Coronavirus. Cantal : un coup d’arrêt dangereux pour les artisans du bâtiment

Depuis le début du confinement, ils ne comptent plus les chantiers annulés ou repoussés aux calendes grecques. Les artisans du bâtiment du Cantal commencent à tirer la sonnette d’alarme. De nombreuses petites entreprises craignent aujourd’hui, la faillite pure et simple.

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Perché sur le pan de cette toiture, avec ses deux employés, William Courchinoux a le sourire. Ce chantier arrive à point nommé, pour ce patron d’une petite entreprise de couverture. « Ces clients ont de la chance, ils cherchaient un couvreur depuis 6 mois. Avant la crise sanitaire, tous les professionnels étaient pris. Mais là, tout a changé. Avec la raréfaction des chantiers, dès qu’ils m’ont appelé, j’ai accepté. On va avoir du boulot pendant une petite semaine. C’est bien pour nous. ». Car ces derniers temps, son carnet de commandes s’est vidé inexorablement. « Beaucoup de clients m’ont appelé pour repousser notre intervention chez eux. Plus tard, à l’automne. Ils ont peur du virus et ne veulent pas que des personnes extérieures à leur foyer entrent dans leur maison ou montent sur leur toit. Ça devient vraiment très difficile pour nous ».

Au début du confinement, William a mis sa société en sommeil et ses employés au chômage partiel. « Le temps de voir dans quelles conditions sanitaires on allait pouvoir reprendre le travail ». Mi-avril, après 30 jours sans entrée d’argent, le constat est sans appel : il faut repartir au travail. D’urgence même. « On n'a pas le choix. C’est l’avenir de la boîte qui est en jeu ». Un message difficile à faire entendre aux clients. « On a quatre chantiers repoussés à l’automne. Mais on ne pourra pas tout faire, si le mauvais temps arrive dès novembre. Et on va perdre les chantiers. Trois ont déjà été annulés purement et simplement. C’est rageant. Le travail qu’on ne fait pas, c’est autant de manque à gagner. Le premier chiffrage que j’ai fait évalue la perte à 30 % de mon chiffre d’affaires. C’est grave. »

« On tente de leur remonter le moral »


Un goût amer et des difficultés, partagés par une majorité des confrères de William, dans le Cantal, à en croire la CAPEB, le syndicat patronal de l’artisanat et du bâtiment. « On voit passer beaucoup d’artisans, dans nos locaux, en ce moment, pour venir récupérer masques et protections. Tous ont le même discours : des chantiers annulés, retardés et des entreprises au bord du gouffre », confie la secrétaire de l’organisme. « D’habitude, ils passent en coup de vent, mais là, ils s’attardent. On sent qu’ils ont besoin de discuter et qu’ils se sentent très fragilisés ». « Depuis le début du confinement, entre 80 et 90 % des artisans auraient eu recours au chômage partiel. Pour une à deux semaines, voire plus. Certains n’ont toujours pas repris la moindre activité ». Et c’est le spectre de la faillite qui entre en scène. « Les patrons ont peur de l’avenir. Avant la crise, certains voulaient embaucher parce qu’ils avaient beaucoup de chantiers prévus. Mais aujourd’hui, c’est plutôt les licenciements qui pourraient arriver… Sans parler des craintes que nous avons concernant les contrats d’apprentissage. La période de recrutement va commencer et vu l’état d’esprit dans les entreprises, pas sûr qu’elles s’engagent dans la formation des jeunes. C’est très inquiétant pour l’artisanat. », confie Thérèse Bos, secrétaire générale de la CAPEB 15. 

Les aides de l’État peuvent-elles changer la donne ?


« Difficile à dire » pour la secrétaire générale de la CAPEB 15. « Tous ne les ont pas encore demandées mais la certitude, c’est que tous les artisans du bâtiment du Cantal n’y seront pas éligibles ». Pour obtenir l’aide de 1500€, les artisans doivent justifier d’une chute de leur chiffre d’affaires, pour le mois de mars 2020 versus mars 2019, d’au-moins 50 % (le seuil vient d’être revu). « Pour cette aide, c’est surtout le critère du nombre de salariés présent dans l’entreprise qui bloque souvent, car beaucoup travaillent seul ». Quant aux prêts garantis par l’État, ce sont souvent les entreprises qui étaient déjà en difficulté, qui ont connus des retards de paiements durant l’année, qui voient leurs dossiers retoqués par les banques. "Ce sont les plus fragilisés qui s’en voient privés"! S’emporte Thérèse Bos.
 

Des difficultés d’approvisionnement


Pour ceux qui, comme William, ont réussi à trouver des chantiers pour se relancer, une autre embûche les attend souvent. Le manque de matières premières. « Pour refaire cette toiture, j’ai besoin de 100 m2 de bac acier. L’usine où je me fournis, à Clermont-Ferrand, a fermé plusieurs semaines. Ils n’ont plus de stock. Pour ce chantier, ça va aller mais après, il faudra attendre sûrement 15 jours voire 3 semaines, pour en obtenir à nouveau. C’est très compliqué à gérer ». Idem pour ce carreleur, qui aurait bien des chantiers mais « nos fournisseurs de faïences sont en Espagne ou en Italie. Il n’y a aucune livraison depuis plus d’un mois. » Ce maçon, lui, attend désespérément que l’usine qui lui fournit les poutrelles béton, indispensables pour bâtir des planchers, lui confirme sa commande. Elle a rouvert la semaine dernière. Mais il faudra au moins 3 à 4 semaines pour que les matériaux soient prêts à être vendus aux professionnels. Et certains, comme William Courchinoux, remarquent aussi que les prix de ces matières premières ont tendance à grimper. « Il y a quelques semaines, je pouvais trouver des tuiles à 1,20€ pièce. Aujourd’hui, c’est 1,66€. Sur une toiture, ça fait une différence ».

Peu de perspectives


La CAPEB s’inquiète aussi de voir les commandes publiques au point mort, au niveau local. Dans certaines communes, les conseils municipaux n’ont pas pu se mettre en place, après les dernières élections. Pour d’autres, le choix n’est pas encore fait. Les budgets n’ont donc pas été votés. « Certains travaux qui pourraient être engagés par les communes sont en stand-by. C’est un frein énorme pour les artisans. Et ça annonce des difficultés supplémentaires ».
D’une manière ou d’une autre, tous les corps de métier du bâtiment semblent touchés par le coup d’arrêt qu’à représenté le confinement, dans leurs activités. « On ne mesure pas encore jusqu’où iront les répercussions. On est dans une situation très difficile. Ça va être compliqué de s’en sortir pour ceux qui étaient déjà juste, niveau trésorerie », conclut Thérèse Bos. Dans le département, 1300 artisans du bâtiment sont inscrits à la Chambre des Métiers. Ces entreprises emploient environ 2500 personnes.
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