour faire annuler le projet. L'association Alterre figure aussi parmi les opposants.
Mais pour Jacques Dubay, le maire DVD de Saint-Péray, cette route aurait dû sortir de terre depuis plusieurs années. "Il nous reste 1,3 km à faire pour terminer ce contournement qui a vocation à soulager les flux de circulations, à désenclaver et à empêcher des poids lourds de passer en plein cœur de nos villes".
Le projet menace à la fois les terres agricoles et la biodiversité. On est sur un corridor écologique entre les coteaux et la plaine du Rhône. Côté ardéchois, on a peu de plaines irrigables, ce sont des terres bonnes à préserver pour l'avenir.
Didier AriagnoPrésident Frapna Drôme Nature Environnement
Pour la Frapna Drôme Nature Environnement, l'argument de la réduction de la circulation au cœur de Saint-Péray grâce à cette déviation ne tient pas la route. Au contraire, l'association dénonce même un effet pervers : la déviation va inciter la population à habiter plus loin dans la campagne. Si la commune de Saint-Péray peut être un temps soulagé du trafic des camions qui la traversent, la déviation va engendrer à terme "une multiplication de la circulation sur le secteur". "On considère que ce projet est un projet du XXe siècle qui favorise le développement du tout voiture. Il participe à l'effondrement de la biodiversité," estime Didier Ariagno.
Un projet plus large ?
Certains opposants vont plus loin. Cette déviation ne serait que la partie émergée de l'iceberg. Ils pointent du doigt un projet plus vaste qui va mettre en péril la richesse naturelle de ce secteur. "Toute une partie de la plaine va être rasée par la construction de cette route et des projets d'urbanisme. Ce projet de déviation, c'est juste une partie d'un projet plus global de construction d'un périphérique valentinois sur toute la plaine", affirme un militant écologiste. "Ce projet se construit par petits bouts. En fait, c'est un projet d'envergure".
Pour les défenseurs de la nature, l'artificialisation des terres n'est pas la solution pour réduire le trafic. Il faudrait "augmenter l'offre de transports en commun, promouvoir le covoiturage, construire des pistes cyclables, repenser l'urbanisme". Le ferroutage et l'encouragement à la consommation locale sont également des éléments à encourager.
Plainte du maire
Jacques Dubay, le président de la communauté de communes Rhône Crussol et maire de Saint-Péray, porte le projet de déviation. Il entend les inquiétudes, mais dénonce l'occupation illégale. "Les méthodes employées sont à tout à fait inacceptable. Pour la plupart, ce sont des gens qui n'habitent pas le territoire".
Certains opposants l’ont pris pour cible sur une banderole. Elle arborait l'inscription "Dubay sous terre". Le maire a déposé une plainte "pour que ça ne se reproduise pas". "Des attaques sur les élus, on en a souvent, on ne peut pas laisser passer ça, c'est impossible. C'est l'ensemble des élus qui sont heurtés par ces méthodes. On n'attaque pas les personnes, surtout quand on représente une collectivité," estime l'édile.
Si des opposants regrettent cet incident, il pointe aussi du doigt un manque de concertation concernant le projet de déviation. Pour Jacques Dubay, la concertation a duré plusieurs années.
Mardi 12 novembre, le Tribunal administratif de Lyon doit trancher et déterminer si la déviation de Saint-Péray est une menace pour les espèces protégées du secteur.