Du 5 au 7 janvier, le lac des Graves dans le Cantal accueille le premier Festival du froid. Les organisateurs souhaitent mettre en avant les bienfaits du froid sur la santé. Une pratique qui doit être encadrée, car elle peut présenter des risques.
Depuis 5 ans, des stages de bien-être par le froid se sont multipliés dans le Cantal. Du 5 au 7 janvier, le premier Festival du froid va avoir lieu au lac des Graves. Lors de ces 3 jours de festival, différents ateliers et conférences seront proposés sur le thème de la respiration, du yoga, de l’exposition au froid, de l’animal flow (une pratique sportive inspirée des mouvements des animaux). De la natation en relais en eau froide, de la course en short sont également au programme. Damien Gaston, organisateur, raconte : « Les stages dans le Cantal ont débuté il y a 5 ans. Cela suscite aujourd’hui une attention particulière mais au début, les gens qui se baignaient dans l’eau froide étaient vus comme des fous ». Leonardo Pelagotti, fondateur d’Inspire Potential, fait partie de ceux qui étaient perçus comme des fous. Il explique la raison d’être de ce festival : « Le but de ce festival est de montrer les bienfaits du froid. De nombreuses personnes vont découvrir la pratique de l’exposition au froid. Quand on parle d’exposition au froid, c’est contrôlé et non forcé. On veut montrer comment apprendre à utiliser le froid pour la santé. On veut mettre en valeur les vertus du froid, cet allier méconnu pour l’instant. Les études scientifiques sur le sujet sont un peu larges. Elles disent que l’eau est considérée comme froide entre 0 et environ 15 degrés. Mais dans le Cantal, on va utiliser le lac des Graves qui est entre 0 et 5 degrés ». Ce festival est l'occasion de mettre en avant la méthode Wim Hof.
Une méthode bâtie sur 3 piliers
La méthode Wim Hof a été développée en 2013, par "l'homme de glace". Elle est basée sur trois piliers : l’exposition au froid, la respiration et la gestion du mental. Selon Leonardo Pelagotti, le froid présente de nombreux bienfaits pour la santé : « Le froid permet d’activer la barrière immunitaire. Il peut aussi baisser l’inflammation. Ces deux éléments sont en lien avec le système immunitaire. Il y a aussi une notion de récupération, que les sportifs utilisent. Le froid permet l’activation du métabolisme, il peut être utilisé pour une perte de poids ou pour l’activation de la dopamine. La sphère du froid agit au niveau de la production hormonale, pour permettre au corps de produire de l’énergie pour se réchauffer et pour aussi mettre le corps dans un état de dynamisme et de motivation. On apprend aussi à gérer quelque chose qui est inconfortable, qui peut être source de stress. Le froid permet aussi la régulation du rythme circadien donc certaines personnes arrivent à mieux dormir, en pratiquant le froid le matin ». Il insiste : « Rien qu’avec une immersion d’1 à 2 minutes dans l’eau froide, on ressent les premiers bienfaits. Si l’eau est à 15 degrés, on peut rester 5 minutes. On parle de temps assez courts ».
Une pratique encadrée
Pour Leonardo Pelagotti, la pratique de la baignade en eau froide doit être encadrée : « Il ne faut pas non plus faire n’importe quoi avec le froid. La pratique que l’on propose, graduelle et non forcée, est assez sure. Il faut juste faire attention à un public fragile comme les personnes qui ont des problèmes cardiaques sévères, les femmes enceintes et les personnes épileptiques. A part cela, il n’y a pas vraiment de contre-indications majeures, si l’on fait bien la préparation. Il ne faut pas improviser et se jeter dans un lac gelé. Ce n’est pas conseillé ». Il rappelle : « Il y aura des maîtres-nageurs, un médecin, des infirmières et tous les instructeurs. On fera signer des formulaires médicaux pour savoir si l’on doit adapter la pratique. J’ai déjà accompagné plus de 8 000 personnes et à chaque fois j’adapte la pratique à la personne. Finalement, cela se passe assez bien quand on a appris à maîtriser sa respiration, quand on s’est bien préparé physiquement et mentalement. L’exposition au froid n’est pas traumatique ou stressante ».
Peu d'études sur le sujet
Stéphane Perrey est enseignant-chercheur à l’Université de Montpellier. Il est plus mesuré sur les bienfaits de la méthode Wim Hof et de l’exposition au froid : « On manque encore de preuves scientifiques sur ce genre de procédures. De rares études ont tendance à montrer qu’il n’y a pas vraiment un effet bénéfique énorme sur la partie métabolique et musculaire. En revanche, sur la partie subjective et la sensation de bien-être, les témoins sont davantage ouverts. Il peut aussi y avoir un effet placebo ». Il indique quelques bienfaits pour la santé apportés par le froid : « Un bain à l’eau froide apporte un stress très aigu. Si vous avez un rythme respiratoire qui est adapté, comme le conseille la méthode Wim Hof, cela va diminuer le niveau d’anxiété, apporter du relâchement. D’un point de vue sportif, cela permet d’atténuer certaines inflammations et certaines douleurs. Cela facilite une sorte de récupération après l’effort. Tout dépend du temps d’exposition, de la température. La méthode Wim Hof est constituée de trois grandes interventions : on commence par des mouvements de respiration assez forts, puis on poursuit par un exercice de méditation et on finit par une exposition au froid d’une dizaine de minutes, dans une eau à 10-12 degrés. Ce sont des recommandations : elles n’ont aucun fondement scientifique avéré ». Le scientifique souligne : « Le froid peut apporter des bienfaits sur le plan immunitaire. Il y a quelques travaux là-dessus. Mais si on applique la méthode stricto sensu et qu’on mesure les réponses du système immunitaire chez l’homme, il n’y a pas eu de validation. Il y a quelques éléments, avec certains marqueurs qui caractérisent l’inflammation, qui ont été mesurés lorsqu’on réalise de la méditation, des techniques de respiration et une exposition au froid. A partir de ces médiateurs de l’inflammation, on pourrait dire que le système immunitaire n’est pas altéré, au contraire. Mais il reste à voir si cela a des répercussions sur la santé. En général, 2 à 4 minutes peuvent suffire pour avoir la sensation de diminution de l’anxiété ».
Une méthode qui a ses limites
Stéphane Perrey évoque les limites de la méthode Wim Hof : « La partie ventilation n’est pas une respiration normale, elle est forcée. Vous êtes dans un régime d’hyperventilation et vous pouvez générer des réponses qui peuvent induire une détresse respiratoire. Si vous couplez cela à du froid, il peut y avoir une perte de repères, une perte de conscience et d’évanouissement. Il y a aussi le côté hypothermique que le froid peut provoquer. Il faut faire attention à la durée d’exposition au froid, à la température. Si la température est vraiment inférieure à la température du corps et que vous avez tendance à refroidir le corps, vous rentrez dans des formes d’hypothermie, et vous perdez tous les bienfaits du froid. De plus, il faut être vigilant si vous présentez une forme d’hypertension. Au niveau du système cardio-vasculaire, le bain de glace n’est pas recommandé. Un stress trop important va être généré sur le système vasculaire ». Pour lui, il existe certaines contre-indications avant d’adopter la méthode Wim Hof : « Les quelques travaux qui ont été effectués ont été réalisés sur des personnes adultes et saines. Toutes les personnes qui ont des pathologies chroniques, métaboliques ou respiratoires peuvent prendre des risques non négligeables si elles appliquent cette méthode. Par exemple, si vous avez des problèmes au niveau de la microcirculation sanguine, il peut y avoir des risques. Le froid agit sur ces systèmes vasculaires et les inflammations qui sont générées peuvent être néfastes pour les vaisseaux. Au préalable, il faut faire un bilan de santé pour s’assurer qu’on peut pratiquer ce genre de méthode ».
Quelques effets positifs
Plus généralement, se baigner à l’eau froide peut apporter un certain bien-être : « Il y a souvent un côté subjectif. Si on se baigne à l’eau froide et qu’on a quelques douleurs musculaires, cela peut agir directement sur les masses musculaires. Il peut aussi y avoir une sensation de relâchement du système nerveux central, avec une respiration adaptée. Vous allez avoir tendance à ralentir votre système cardiaque. Mais si on sort un peu de ce cadre, avec un contexte plus froid, plus intense, chez une population à risque, il n’est pas évident d’avoir des effets bénéfiques ». Les sportifs ont souvent recours au froid après l’effort, afin de faciliter la récupération. L’enseignant-chercheur détaille comment cela fonctionne : « Les rugbymen ou les footballeurs prennent des bains de glace. Cela a un effet analgésique, un peu comme si vous appliquiez une bombe de froid sur le muscle. La pression de l’eau permet de diminuer les gonflements car elle agit directement en local sur le flux sanguin. Mais si vous le faites hors de ce contexte de diminution de la douleur, si vous répétez cela trop souvent, il peut y avoir des effets délétères. A chaque fois que vous faites un effort, il y a une réponse pour le muscle, notamment en termes de croissance musculaire. Il y a donc aussi des limites pour les sportifs ». Il est donc difficile de mesurer les bienfaits d’une exposition au froid comme le préconise la méthode Wim Hof. Avant de vous plonger dans des eaux froides, il faut bien être conscient qu’il peut y avoir certains risques.