Au cœur du Cantal, Benjamin Brunet, charpentier passionné, relève un défi titanesque : restaurer seul le château de Saint-Cirgues-de-Malbert, en utilisant des outils d’époque et un savoir-faire ancestral.
Perché dans la campagne sauvage du Cantal, au cœur de la nature, un homme œuvre à une entreprise folle, mais passionnée : restaurer un château du XIIe siècle tout seul. Son nom ? Benjamin Brunet, un charpentier passionné et un amoureux de liberté. Depuis maintenant sept ans, il a pris la décision de ne rien demander à personne, ni aide extérieure, ni financement public (sauf une toute récente aide du Loto du Patrimoine), pour redonner vie à la forteresse de Saint-Cirgues-de-Malbert. Son chantier ? Une aventure hors du temps, tout droit sortie d’un roman médiéval.
Tout faire, tout seul
Tout a commencé il y a sept ans, lorsque Benjamin Brunet, à la recherche de nouveaux défis, est tombé sur une annonce immobilière proposant la vente d’un château en ruines, perdu dans la campagne cantalienne. Ce château de quelques hectares, datant du XIIe siècle, semblait être la toile de fond idéale pour un projet audacieux. Passionné par son métier de charpentier et fasciné par l’histoire des lieux, Benjamin a décidé de s’y installer et de lui redonner vie.
Pas de plan de financement. Pas de travaux en équipe. Benjamin n’a ni architecte, ni maçons à ses côtés. Il défriche seul la terre, coupe le bois à la hache, redresse les bords avec son rabot, travaille le fer à la main, et reconstruit pierre par pierre. "J’utilise uniquement les matériaux qui sont sur place", explique-t-il. “J’essaie de me rapprocher au plus près des méthodes anciennes. C’est une méthode exigeante, lente, mais qui fait sens pour moi”. Benjamin travaille sans relâche et sans se presser, juste pour le plaisir de reconstruire, pièce par pièce. Un travail long et fastidieux : “Parfois, je peux travailler des journées entières, de l'aube jusqu'à tard dans la soirée”. Mais pas de quoi décourager le charpentier : "Je suis un artisan du temps long. Mon but, ce n’est pas d’aller vite, mais de savourer chaque geste. Je ne veux pas me presser. Je veux sentir la beauté du travail à la main, la simplicité de l’effort quotidien".
Un mode de vie médiéval, mais libre
Cette aventure est à l’image de son univers un peu à part, digne d’un chevalier des temps modernes. Il élève des brebis, fabrique son propre miel, se déplace à cheval. Benjamin vit dans une forme de pauvreté volontaire. Il ne touche aucun revenu, ni salaire, ni aide sociale. Son choix est radical : il a décidé de se consacrer entièrement à ce chantier, sans se reposer sur les aides habituelles de la société. Sa subsistance provient uniquement de ce qu’il produit sur place. Son mode de vie rustique et autonome est une quête personnelle pour échapper à “un monde de plus en plus matérialiste et rapide”, selon lui. Il explique : “Là où d’autres chercheront des avantages matériels, moi, je cherche une forme de liberté absolue. Je vis au rythme de la nature. Si un jour le prix du pétrole explose, ça ne changera rien à ma vie. Et c’est en cela que je suis chanceux. Je recherche l'autonomie. Pas celle qu'on m'impose, mais celle que je choisis. C’est un peu comme le chantier du château : tout faire moi-même, c’est un acte de liberté".
Aujourd’hui, il vit déjà dans une partie du château qui a été restaurée, un espace simple et authentique, qui lui permet de se concentrer pleinement sur son travail. Sa femme et ses enfants vivent ailleurs. Elle, sa compagne, participe néanmoins à l’aventure à sa manière : “Elle gère un site internet, crée des événements pour soutenir le projet et anime les réseaux sociaux pour mettre en lumière mon histoire. Elle a créé une association également pour récolter des fonds pour acheter des matériaux qu'on ne trouve pas sur le domaine”.
“Le chantier de toute une vie”
Sélectionné par le Loto du Patrimoine 2024, Benjamin Brunet bénéficiera d'une aide financière d'une centaine de milliers d'euros pour accélérer les travaux. Grâce à cela, Benjamin pourra enfin obtenir un coup de pouce : deux maçons pour accélérer les travaux. Mais le chantier reste gigantesque, et l'homme de 34 ans ne s’attend pas à voir le fruit de son travail avant encore une quarantaine d'années. “C’est le chantier de toute une vie, on peut le dire”, s’amuse-t-il. Mais alors que fera-t-il de ce château une fois restauré ? "Je laisserai les autres profiter de mon travail, quel qu’il soit, je m’en fiche", répond-il avec une simplicité désarmante.
Ce chantier, pour Benjamin, n’est pas une quête de reconnaissance ou de gloire. “Je le fais pour la beauté du geste, pour l’amour du patrimoine et de l’artisanat, souligne-t-il. Je ne le fais pas pour pouvoir en jouir plus tard, car, de toute façon, je serai trop vieux pour vivre dedans". Ce château, il le restaure pour l’histoire, pour l’héritage qu’il laissera derrière lui. Il admet que son raisonnement étonne. Il expose sa philosophie : “C’est un peu comme cet homme qui part en voyage sans penser à revenir, ou comme celui qui commence un livre sans vouloir qu’il se termine. Je veux savourer chaque instant, sans penser à la fin”.
Le charpentier ne cherche, selon lui, ni la célébrité, ni la reconnaissance publique. Ce qu’il désire, c’est un retour à l’essentiel. Ralentir, choisir la patience, le détail et la simplicité, voilà ce qu’il revendique. Si tout va bien, dans quelques décennies, le Château de Saint-Cirgues-de-Malbert retrouvera son éclat d’antan, tel qu’il était au XIIe siècle, grâce à un homme qui, tout seul, aura défié le temps et la facilité pour faire revivre un morceau d’histoire.