Les conserves faites maison sont un bon moyen de garder ses légumes plus longtemps, mais la moindre erreur peut coûter cher. En cas de mauvaise stérilisation, le consommateur s’expose à des maladies, comme le botulisme alimentaire. Simple à réaliser chez soi, la lactofermentation est une alternative moins risquée aux conserves traditionnelles.
L’actualité le rappelle, les conserves maison doivent être réalisées avec la plus grande prudence. En effet, en cas d’erreur dans le processus ou de matériel défectueux, les consommateurs de ces produits en conserve peuvent attraper des maladies. Certaines, comme le botulisme alimentaire, sont dangereuses voire mortelles. Début septembre, 5 personnes ont été hospitalisées en Indre-et-Loire, victimes de botulisme alimentaire.
Cependant, il existe une alternative aussi simple et moins risquée : la lactofermentation. Il s'agit d'une méthode de conservation des aliments qui utilise des bactéries bonnes pour l'organisme. Didier Flipo, maraîcher du Cantal, pilote la chaîne YouTube “Mon potager Plaisir”, et pour garder tous les légumes qu’il récolte plus longtemps, il utilise cette méthode. Didier Flipo a commencé à conserver ses légumes grâce à la lactofermentation il y a environ 5 ans, après des années de conserves classiques : “C’est d'une part pour économiser l'énergie puisque c'est le seul moyen de conservation qui ne consomme rien. Les bocaux, il faut de l'énergie pour faire chauffer au début, et pour le congélateur, il faut de l'énergie tout le long pour conserver les aliments. C'est le premier avantage.”
Une méthode plus sûre
Il s’est également aperçu que ses conserves avaient beaucoup moins de risques de s’abîmer et de le rendre malade : “Je me suis aperçu que c'était beaucoup plus sûr au niveau santé. Il y a beaucoup moins de risques qu'avec les conserves maison. Si on ne fait pas suffisamment bien chauffer ou s’il y a une petite fuite dans le couvercle, des bactéries se développent dans les conserves, rendant les produits super dangereux. En lactofermentation, il n’y a aucun risque.” Le peu de risques qui persistent sont, selon lui, évitables : “Si vraiment ça se passe mal, ce qui n'arrive quasiment jamais, on s'en rend compte instantanément parce qu'il y a une odeur pestilentielle au moment où on ouvre le bocal.”
Une techique plus connue qu'on ne le croit
La lactofermentation, chacun la connaît sans la connaître grâce à un produit phare issu de cette méthode : la choucroute n’est rien d’autre que du chou qui a été lactofermenté. Cela ne se limite pas au chou. De nombreux légumes peuvent être conservés grâce à ce processus. Attention cependant, la lactofermentation donne un goût particulier aux légumes. “Avant d'essayer de le faire chez soi, je conseille aux gens d'aller voir dans un magasin et de goûter quelques conserves de légumes lactofermentés pour voir si le goût leur plaît. Il y a de bonnes bactéries qui sont à l'œuvre et qui transforment les légumes. Ces microorganismes apportent d'une part de l'acidité et d'autre part transforment le goût. Quand on mange de la choucroute, ça n'a ni le goût du chou cru ni du chou cuit”, explique Didier Flipo. Les olives, par exemple, sont également conservées via ce procédé.
Comment conserver ses aliments avec une lactofermentation
Si le goût vous plaît et que vous souhaitez vous lancer à la maison, voici sa méthode : “Je conseille de commencer par exemple par des petits bâtonnets de carotte. C'est super facile à faire. On les lave grossièrement pour enlever la terre. On démarre avec des légumes sains. On ne va pas faire ça avec des légumes abîmés. On les met dans un bocal. Par-dessus. On rajoute une saumure, c'est de l'eau avec 3% de sel. Une fois que le sel est bien dissous, on le verse sur les carottes, on repousse, on ferme le bocal et ensuite on va attendre. On va le laisser à température ambiante pendant à peu près 3 à 7 jours. Si on le laisse plus longtemps ça fera des carottes qui sont un peu plus tendres et si on ne le laisse pas très longtemps, ça sera des carottes plus croquantes. Ensuite on le met à peu près 3 à 4 semaines à la cave, à une quinzaine de degrés.” Le bocal, avant ouverture, peut se conserver des années sans aucun problème, que ce soit à la cave ou dans un placard de la cuisine.
Préparer ses conserves
Il ne recommande pas d’utiliser des pommes de terre : “Ce n'est pas que c'est dangereux, c'est juste que ce n'est pas bon du tout !” Cette méthode est également utilisée pour les fruits : “C'est un peu plus délicat à réussir parce qu'ils sont plus sucrés à la base. Le gout acidulé de la lactofermentation mélangé au sucre des fruits, c'est un peu déconcertant. On peut faire des choses très bonnes avec des fruits”, explique-t-il. Vous pouvez également assaisonner vos conserves à votre goût : “Je conseille de ne pas hésiter à rajouter des petits ingrédients, rajouter un peu de curry par exemple dans le bocal, quelques aromates, des graines de cumin, du poivre, tout un tas de petits condiments qui vont donner du goût à nos lactofermentations.”
Des alliés pour le système immunitaire
Des bactéries dans nos conserves, n’est-ce-pas dangereux ? Au contraire, rassure Didier Flipo : “Ces bactéries consomment une partie du produit, elles apportent des tout un tas de de probiotiques très bons pour la santé. Ça a l'avantage d'être aussi bien meilleur pour la santé qu'une conserve qui va tout détruire avec la chaleur. C'est excellent pour le microbiote intestinal. Les bactéries vont renforcer notre système immunitaire. Ces micro-organismes vont aussi nous apporter certaines vitamines, certains acides aminés, que l'on trouve difficilement dans les autres aliments.”
Comment ça marche ?
Mais alors, comment ça marche ? Didier Flipo explique : "Dans ce bocal, il reste un petit peu d'air au moment où il est fermé. D'abord pendant les premiers 3 à 7 jours, une première famille de bactéries, qui a besoin d'oxygène, va consommer cet oxygène tout en attendrissant les légumes. Au bout de ces 3 à 7 jours, elles auront consommé tout l'oxygène qu'il y avait dans le bocal. Elles vont mourir naturellement. D'autres bactéries qui, elles, n'ont pas besoin d'oxygène vont prendre leur place. C'est pour ça qu'on appelle ça une fermentation anaérobie, c'est à dire sans oxygène.” Ces secondes bactéries vont continuer à faire évoluer le goût du produit. “Ce qui fait que ça se conserve, c'est tout simplement qu'il n’y a plus d'oxygène. Ça ne peut plus moisir, ça ne peut plus pourrir puisque toutes les mauvaises bactéries qui sont responsables des pourritures et des moisissures, ont besoin d'oxygène.” Une méthode moins risquée et tout aussi efficace pour conserver les aliments.