Dans le Cantal, un projet d'exploitation minière sur la narse de Nouvialle, une zone humide protégée, fait polémique. Le site possède dans son sous-sol une réserve importante de diatomite, un minerai très convoité. Les défenseurs de l'environnement veulent préserver cet espace naturel sensible.
Dans le Cantal, la narse de Nouvialle est située au coeur de la Planèze entre Saint-Flour et les monts du Cantal. Elle s'étend sur 400 hectares sur des terres agricoles. C'est aussi, en sous-sol, un important gisement de diatomite, une roche sédimentaire composée d'algues fossilisées. Une entreprise de Murat qui appartient au groupe Imerys convoite ce site. Cette entreprise possède déjà une carrière de diatomite sur la commune de Virargues qui permet, après séchage et calcination, de produire des poudres de diatomées utilisées dans la filtration.
Différents usages
François Gueidan, directeur d’Imerys à Murat, explique : « Les poudres de diatomée ont plusieurs usages. En premier lieu, elles servent dans l’industrie de pointe de la pharmaceutique et de l’hospitalier, pour la filtration des plasmas sanguins. Par exemple, ce qui sort de l’usine permet de filtrer 400 000 litres de plasma sanguin par an. Cela sert aussi pour des supports, de type sérum, dans l’industrie pharmaceutique et hospitalière ». La diatomée est aussi utilisée dans le secteur alimentaire, agro-alimentaire, la parfumerie et les bio-carburants.
"Il s’agit d’une cuvette naturelle qui nous protège des crues"
Le projet d'ouvrir une carrière similaire sur la narse soulève quelques inquiétudes chez certains comme Jean-Jacques Carrier qui élève des bovins à Liozargues. Il n'en comprend pas le bien-fondé. L’agriculteur souligne : « C’est un peu aberrant, surtout avec les problèmes environnementaux qu’il y a actuellement, de détruire un endroit comme la narse. Il s’agit d’une cuvette naturelle qui nous protège des crues et en plus, il y a de l’eau potable dessous. Je pense qu’il y a un sacré potentiel. La diatomée n’est pas la richesse première, pour moi, c’est l’eau. Après, c’est la sécurité publique et l’intérêt de tous. Chacun a le droit d’être pour ou contre. Il ne faut pas diviser les gens, les agriculteurs contre les écolos ».
Des alternatives envisagées
Un collectif pour défendre la narse existe depuis plusieurs années. Il organisait début février une marche à l'occasion de la journée mondiale des zones humides, afin de rappeler les grands principes de son action. Anthony Marque, porte-parole du Collectif de la narse, précise : « Nous ne sommes pas anti-industrie ou anti-activité économique sur le département. Nous ne sommes pas des anti-tout. Bien au contraire, notre collectif est en train de travailler pour trouver des solutions. Par exemple, sur le gisement qui est encore en exploitation, on voit qu’il y a encore dix à vingt ans de ressources. On a vu que des substituts à la diatomite existaient, notamment pour la filtration alimentaire. On se rend compte qu’on a du temps devant nous pour essayer de trouver des alternatives économiquement viables ».
La question de l'eau
Il poursuit : « Avec ce projet, il y a la disparition des terres agricoles qui est importante ainsi que l’impact sur le paysage et sur l’économie du secteur, avec le tourisme. Il y a aussi la question de la ressource en eau, avec la qualité de l’eau et les possibles pollutions que cela pourrait entraîner sur le cours d’eau en aval. Il y a des rejets de poussière ou de diatomite dans les cours d’eau qu’on a pu constater sur la commune de Virargues. Cela engendre un colmatage des ruisseaux qui provoque des pollutions : les troupeaux ne peuvent plus s’abreuver et la faune présente dans les cours d’eau disparaît ».
"La faible emprise par rapport à la narse elle-même"
Les responsables d'Imerys estiment pour leur part qu'il reste seulement cinq ans d'exploitation possible sur la carrière actuelle, d'où la volonté de trouver un nouveau site. Selon eux, leur projet est raisonnable par rapport à la biodiversité de la narse. Sandrine Peraud-Degez, directrice des sites Imerys, estime : « On comprend qu’il y a un certain nombre d’interrogations qui soient posées par rapport à l’exploitation d’une partie de ce gisement de diatomite. Mais le point que je voudrais partager est la faible emprise par rapport à la narse elle-même. La narse représente environ 400 hectares. Dans le cadre de notre projet, l’exploitation serait de l’ordre de 7 à 10 hectares, ce qui représente moins de 2,5 % de la narse ».
Une carrière réhabilitée
Imerys veut également donner quelques gages dans la perspective de remettre en état après exploitation comme ils l'ont fait tout près de la carrière actuelle. François Gueidan, directeur d’Imerys à Murat, ajoute : « Nous sommes sur un site qui était une ancienne carrière, sur une superficie d’environ 30 hectares. Il a été réhabilité en zone humide. On essaie de coller à toutes les nouvelles connaissances qui permettent de revenir à un état naturel qu’on souhaite le plus parfait possible ».
Le problème de l'attractivité
Les élus des communes concernées par la narse se montrent pour l'instant plutôt défavorables au projet d'exploitation de la diatomite. Céline Charriaud, présidente de Saint-Flour Communauté, affirme : « Saint-Flour communauté y est opposé parce que ce n’est pas compatible, selon nous, avec toutes les notions d’attractivité qu’on souhaite développer sur ce territoire. On s’appuie sur notre patrimoine bâti et sur notre patrimoine environnemental, nos paysages, qui sont un atout indéniable pour être attractif et faire venir du monde chez nous. Une exploitation minière, en plein cœur de la Planèze, ne nous semble pas compatible du tout avec ces objectifs ».
Dans les mois qui viennent, les différentes parties devraient se rencontrer pour échanger. En principe, Imerys envisage de déposer sa demande officielle d'exploitation début 2023. Ce sera alors le préfet qui devra décider si oui ou non, on peut ouvrir une carrière sur la narse de Nouvialle.