Le 11 novembre 2019, à 11h52, un séisme ravageait la commune du Teil, en Ardèche. Le tremblement de terre de magnitude 5,4 n'a duré que quelques secondes mais il a fait beaucoup de dégâts. Des centaines de maisons ont été endommagées. Certains sinistrés n'ont pu regagner leur logement que très récemment, trois ans après les faits.
Un séisme de magnitude 5,4 a frappé une partie de l'Ardèche et de la Drôme, il y a tout juste trois ans. Une puissance sans équivalent en France depuis 1967. Proche de l'épicentre, la commune du Teil a été sévèrement touchée. La ville d'un peu moins de 9000 habitants, reconnue en état de catastrophe naturelle, concentrait à elle seule 80 % des dégâts engendrés par le tremblement de terre. Le hameau de La Rouvière a été dévasté, tout comme le quartier de Mélas.
Ce n'est que tout récemment que certains habitants du Teil ont retrouvé leur demeure. Une trop longue attente pour ces sinistrés du 11 novembre 2019, dont certains bataillent encore avec les compagnies d'assurance. Un retour au bercail non sans émotion et parfois avec un brin de désappointement et d'amertume.
"Ce n'est plus ce que c'était"
" Ça a été un peu long, 3 ans, mais on y est arrivé", explique Evelyne, sinistrée de 2019. Sa maison de famille, vieille de plusieurs siècles, avait subi de graves dommages lors du séisme. La destruction a été évitée mais ses propriétaires ont du faire preuve de beaucoup de patience avant de pouvoir rentrer enfin dans leurs murs. Avec son mari, elle a finalement retrouvé sa maison voilà trois mois. Malgré le soulagement, pour le couple rien n'est plus vraiment comme autrefois. "On a retrouvé la maison. Ce n'est pas la même, c'est autre chose mais on n'a pas le choix. C'est un changement. C'était ça ou bien aller habiter ailleurs".
Certaines maisons ont été totalement rasées pour être ensuite reconstruites. Sur certaines bâtisses, le béton a remplacé la pierre. Et si tout a été fait pour préserver le caractère et l'aspect extérieur de ces maisons anciennes, certaines ont perdu un peu de leur âme et de leur charme pour leurs occupants. C'est le sentiment de Michel, voisin d'Evelyne. "Elle est confortable mais ça n'a plus rien à voir avec ce qu'était notre maison secondaire," explique-t-il. "C'était une résidence familiale, ça n'a plus rien à voir avec ce que c'était. Les pièces sont plus claires, plus grandes. Mais interdiction d'avoir une cheminée à foyer ouvert ... C'est une maison moderne à l'intérieur. Avant c'était sympathique, on l'avait restaurée." Mais le Teillois d'adoption refuse de s'apitoyer : "Ce n'est plus ce que c'était! Mais on ne se plaint pas!"
Des dossiers qui traînent encore
On a une maison pleine de fissures et de moisissures. Les fenêtres ne ferment pas. Aujourd'hui en l'état on ne peut pas la vendre ou bien à moindre prix
Habitante du quartier de Fayol
Certaines constructions beaucoup plus récentes que les maisons de pays ont résisté à la secousse. Mais elles présentent encore aujourd'hui des fissures qui s'aggravent faute de réparations. En cause : des dossiers de sinistre qui traînent en longueur auprès des assurances. Les occupants en subissent les conséquences. A commencer par une perte de valeur de leur bien.
"On a une maison pleine de fissures et de moisissures. Les fenêtres ne ferment pas. Aujourd'hui, en l'état, on ne peut pas la vendre ou bien à moindre prix et ce n'est pas possible. On n'a aucune réponse, ni des experts, ni de l'assureur... rien n'avance. C'est usant." déplore une habitante du quartier de Fayol. Chez elle, des étais soutiennent encore la véranda, inutilisable, tout comme son garage. Sans compter une facture de chauffage qui grimpe à cause des courants d'air. Chez cette Teilloise, le montant des travaux est estimé à 180 000 euros mais les assurances font la sourde oreille depuis mai 2022.
Le séisme du 11 novembre avait fait des centaines de familles sinistrées. Rapidement un collectif est né pour aider les habitants, notamment dans les démarches auprès des assurances. Il comptait initialement 900 adhérents. A ce jour, ils sont encore près de 340 membres. "Ça veut dire qu'il y a toujours un certain nombre de dossiers non soldés. D'ici la fin de l'année 52% des habitats seront réparés. Ça veut dire qu'il en reste 48% à réparer " résume l'un des responsables du collectif. Aujourd’hui, les travaux sont terminés pour la moitié des sinistrés seulement.
Au Teil, la question des réparations des dégâts causés par le tremblement de terre est encore loin d'être soldée pour tous. Dossiers bloqués ou perdus, des sinistrés rencontrent toujours des difficultés avec leur compagnie d'assurance. 10% des sinistrés font face à une situation totalement bloquée. Pour le Collectif des Sinistrés du Séisme, il faut agir vite.
"On attend de la réactivité de la part des compagnies d'assurance pour solder les dossiers. Aujourd'hui on a quelques cas de gens qui perdent patience et qui finissent par vendre leur maison en l'état", assure-t-il.
Le collectif a également interpellé la préfecture pour faire prolonger le délai prévu par la législation sur les catastrophes naturelles. Car le Covid est passé par là, augmentant encore les délais pour les réparations et le traitement des dossiers. Pour le maire du Teil, Olivier Peverelli, certains sinistrés se heurtent aussi à des "difficultés conjoncturelles", avec des "prix de matériaux qui ont augmenté ou le manque d'artisans sur la commune".
Le séisme du Teil a obligé la ville à repenser l’aménagement du territoire. De nombreux bâtiments vont être détruits puis reconstruits. Mais pour le maire, l’attractivité de la commune reste intacte.
Un séisme à part
Le séisme du Teil a surpris tout le monde. De faible profondeur à environ 1 km, ses ruptures de surface et son accélération forte du sol en font un séisme à part dans l'histoire des tremblements de terre en France métropolitaine. Si ce tremblement de terre est bien d'origine naturelle, il s'est cependant produit sur une faille qui n'était pas considérée comme active par les spécialistes : la faille de la Rouvière. Cette faille qui mesure au moins une dizaine de kilomètres, a cassé sur 5 km de long et 1 à 2 km de large selon l'Institut des Risques majeurs. Cette faille avait déjà probablement subi un tremblement de terre de la même intensité il y a quelques milliers d'années.
Mais d'autres phénomènes ont pu favoriser, accélérer le déclenchement de cette secousse. Les chercheurs travaillent sur deux hypothèses : le rôle de la carrière voisine et la pluviométrie.
Car rapidement, les habitants, les médias et les scientifiques se sont posés la question de l'origine anthropique du séisme. Dans la zone de l'épicentre se trouve une carrière historique. Depuis le début du 19e, un grand volume de roches a été extrait du sous-sol.
Si les modélisations réalisées par les sismologues ont révélé que l’activité de la carrière a pu avoir une incidence sur le déclenchement du séisme, elles pointent aussi les événements hydro-climatiques précédant le séisme. Deux facteurs qui ont pu jouer un rôle dans le déclenchement et la localisation du tremblement de terre. Il avait beaucoup plu le mois précédent. L'infiltration de ces pluies a-t-elle entraîné une modification du sous-sol ?
Les travaux des scientifiques vont se poursuivent dans les années à venir dans cette partie de la vallée du Rhône. Les leçons du séisme du Teil : revoir à la hausse l’aléa sismique de ce secteur où la vulnérabilité humaine et industrielle est importante.