Le séisme du Teil a détruit 20 % de la ville. Il a aussi été ressenti dans des villes voisines comme à Cruas, où se trouve la centrale nucléaire. Les installations et réacteurs sont-ils armés pour faire face à un séisme ?
Le tremblement de terre du Teil, de magnitude 5,4, du 11 novembre 2019 a été ressenti jusqu’à Cruas, à 15 km. S’il n’y a pas eu de dégâts. La centrale a été secouée, au point qu’un réacteur a dû être stoppé par mesure de sécurité.
Cruas est située dans une zone sismique active. La centrale nucléaire est-elle armée pour affronter un séisme ?
Une nécessité de vigilance
Sur cette carte, on voit clairement les différentes failles autour de Cruas. Ces dernières inquiètent certains militants écologiques, d'autant que la durée d'exploitation des structures nucléaires a été prolongée... Depuis des années, ils demandent des études plus approfondies sur l'impact des failles sur la centrale. "On est sur une situation sismique complètement nouvelle avec ce séisme qui a eu lieu il y a cinq ans. Un séisme inédit à la fois par l'amplitude - on est quand même à cinq de magnitude - et surtout aussi par le fait de la faible profondeur de là où se joue le rejet de failles" alerte Patrick Petit, coresponsable départemental EELV Ardèche. Il ajoute une information dont il a pris connaissance tout récemment : "Une des dernières hypothèses serait qu'un fort épisode pluvieux le mois précédent le séisme aurait entraîné une surcharge hydraulique, avec infiltration au niveau de la faille". Il précise qu'une étude européenne travaille en ce sens.
La centrale construite en connaissance de cause
De son côté, la direction d'EDF veut rassurer. Cruas, comme toutes les centrales nucléaires françaises, est équipée d'un dispositif de surveillance sismique. "Ce n'est pas une découverte d'avoir un réseau de failles dans la région. [...] Dès la construction, la centrale a été conçue pour résister aux séismes. EDF a installé des plots parasismiques. Ce sont des sortes d'amortisseurs qui vont absorber, filtrer les vibrations liées au mouvement de sol suite à un séisme" répond Nouredine El Messaoudi, directeur de la Centrale nucléaire de Cruas-Meysse. Il insiste sur leur efficacité lors du tremblement du Teil en 2019.
Dès 2020, des campagnes de mesures géosismiques ont été diligentées "pour mesurer et connaître plus finement les sous-sols et faire du paléoséisme" (vérifier l'activité vieille de plusieurs millions d'années). Des aménagements ont été réalisés pour "avoir une centrale qui résiste aux séismes exceptionnels".
La centrale de Cruas a été conçue pour résister aux séismes dès sa conception. [...] Suite au séisme de 2019, on a pu voir que ce système est efficace et que nous étions bien en deçà de ce que peuvent supporter les plots parasismiques.
Nouredine El Messaoudi,directeur de la Centrale nucléaire de Cruas-Meysse
Des milliards investis à perte ?
Indépendamment de toutes les questions de risques sismiques, la centrale a plus de 40 ans et doit être réévaluée. Plus de 2 milliards d'euros vont être investis pour effectuer les travaux de mise aux normes. "L'ASN autorise le directeur de la centrale de Cruas à démarrer le grand carénage à hauteur de 2 milliards d'euros. C'est 500 millions par réacteur, tout en sachant qu'éventuellement ces deux milliards seront investis à perte, si la nouvelle évaluation du risque de l'aléa sismique est trop importante et que ça nécessite l'arrêt de la centrale" critique Alain Volle, porte-parole du collectif Stop Tricastin et membre de Greenpeace.
En parallèle, il condamne la réduction du budget de rénovation énergétique de 1.5 milliard.
Les résultats des travaux seront dévoilés en 2026. Les débats sur le nucléaire et la production d'énergie au sens large vont donc se poursuivre à Cruas... et ailleurs.